Le lac d'Ohrid,
une plongée Balkanique.

 

Par Frank Vasseur

le lac d'ohrid par frank vasseur

Il est des destinations de plongée plus exotiques que le Lac d'Ohrid.
L'été venu, la plongée se conjugue avec littoral, eau salée et peau bronzée.
Et pourtant, à égale distance de la mer Adriatique et de la mer Egée, au cœur de la péninsule balkanique, sur la frontière entre la République de Macédoine et l'Albanie, baigne le lac d'Ohrid.

Le lac d'Ohrid, un lac naturel d'origine tectonique à l'extrême sud-ouest de la République de Macédoine, est le plus profond des Balkans (>300m) et l'un des plus profonds d'Europe. Couronné de falaises calcaires à la chaude couleur ocrée, il est dominé par les montagnes avoisinantes, dont la Galicica (1801m.) à l'est et son parc naturel national.
Il est alimenté en partie par le lac de Prespa (850m.) , plus oriental et plus élevé. En 1905, le père de la spéléologie française, Edouard-Alfred MARTEL avait étudié ce phénomène : » le lac Ochrida profond de 286m, est alimenté par des sources émissaires souterrains du lac de Prespa (54m) situé plus haut ».
(Edouard-Alfred MARTEL: 1905 "La Spéléologie au XX° siècle - Etranger - Presqu'île des Balkans." Spélunca n°42 et 43, p.386-392.)

Un tiers environ de sa surface (450 km²) est en Albanie. La partie macédonienne est idyllique, avec des points de vue sur l'étendue bleutée depuis les plages et les montagnes.
A l'occasion d'une expédition de plongée souterraine (Commission Nationale Plongée Souterraine de la FFESSM, parrainée par la Fédération Française de Spéléologie), en août 2000, nous profitons du voyage retour pour goûter au lac d'Ohrid.
Ce haut lieu touristique des pays communistes du temps de la guerre froide, a su conserver son charme et valoriser son patrimoine naturel et culturel.

C'est d'ailleurs ici qu'on trouve l'unique centre de plongée de ce jeune et petit pays continental.
Dirigé par Milutin SEKULOVSKI, dit Mico (prononcer Mitso), le centre est en construction afin d'accueillir des groupes.
Les difficultés d'accès au pays, resté plusieurs années sous embargo (au nord à cause de l'embargo international sur la Yougoslavie et au sud du fait d'une querelle porta,nt sur le nom du pays avec la Grèce), ne lui ont pas facilité la vie. Aujourd'hui, le site commence à être connu des étrangers, essentiellement des militaires de la « K-FOR » en permission et des fonctionnaires des ambassades.

Mico, solide gaillard à la jovialité caractéristique des « slaves du Sud » est instructeur S.S.I. . Formé dans les îles croates de la côte dalmate (une autre destination que nous affectionnons particulièrement), il nous accueille à bras ouverts.
Nous délaissons les hôtels, pensions et autres campings à profusion, pour une nuit à la belle étoile au bord du lac, sur le site de mise à l'eau. Le coucher de soleil, la nuit étoilée, zébrée d'étoiles filantes et le reflet des villes albanaises, aux noms imprononçables pour un latin, nous réjouiront bien plus qu'un lit douillet ou un café à la terrasse.

Le lendemain, Mico accompagné de Lambe et Emil, deux non moins sympathiques plongeurs du Scuba Diving Club-Ohrid, est ponctuel.
Nous comparons nos techniques et approches : nos hôtes découvrent le principe de redondance, les protections de robinetteries, dévidoirs et autres éléments de la panoplie du plongeur souterrain.

moules d'eau douce par roger cossemyns

Nous partons d'un petit embarcadère qui jouxte un camping. Petit briefing, quelques photos de groupe et c'est parti pour 200m. de palmage en surface, avant l'immersion. La visibilité est supérieure à 10 m. Le sol, recouvert de moules d'eau douce, descend lentement jusqu'à -20, ensuite la pente s'accentue et le regard se perd dans l'obscurité des profondeurs. La température, de 24 c° en surface, chute à 8°C vers -40 m. Quelques poissons, généralement rares dans ce lac, curieux nous observent de loin.

