La plongée spéléo belge


par Serge Delaby

 

1. Bref historique de la plongée belge.

La Belgique est depuis longtemps un pays de tradition spéléologique. En 1910, les grands jalons du karst belge sont connu et répertorié dans l’œuvre magistrale de VMR. A l’instar des autres nations " spéléo ", la spéléologie sportive se développe peu après la seconde guerre mondiale. En 1949, le trou Bernard est exploré jusqu’à -120 m et est encore la plus profonde grotte du pays.

Les premières plongées ne tardent pas, et dès 1950, Théodore s’immerge dans quelques siphons. Les résultats de ces investigations reste assez limité. Epinglons le franchissement du premier siphon de Remouchamps (20 m).

En 1959, Brichard, Jasinski et Sténuit entament des explorations subaquatiques dans la région de Han-sur-Lesse. Ces explorations sont malheureusement endeuillées par la noyade de P. Brichard (1959). Jasinski, publiera ensuite un des premiers livres européen sur la plongée spéléo " Plongée sous terre ". Il va de soi que le matériel utilisé, jusqu’ici était constitué d’une bouteille avec un détendeur à un étage. La technique était celle de l’assurance directe.

Dans les années 60, de nouvelles équipes de plongeurs apparaissent. D’abord les plongeurs de la S.S.N. (Destreille, Gollenvaux, Delvaux), suivi bientôt par les Hydronautes (Damuzeau, Deblock, J.C. Delaby) sans oublier quelques plongeurs sporadiques du G.A.S. et du S.P.E.K.U.L.

Apparition des détendeurs à deux étages, mais toujours utilisés sans manomètre. Apparition de bi-bouteilles, souvent couplé. Assurance directe ou dérouleur.

Des plongées profondes, pour l’époque et à l’air, ont lieux dans la résurgence d’Eprave (-50 m, Lucienne Golenvaux communication orale). Un premier grand réseau post siphon est découvert à Hotton. Enfin, en plongée "fond de trou", le Bernard atteint la profondeur de –140 m (De Block, 1969).

Parallèlement aux explorations en Belgique, les plongeurs de la SSN s’immergent dans de nombreux siphons d’Ardèche et réalisent une très belle traversée intégrale sur le système de Foussoubie.

L’enthousiasme de ces plongeurs s’amenuise progressivement et au milieux des années 70, il n’y a presque plus de plongeurs en Belgique. Quatre accidents mortels ont marqué cette période.

A partir des années 80, la plongée belge prendra sont essor actuel. Sous l’impulsion de J.P.Thiry de nouveaux plongeurs arrivent tels les plongeurs du FSBF (Beaurir, Pauwels, Thiry) coté wallon et les plongeurs du SPEKUL (Devos et Masschelein) coté néerlandophone. Rapidement d’autres groupes spéléos se spécialisent en plongée : La Roussette (Cossemyns, Cuvelier), SCB (Gillet, Gueullete), CSARI (Delaby, Léonard, Verheyden) et SCUCL (Bastin, Funcken, Grandmont, Henry, Landuyt, Van Espen).

Venues d’Allemagne, de France, de Suisse mais aussi d’Angleterre, les techniques s’affinent a en devenir fiable. Les bouteilles sont séparés et équipées de détendeur couplé à un manomètre, la règle des tiers est appliquée, l’utilisation du dévidoir se généralise …

Ainsi seront successivement franchi les siphons de Han-sur-Lesse, du Winand, de Hotton et de Remouchamps.

Fort de leurs expériences en siphon étroit et boueux, les plongeurs belges exporterons rapidement leurs compétence dans le Nord de la France qui présente certaines caractéristique des siphons belges. Ainsi le plus long siphon du Nord de la France est explorés : La Bézerne (Meuse, S1=1690m)

Les plongeurs belges proviennent à l’origine du milieu spéléo, ce qui ne diffère pas des autres pays. Mais la plupart, restent attachés à leur origine et privilégient l’exploration mixte (zone noyé et non noyées). C’est ainsi, que le plus long réseau post siphon du monde est exploré en Suisse.

