«  L'œil de Capitello... »

par Alain Oger

 

 

«  L'œil de Capitello... »

  (Plongée en altitude sous l'orage…)

C'est un trou en plein cœur
Dans l'île de Beauté,
C'est la terre transpercée
L'oubli du créateur.
C'est l'absence de matière
Le vide sans fin,
C'est sans fond sans rien
Le vertige sans repère.
C'est une vision
Un mirage dans les nuages,
Où se perdent les rayons
Au bout de leur voyage.
C'est le site qu'ils ont choisi
Pour changer d'existence,
C'est un décor en sursis
Où s'impose le silence.
C'est dans l'eau rassemblés
Qu'ils unissent leur clarté
Composent cette autre lumière
En symphonie douce et claire.
C'est comme une fluide harpe
Des sons bleus s'en échappent
De ces rayons magiques
S'élève une fascinante musique...

Dans cette subtile harmonie,
En cette mouvance nous plongeons
Pour y démystifier le fond
Chercher une autre vie.
C'est en profondeur
Libérés de nos chaînes,
Nous approchons du bonheur
A en oublier nos peines.
Dans ce désordre minéral en marge des hommes
Loin d'un monde vacillant sous le poids des outrances
Cohabitent silence, froid mais aussi l'espérance
Ici, hors de la norme la beauté prend sa forme.
Plonger, saisir cette chance, donner matière,
Du vrai, du sens à sa vie éphémère.
Fusionner dans un présent porteur d'espoir
Où œuvre l'eau en maître dans le silence et le noir...

Et soudain, le ciel s'obscurcit
Un vent furieux se lève,
Tout en remontant l'on frémit
D'avoir au-dessus ce glaive.
C'est une avalanche d'éclaires
Se défient ciel et terre,
Duel qui ne date pas d'hier
Mais aujourd'hui c'est l'enfer.
Des pierres se détachent
Roulent vers le fond,
Une langue de glace s'arrache
Chute et heurte le plafond.
Les éléments nous menacent
Nous reprochent d'être ici,
L'homme n'a pas sa place
En cette zone de conflit…

Cela dure une éternité
Sous la surface martelée de grêlons
Nous restons figés à nos paliers
Frissonnants, nous attendons.
Ce sont des couleurs qui virent
   Sous une vigoureuse main
   C'est une image qui vibre
   Et roule dans le lointain.
Enfin ce n'est plus qu'un écho
   Un souvenir du temps,
Gravé dans nos cerveaux
En place et pour longtemps...

Pressés nous sortons du lac
Foulons la neige et sans un mot
Nous remplissons vite nos sacs
A ce plan nous tournons le dos.
Sur Capitello le calme revient
Le site retrouve sa bonne humeur
Et si le fond nous avons atteint
J'en ignore sa vraie profondeur.
L'arrivée de l'oiseau métallique
Brouille ma réflexion et brasse l'air
Nous quittons ce haut lieu magique
Pour le bas banal et grégaire…

  C'est un trou en plein cœur
   Dans l'île de Beauté,
   C'est la terre transpercée
   L'oubli du créateur.
C'est l'absence de matière
   Le vide sans fin,
   C'est sans fond sans rien
   Le vertige sans repère.
C'est un gigantesque oeil bleu
   Cerné de fiers pics rocheux,
   Son regard profond et pur
   Fixe éternellement l'azur.
C'est beau, c'est limpide
   Cette eau tout en haut,
Suspendu dans le vide

Cest le lac de Capitello...