Nous visitons ensuite une alcôve rocheuse abritant une colonie d'éponges d'eau douce endémiques. En remontant le tombant, une trace sinueuse sur le sol sableux excite Mico. D'un œil expert, il repère une couleuvre qui chasse les alevins dans les bouquets d'herbes.
Un peu plus loin, alors que nous approchons -3m. quelques débris de poteries attirent l'attention. Cols d'amphores, jarres foisonnent alors que nous approchons « Micograd », la ville de Mico., baptisée du nom de son inventeur.
Cette cité lacustre antique est l'un des principaux sites archéologiques subaquatique de Macédoine, actuellement en cours de fouilles dans le cadre d'un chantier national.
En flânant, on distingue des ruines de murs, des restants de piliers en bois, et de nombreuses poteries de toute taille, vestiges d'un ancien village lacustre.

En dégustant une grillade de poisson préparée à notre intention, l'équipe du S.D.C.O. énumère les possibilités de plongée du lac. Epaves, sites archéologiques, tombants vertigineux, il y a là de quoi contenter bien des appétits.
Assurément le lac d'Ohrid valait le détour. Nul doute qu'à l'occasion d'une prochaine expédition spéléologique, programmée pour l'été 2002, nous profiterons du voyage retour pour faire un crochet par le sud-ouest du pays et ses lacs aux eaux calmes et limpides.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


bivouac au bord du lac par gordan polic

 

 

 

frank, gordan et milutin à -28
par roger cossemyns

 

 

eponges endémiques par roger cossemyns


Ohrid Pratique :

Scuba-Diving Club – Ohrid ( Scuba School International Ohrid)


Milutin SEKULOVSKI Ul. Lazo Trposki, 35 a 6000 ORHID
Makedonija
Tél/Fax: + 096.39.885.264.498
E-mail : sekuloski@yahoo.com

S.D.C.O. est habilité à dispenser des formations S.S.I ., P.A.D.I., C.M.A.S. et D.A.N. :

Ouvert toute l'année. Trois compresseurs (dont un de 20m3/h), 15 bouteilles de 15 et 18 litres équipées de gilets stabilisateurs et détendeurs.
Location possible de combinaisons, appareil photographique, caméra et caisson étanche.
Sites de plongées accessibles du bord ou par bateau.
Organisation, à la demande de plongées de nuit, profondes, visite d'épaves et de sites archéologiques, croisière à la journée. Passage de brevets et niveaux.

Encadrement : Mico, instructeur SSI, est aidé par Lambe et Emil, en cours de formation.

Atouts : Les sites de plongée ne sont pas à plus de 15 min. du centre. Le ville d'Ohrid, centre épiscopal sous l'empire Byzantin, est riche de vestiges. Les ruelles de la vieille ville, son petit port typique valent le détour. On appréciera la rue principale et ses bars, où l'on déguste une « pivo » (bière) dont la fraîcheur idéale est indiquée lorsque l'étiquette de la bouteille laisse apparaître un « nasdrovje » (à votre santé) encourageant. Toutes les formes d'hébergement sont offertes, à tous les prix. De même pour les restaurants et les boutiques de souvenirs et d'artisanat.

Une monumentale statue est dédiée à Cyrille et Méthode, deux moines concepteurs de l'alphabet cyrillique, ces curieux signes qui constituent l'alphabet officiel du pays.
La ville est desservie par bus et par avion (deuxième aéroport du pays).
Le parc national et les massifs montagneux alentours offrent de nombreuses possibilités de randonnée et de visites culturelles (monastères, sites archéologiques) à proximité.

Une plongée à quatre nationalités dans un lac-frontière.

Août 2000, république de Macédoine. Ce petit pays continental, situé au sud-est de ce qui fut la Yougoslavie est situé en plein cœur de la péninsule balkanique.
Pas de littoral, 700m. d'altitude moyenne. Que viendraient faire des plongeurs en ces lieux ?

