LA GROTTE COSQUER

 

Vanrell L. & Delhomme A. (2003) – Marseille / grotte Cosquer (Paléolithique supérieur). Dans : Service Régional de l'Archéologie. Bilan Scientifique de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur 2002 , p. 105-107 : fig. 43.

 

 

La grotte est insérée dans les épais bancs de calcaires urgoniens du cap Morgiou, dans le massif des Calanques entre Marseille et Cassis au lieu-dit la Pointe de laVoile. Henri Cosquer la déclare en septembre 1991 . Cette zone regorge de cavités, certaines émergées, d'autres submergées. Elle fut fréquentée par les hommes au moins une première fois au Gravettien puis une deuxième fois, dix mille ans plus tard, au Solutréen. Ces données sont confirmées par des datations directes au 14C. Son accès fut submergé par la montée marine post-glaciaire il y a environ 7000 ans. Lors de son occupation, au maximum de la régression wurmienne, on estime le niveau de la mer 120 m plus bas que le niveau actuel, ce qui situe le littoral pléistocène environ 10 km au sud de la grotte. On accède maintenant aux salles ornées par un boyau remontant submergé, de 147 m de long, dont l'entrée est à 37 m de fond. Seul un tiers des cavités a été épargné par le rehaussement du niveau marin. On y trouve peintures, dessins, tracés digitaux et gravures en quantité. Si la grotte n'est pas la plus grande, en taille, des grottes ornées européennes, sa particularité est d'être ornée sur la quasi-totalité de ses surfaces disponibles, même dans ses diverticules les plus inaccessibles. Elle présente ainsi une quantité d'ornements sans pareil. "La Grotte Cosquer devait être un des plus importants sanctuaires européens du Paléolithique supérieur" (Clottes, Courtin 2002). Ceci conforte notre idée de la place importante qu'avait la région lors de cette longue période qui a laissé par ailleurs peu de traces. Mais comme l'avait déjà suggéré M. Escalon de Fonton et démontré Jean Courtin grâce et ses fouilles sous-marines, le Paléolithique provençal est en grande partie sous la mer. "Si la Provence n'est pas aussi riche en gisements que le Sud-Ouest de la France, c'est surtout parce que les phénomènes géologiques ont effacé la plupart des traces et des vestiges de notre lointain passé. De très nombreux indices permettent de penser que loin d'avoir été un pays vide, cette région fut toujours assez bien peuplée, surtout dans sa zone côtière malheureusement en grande partie immergée de nos jours." (Escalon de Fonton 1969).

Fig. 43 : Marseille, grotte Cosquer. Plan en cours de révision de la grotte ; état provisoire 2002. En grisé, les zones noyées ; la zone en hachures obliques est celle étudiée en aout 2002 (relevé Y. Billaud, annotations J. Clottes et J. Courtin).

Cette année a permis une avancée significative dans les travaux d'aménagement, d'équipement et de sécurité du site ainsi que dans le programme scientifique*. Les lourdes contraintes liées à l'accès au site et à l'acheminement du matériel ont été assumées efficacement par une équipe parfaitement rodée à ces interventions. Cinquante-quatre journées de chantier ont été programmées, quarante-neuf réalisées, ce qui au vu des conditions météorologiques affrontées et des difficultés d'accès représente une réelle performance.

La première tâche que nous nous étions fixée était l'évacuation de tous les matériels et matériaux abandonnés dans la grotte et son siphon d'accès, lors des missions de 1 992 et 1994. Ces équipements, devenus inutiles et inutilisables, polluaient les sols et le milieu en se dégradant. Il y avait urgence. Le nettoyage du siphon d'accès, en plongée, fut un travail particulièrement périlleux et complexe à organiser. En effet, le fond de cette galerie est composé d'une argile colloïdale qui se met en suspension au moindre mouvement de l'eau, pour une durée d'au moins 24 h, et qui prive alors totalement les plongeurs de visibilité. Ces caractéristiques sont à l'origine de l'accident de 1991 (trois morts). Tous les faisceaux de câbles et les gaines techniques abandonnés étaient profondément enouillés dans cette vase. Il s'agissait là d'un travail sous-marin difficile en aveugle et sous surface non-libre.

Certaines incohérences nous étant apparues sur les documents de 1992, la poursuite des travaux de topographie, avec la participation de Y. Billaud (DRASSM, Annecy), nous a permis de préciser les véritables formes et dimensions de la grotte (fig. 43). De nouvelles explorations de zones difficiles d'accès ont réservé de belles surprises : notamment, un corridor l'environ 15 m de long sur 2 de large, au plafond bas et presque entièrement orné de tracés digitaux.

La maintenance des équipements de mesures climatiques et la récupération des données enregistrées se sont poursuivies avec difficulté car le matériel informatique, réinstallé depuis 1995, souffre, malgré nos soins, du climat humide et marin de la grotte.

L'inventaire existant des figurations a été partiellement repris, corrigé et complété par J. Clottes et J. Courtin lors d'une campagne d'une semaine en août. Quatorze nouvelles figurations animales ont été trouvées pendant cette période. La densité des représentations est si importante qu'à chaque intervention de nouvelles œuvres sont découvertes et qu'un inventaire, qui ne sera jamais complètement exhaustif, effectué par une équipe totalement dévolue à cette tâche, prendra de très nombreuses années (estimation J. Clottes). Conjointement à cette étude, plusieurs constatations ont été effectuées, initiant de nouveaux projets de recherche.

Une campagne d'acquisition d'images vidéo sur support numérique professionnel a été effectuée par une équipe de la société Studio 107, conjointement au tournage d'une émission télévisuelle (Ushuaïa) qui devrait être diffusée au printemps 2003 sur la chaîne TF1.

Lors de cette campagne 2002, la plus grande partie de notre temps a été dévolue à l'encadrement des intervenants techniques ou scientifiques et à la réalisation des travaux. Le lourd programme que nous nous étions fixé étant réalisé, la campagne 2003 devrait pouvoir être essentiellement consacrée aux programmes scientifiques et à l'acquisition de données pour l'enrichissement du corpus qui pourra être mis à la disposition de la communauté scientifique et du public, après publications.

Luc Vanrell, Anne Delhomme

* Ont participé à la campagne 2002 : Thierry et Régis Betton Yves Billaud, Jean Clottes, Jocelyn Collerie De Borely, Jacques Collina-Girard, Jean Cousin, Xavier Delestre, Anne Delhomme Sylvie Gouirand, Yves Lemoine Jean-Laurent Marzullo, Jean-Max Mazier, Michel Olive, Pascal Perino, Luc Vanrell.