Quelques plongeurs commencent à utilisr les mélanges pour continuer leurs explorations. La profondeur de –155 m est atteinte dans le gouffre de Hranicka en 1993 (troisième profondeur atteinte à l’époque).

Comme on le constate les plongeurs belges ont peu participé à l’exploration des grand réseaux noyés faisant appel à des techniques de plongée pointues tel l’utilisation de relais, propulseurs, recycleurs et/ou l’usage de mélanges.

Ils se sont, par contre, dédiés à l’exploration de siphons rébarbatifs et de réseaux post-siphon.

2. Le plongeur

Le plongeur spéléo belge est affilié à la fédération spéléo (Union Belge de Spéléo / UIS) et est rarement membre de la fédération de plongée (LIFRAS/CMAS). En effet, la LIFRAS, toujours occupée à faire passer des brevets de toutes sortes, n’aide en aucune manière la plongée spéléo.

Le plongeur spéléo belge est par ailleurs fort réticent à la mise en place de brevetspour sa discipline. Par contre, il défend la plongée d’exploration de qualité. Cela veut dire, entre autre, pas de première sans topo et récolte d’un maximum d’information de niveau scientifique, photographiques.

Les rares possibilités de subventions et de prêts en matériel proviennent de la commission plongée ou de la commission explo de l’UBS.

Le nombre de pratiquant diffère selon la source.

La LIFRAS a organisé entre 1988 et 1994, quelques formations de plongeurs spéléos sous l’œil attentifs des plongeurs UBS. Septente individus ont ainsi été homologué comme plongeur spéléo.

Quarante personnes se sont déclarées plongeur spéléo lors d’un recensement réalisé en 1994 à l’UBS. Ce qui avec les personnes affiliées aux deux fédérations, nous amène à +/- 90 plongeurs prétendus spéléos ou l’inverse c’est selon. Car si c’était vrai, nous aurions de sérieux problème de sites surfréquentés en Belgiques.

Sur le terrain, on observe un trentaine de spéléo-plongeurs, dont seulement la moitié fait de l’exploration.

3. Phénomène karstiques spectaculaire exploré en plongée.

La morphologie des siphon, tout comme celle des grotte dont ils ne constituent que la partie immergée de l’iceberg sont d’une manière générale en Belgique de petite dimension. Quelques exceptions de tailles (sans jeu de mots) toutefois comme la Lesse souterraine.

Autre caractéristique des siphons belges est l’absence de visibilité due soit à une eau polluée et trouble au départ, soit par un important dépot de sédiments fins qui se met en suspension, soit par la combinaison des deux.

3.1 La Lesse souterraine ou réseau de Han sur Lesse.

Le plus long réseau noyé.

La Lesse est une importante rivière de Belgique qui emprunte un parcours souterrain de plusieurs centaines de mètres. La perte ce fait au niveau du gouffre de Belvaux et la sortie des eaux au niveau de la grotte de Han. Une série de zone siphonnante ponctue cette imposante percée hydrogéologique. Plusieurs génération de plongeurs se sont relayé pour l’exploration des siphons. Depuis R. de Joly en 1936.

3.2 La grotte de Remouchamps.

Le siphon le plus long.

La grotte de Remouchamps est importante émergence tant en débit que en développement.

Après un parcours aérien et actuellement touristique, on débouche sur des siphon. Un premier siphon de 20 m sera franchi par Théodore en 1950. Le second siphon, long de 450 m et profond de 48m, sera finalement franchi en 1992 (Théodore 50, Gillet 86, Funcken et Pauwels). Ce siphon est un des plus difficile de Belgique, non pas pour sa longueurs mais du à la mauvaise visibilité un parcours tortueux et quelques passage en laminoirs très étroits. Le port des bouteilles se fait évidemment à la ceinture accompagné de relais. Les exploration sont actuellement stoppées.