Et pourtant….

Lac d'Ohrid, 695m. d'altitude. Sur l'autre rive, l'Albanie se reflète sur la surface, miroir immaculé que nul clapot ne vient rider.
Milutin, dit Mico (prononcer Mitso), moniteur macédonien, nous « brieffe » dans sa langue. Gordan, notre copain croate traduit en anglais. Roger, le photographe bruxellois et l'auteur de ces lignes, franchouillard méridional, décodons ensuite en langue de Voltaire.
Top départ pour 200m. de palmage en surface.
L'exercice est aisé, après 15 jours d'explorations souterraines, harnaché de grosses bouteilles à forcer à contre-courant.

Ici, au soleil et dans l'eau à 24°C., nous avons tôt fait de donner la mesure.
Regroupement à l'aplomb d'un cap rocheux. Mico lève son direct-system et dans un concert de gargouillis, nous changeons d'élément.
L'eau est claire, visibilité supérieure à 5m., douce, nous filons dans le bleu. A –18, une strate blanchâtre matérialise le thermocline. En arrivant à –28, il ne fait plus que 10°C.
Le sol est entièrement tapissé de moules d'eau douce. Béantes, elle filtrent l'eau à grandes goulées.
Mico, qui connaît le lac sur le bout des palmes, nous conduit à une excavation rocheuse. D'un coup de lampe, il éclaire un agrégat d'éponges d'eau douce endémiques du lac. Plus loin, entre deux rocs, une roquette de la deuxième guerre.
Roger, l'objectif aux aguets, n'en perd pas une.

Ici, au régime du langage des signes, finis les problèmes de communication. Tout le monde parle la même langue, oubliés les problèmes de compréhension, de traduction, d'interprétation.
Nous arrêtons là la descente. A quelques encablures de là, le lac plonge officiellement à –289m, mais Mico et son équipe du Scuba-Diving Club Ohrid ont récemment repéré un point à 300m.
Ce lac est l'un des plus profond d'Europe.
Nous longeons à présent un talus de sable, garni de bouquets d'algues. Notre guide repère une trace sinueuse dans le sable, la pointe du doigt, puis, prenant ses palmes à son cou, disparait dans un herbier.
Regards interloqués derrière les masques.

Le voilà de retour, triomphal, une belle couleuvre à la main. Quelques clichés immortalisent la scène.

Nous terminons la plongée par la visite de « Micograd », la ville de Mico. Cette cité lacustre antique est l'un des principaux sites archéologiques sous-marin de Macédoine, actuellement en cours de fouilles dans le cadre d'un chantier national. Et on comprend pourquoi : par trois mètres de fond, les poteries foisonnent.
La matinée s'achève par une dégustation de grillade de poisson, préparé par les plongeurs d'Ohrid, les yeux rivés sur les eaux bleues du plus grand lac de Macédoine.

A l'heure où j'écrivais ces lignes, alors qu'une nouvelle expédition, prévue pour aout 2001, était sur pieds, un conflit armé éclatait en Macédoine.
Nos amis macédoniens, la rage au cœur nous conseillaient de tout annuler et de remettre l'expédition à l'année prochaine, à « des jours meilleurs ».
L'armée albanaise, équipée entre autre par les occidentaux lors du conflit du Kosovo, et confortée dans ses ambitions expansionnistes par le soutien de l'O.T.A.N. et de l'Europe contre l'ex-dictateur Milosevic, tentait d'envahir la Macédoine.
L'objectif de l'armée albanaise est de batir la « grande albanie », c'est à dire d'étendre le territoire actuel en conquérant des territoires sur la Serbie (Kosovo), le Monténégro, et la Macédoine.

Quelques soixante ans après les ambitions d'un petit brun moustachu germanique, la bête immonde vit toujours…Aujourd'hui, c'est plus le silence que le bruit des bottes qu'il faut craindre.