« L'ancêtre de corail »

par Alain Oger

 

 

« L'ancêtre de corail »

  Au large de l'île de Beauté,
Par cinquante cinq brasses de fond
Dans une grotte j'ai découvert
Une branche de corail solitaire.

Son tronc plusieurs fois millénaire,
Semblait soutenir le plafond
Ses ramures gigantesques et fières
Se perdaient à l'horizon…

A peine pénétré l'insolite endroit
Se fit entendre une singulière voix.

-Bien téméraire êtes-vous, si bas aventuré,
Coupable mercenaire, avide de biens.
Il est regrettable que vous les humains
Perdez le respect et jugez sur l'aspect.
Vous êtes condamnables vilains et coquins
De tirer profit de tout, de rien
Des autres êtres, des simples choses
De la mort même par métamorphose.

  Ainsi me parla l'ancêtre si fort si grand,
Fait de si petit, de tant de temps.
Aux hommes il reprocha bien d'autres fautes,
Accusateur amer je trouvais mon hôte.

Je lui fis remarquer sa façon d'accueillir
Ne facilitait en rien un agréable souvenir.
Respectueux mais un peu agacé
Je lui dis ce que j'en pensais.

-Certes la mer à sa mémoire, sa propre histoire
Mais votre isolement vous nuit et perdez la raison.
Des champs d'impressionnants coraux rouges et noirs,
Tout proches d'ici, à découvert, fleurissent à chaque saison.
Pensez-vous que l'homme fasse tout ce mal,
C'est ignorer ses hautes valeurs, sa rigueur morale !
Est-il coupable, aussi indésirable
Pour le renier, le traiter de fou,
Et comme vous, fuir dans ce trou ? 

  Sidéré, sur moi, l'arbre s'est plié
Maître des lieux il voulait rester.
Choqué par mon arrogance
Le squelette a vociféré sa loi, ses exigences.

-A l'homme il faut des leçons.
A faire fausse route il sombre dans la déraison.
Inaltérable est son égoïsme, malléable son esprit,
Trop fortes ses prétentions, il m'inspire le mépris.
Et maintenant découvert plus fragile je suis.
Donneras-tu mon repère à tes frères ?
Tu n'ignores pas quel est mon prix
La haut, dans ton monde de misère.  

Il craquait de colère, indisposé par ma présence
Alors je quittais sa tanière pour le monde du silence.

L'ancêtre de corail cessa tout effort,
Les bras tombés le long du corps.
Ma venue sera lourde de conséquences,
Malgré mon opposition tomba la sentence.

La voûte entière sur lui s'est effondrée,
Enseveli à jamais, à l'abri pour l'éternité
Inaccessible à l'autre comme il le souhaitait
Trompé au plus profond de ses préjugés…