Au cours de ces explorations un plongeur à perdu la vie. Et en 1993, un autre plongeur resta bloqué post S2 pendant presque deux jours, entraînant un sauvetage des plus délicats. Suite à cela, l’accès au siphons fut interdit.

3.3 La résurgence d’Eprave.

Ou le plus profond siphon belge.

Pour franchir la vasque d’entrée, il faut préalablement et longuement déblayer une trémie instable vers –3/-6m. Ce qui ne facilite pas l’exploration du siphon.

Ensuite Plongée à l’air jusqu’à –84m là ou le siphon se resserre. Ensuite, une plongée au mélange ternaire en bourrant dans un conduit étroit jusqu’à –88 m.

Principal exploration hors Belgique.

Bärenschacht, ou l’équipe belgo-suisse a découvert 39950 m de galeries.

La résurgence de Baron en Indonésie est reconnue sur 550m. Elle se caractérise par un débit violent (d= 20 à 300m3/s) et une visibilité à la " belge ".

La grotte de Felengi en Turquie est parcourue sur 800m.

Chronologie des explorations des siphons belges

Par profondeur

Date

Lieu

Prof

Remarques

1936

Gouffre de Belvaux

± zéro

R de Joly (repêché)

1962

Grotte de Remouchamps

- 20

?

1964

Gouffre de Belvaux

- 45

Destreille

1968

Résurgence d’Eprave

- 47

Destreille

1968

Résurgence d’Eprave

- 60

Golanvaux (com. orale)

1983

Res. de Goffontaine

- 53

Beaurir

1990

Résurgence d’Eprave

- 88

Pauwels

Par longueur

Date

Lieu

Long

Remarques

1953

Grotte de Han

15

Théodor

1962

Isbelle

90

De Block

1966

Gouffre de Belvaux

120

Destreille

1969

Grotte de Han (S4)

140

Hasenmayer

1970

Grotte de Han (S4)

180

Destreille

1986

Remouchamps (S3)

250

Gillet, Pauwels

1987

Grotte de Han (S4)

255

Bastin, Grandmont, Pauwels

1992

Remouchamps (S3)

450

Funcken, Pauwels

 

Liste des plus longs et plus profonds siphons de Belgique.

Longueur cumulée des zones noyées (>100 m).

Long

Lieu

Date

Remarques

842

La Lesse souterraine

1988

11 siphons

500

Grotte de Remouchamps

1992

3 siphons

220

Grotte de Hotton

1997

8 siphons

170

Résurgence d’Eprave

1990

Siphon unique

145

Sourd d’Ave

1985

Siphon unique

107

Résurgence de l’Isbelle

1983

3 siphons, en crue siphon unique de 296 m.

100

Résurgence de Goffontaine

1983

2 siphons

Par longueur unitaire (> 100 m)

Long

Lieu

Date

Remarques

450

Grotte de Remouchamps

1992

Funcken, Gillet et Pauwels

255

Grotte de Han (S4)

1987

Destreille, Hasenmayer, Bastin, Grandmont, Pauwels …

180

Gouffre de Belvaux

1988

Destreille, Bastin, Grandmont, Pauwels …

170

Résurgence d’Eprave

1990

Destreille, Gollenvaux, Pauwels

145

Sourd d’Ave

1985

Pauwels

100

Résurgence de Goffontaine

1983

Beaurir

 

Liste des plus longs et plus profonds siphons de Belgique .

Profondeur (> 50 m).

Prof

Lieu

Date

Remarque.

- 88

Résurgence d’Eprave

1990

Destreille, Gollenvaux, Pauwels

- 64

Grotte de Rochefort

1991

Bastin, Pauwels

- 55

Résurgence de Goffontaine

1983

Beaurir

- 48

Grotte du Père Noël

?

