« Au Compagnon des fonds, frère de regard…  »

par Alain Oger

 

 

 

Au Compagnon des fonds, frère de regard…

(A toi, qui sur ton île, a gravé dans le granite la rime)

 

Je reviens de sous la terre, fond d'humanité, exilé volontaire.
Je reviens des abysses d'où le jour est exclu, d'où le temps qui s'écoule est celui de la pierre.
En deçà de nos rues aux verres scintillants, du béton de l'acier aux cimes frénétiques,
De l'horizon tronqué qui s'enfuit vacillant sous l'aveugle clarté de soleils métalliques...

C'est en dessous de ça que sont mes délices qui se laissent aller d'une molle assurance, D'ivresses contrôlées aux aurores novatrices, en deçà de l'ennui, de ses pâles outrances…

Une fois franchi ce délicat passage, derrière s'efface mon image en disparaît la trace.
Sous la surface, antichambre sidérale, les rêves prennent corps en occupent l'espace.

Là, où tout n'est plus qu'à venir, mes sens s'offrent à mon imaginaire

L'espoir se dévoile, s'ouvrent à moi l'authentique et l'éphémère…

Alors, commence la descente, avec complicité je m'enfonce
Dans l'abîme fluide je me fonds, regard plongé au plus loin de la pente…

 

Que recherches-tu au-delà du miroir ?

Quelle volonté te guide dans le noir ?

 

Dans ce chaos minéral enveloppé d'eau, désordre en marge des hommes
Cohabitent le silence, le froid, le noir mais aussi y règne l'espérance.

Hors du standard et du conforme, la beauté ici prend sa forme

Profane reste le ciel dans son éternelle surdité et son voile d'indifférence …

  Et si tout là haut l'écho de la norme,
Ricoche sur l'eau, s'impose et toujours claironne…

 

Qu‘à vouloir descendre trop loin il faut aussi veiller

Car se vendre à l'excès on ne remonte point

Si ce naufrage mystique est d'abordable accès

Son délice n'est consommé que si l'on en revient…

 

Gens de surface prisonniers de vos chimères, déchirés entre ciel et enfer,
C'est sous terre qu'il vous faut descendre pour mieux comprendre.
C'est en profondeur qu'osent les chercheurs de vérité,
L'authenticité ne se partage pas, l'éphémère reste unique, aucun d'eux n'est grégaire.
Ces joyaux se découvrent aux hommes grimpés sur les cimes ou plongés dans les abîmes
A ceux qui vivent leur vie avec passion, le regard planté côté cœur plus que de raison.
Ils s'aventurent partout en cet ailleurs, abandonnent au monde leurres et matériels
Les beautés du haut qu'il faut posséder, d'autres désirer rares ou sans pareil
Ici bas, dans les fonds, rien de cela, il suffit de contempler...

  Compagnons des fonds, frères de regard, il reste beaucoup à voir pour nos yeux égarés Partons pour cet ailleurs, mais autrement, se voulant habitants de cet autre continent,
Loin du tumulte il se fait tard, corps et âmes il nous faut replonger.

Compagnons des Fonds, exilés volontaires, écoutez chanter les bulles qu'on libère

Pressées, elles s'élèvent vers les airs, c'est ignorer leur devenir là haut sur terre…

  Je reviens de sous la terre où rien de déjà vu, espoir en attente dans son repère
Je remonte entre mouvance et pierre, cœur léger, corps abstrait et fluide pensée…

Volontiers je retournerai sous terre ici, partout en cet ailleurs, la bas où la foule n'ira pas
Je remonterai aux sources d'hier, toujours un peu plus loin, encore plus bas
Où la lumière dévoile pudiquement la pérennité sereine de la roche
Cette pierre qui avec humilité nous guide et vers l'essentiel rapproche.
C'est dans cette profonde alchimie inaccessible à la convoitise
Précédant mon ombre dans l'inconnu en homme j'avance.
Ici et maintenant, aller, telle est ma devise,
Plonger au cœur de mon histoire, saisir cette chance
Donner du sens à ma vie éphémère
Dans un présent porteur du plus pur espoir
Où l'eau œuvre en silence dans le noir…