Pauwels

- 46

Grotte de Remouchamps

1992

Funcken, Pauwels

- 45

Gouffre de Belvaux

1997

Destreille, Bastin, Grandmont, Pauwels

Développement exploré en post-siphon (> 500 m)

Long

Lieu

Date

Remarque.

1500

Grotte de Hotton

1997

Beaurir, Cuvellier, Delaby, Gillet, Gueullete, Henry

1250

Trou Winand

&

Beaurir, Cuvellier, Gillet

700

Galerie des Sources

1971

GAS

 

Principales plongées hors Belgique

Fond de trou et post-siphon

Plongée fond de trou (>500 m)

Prof

Lieu

Date

Remarques

1300

Faustloch (Suisse)

1995

Funcken dans le siphon terminal (280m, -38) – bivouac

1300

Faustloch (Suisse)

1996

Verheyden dans un siphon annexe (arret su S2) – bivouac

620

Krakoukas (France)

1994

Hoenraet (plongée S1, arrêt dans S2)

580

Bärenschacht (Suisse)

1995

Divers – bivouac

505

Anou Boussouil (Algérie)

1972

Delaby

Post-siphon (> 1500 m)

Long

Lieu

Date

Remarques

40 km

Bärenschacht (Suisse)

1995

SSS/UBS – 2 bivouacs en post-siphon – prof= -920 m

3 km

Source des Vene (Italie)

1997

CSARI, présence de 6 siphons, E35, 1 bivouac

2 km

Le Fate (Italie)

1990

CSARI, 2 siphons, +360 m, E50

1.7 km

Goa Jatijajar (Java)

1990

Bastin, Bertrand et Ivens

- 430

Akarça duden (Turquie)

1996

FFS/CSARI : 2 siphons vers – 60 m

 

Principales plongées hors Belgique

Longueur (> 500 m).

Long

Lieu

Date

Remarques.

1690

Emergence de la Bezerne (France)

1996

Funcken, Pauwels

800

Grotte de Felengi (Turquie)

1996

Bastin, Delaby, Gueulette, Van Espen

700

Exsurgence de Clefmonts (France)

1983

Ivens, Pauwels

600

Emergence de Baron (Java)

1996

Bastin, Pauwels

Profondeur (> 100 m)

Prof.

Lieu

Date

Remarques

155

Hranicka (Tchéquie)

1993

Pauwels

110

Trou des Fées (France)

1992

Pauwels

 

Grotte de Hotton (Coupe développée simplifiée)

Le plus long post-siphon de Belgique

Développement

Avant siphon (1958) : 1800 m

Post-siphon I (1962) : 1500 m

Post siphon 2 (1986)  : 1500 m

Siphons : 220 m

Total (1997) : +/- 5 km

Détail des siphons

S1 : 60 m, -7 (Delvaux, Golenvaux, 1962)

S2 : 35 m, -3 (Damuzeaux, etc)

S3 : 10 m

S4 : 10 m (Damuzeaux, 1979)

S5 : 60 m, -12 (Gillet, 1986)

S6 : 30 m, - 5 (Gillet, 1986)

S7 : 5 m (Gueulette, 1993)

S8 : 10 m (Gueulette, Gillet, 1997)

Développement

Siphons : 842 m

Total : 12 km

Détail des siphons sur le parcours de la Lesse (735m)

S1 : 70 m, -22 (Gillet, 1985)

S2 : 110 m, -25 (Gillet, Hoenraet, Pauwels, 1985)

S3 : 45 m, -5 (Pauwels, 1986)

S4 : 255 m, -32 (Pauwels, 1988)

S5 : 35 m, -6 (Pauwels, 1986)

S6 (jonction Han–Drève) : 40 m, -6 (Grandmont, 87)

S (jonction Drève–Belvaux) : 180, -45 (Destreille, Bastin, Pauwels, 1988)