Naissance d'une vocation spéléologique.

par Gaby Soler le 26 mars 2007 à Montsales

Archive Jean-Charles Petronio

 

Dans les années 70 la plupart des jeunes et des moins jeunes qui s'initiaient à la découverte de la spéléologie, le faisaient, soit par la connaissance de personnes qui déjà pratiquaient ce qui était alors une activité quelque peu élitiste, soit par la recherche de ces mêmes pratiquants.

L'envie leur venaient à la suite d'une découverte dans une structure d'animation quelconque, ou bien après avoir tremblé devant leur poste au vu des exploits relatés dans les fameux et regrettés « Carnets de l'Aventure » ou enfin après avoir dévoré des lectures imagées dans la lignée du regretté Norbert Casteret ( - Mon frère Martial et moi voletions de parois en parois ….).

A ma grande honte, à cette époque, j'ignorais jusqu'à l'existence de cette activité, mes lectures ne m'avaient rien appris là dessus et les pourtant fameux Martel et Casteret était pour moi de parfaits inconnus.

J'avais 15 ans en 1975 et mes loisirs dans le quartier populaire de Toulouse ou je résidais était partagés entre les copains les copines et les bécanes.

Quand j'écris loisirs, j'exagère beaucoup, en fait de loisirs, dans la bande ou je sévissais, dés lors que nos péteuses était aptes à nous permettre de nous déplacer, venait immanquablement à nos oreilles le cri de ralliement de la bande : « - Qu'esse qu'on fait maintenant ? ».

Devant l'évident besoin de s'enfuir du domicile parental, nos mères pouvaient penser que nous avions d'innombrables et prenantes activités plus ou moins honnêtes à notre actif. La vérité était bien plus simple, on s'emmerdait à mourir….

Du bas de l'immeuble ou j'habitais, vint un jour à nos l'oreille une musique, mélange de vieux rock et de nouveau disco.

Une des caves du bâtiment avait récemment été transformée en salle de loisir par une association pluriactivités au milieu de laquelle une bande de jeunes se réunissait pour faire ce que l'on appelait alors des « Boums » tous les samedis après midi.

Mes copains et moi, alléchés par la température plutôt clémente des locaux de cet hiver là, ainsi que par la présence de nombreuses  représentante de la gent féminine, qualifiées de « canon » par les spécialistes du groupe, eûmes tôt fait d'investir le local, afin de faire découvrir à cette engeance trop sérieuse, les bienfaits de la bière, des clopes et du cambouis.

Tolérés plus qu'acceptés par les occupants des lieux, nos velléités de prendre en main et à notre compte les locaux et leurs occupantes, furent bientôt refroidies par une espèce de malabar, un vieux de 30 balais, quasi sénile donc, qui tenait les rennes de cette gentille jeunesse et ne se laissait pas émouvoir par notre nombre ni par notre bagou. Qu'à cela ne tienne, nous nous incrustâmes pour continuer à jouir des avantages de ce groupe.

A la fin d'une de ces boum, qui finissait de plus en plus tôt, vu la défection de plus en plus marquée de la gent féminine, laquelle n'appréciait pas de reste les attentions baladeuses de nos nains encambouillées, notre attention fut attirée par un récit extraordinaire, conté par celui là même qui l'avait vécut, j'ai nommé Henri, le malabar dont il fut fait mention plus haut.

Essayez d'imaginer comment nous reçûmes cette histoire, nous, dont l'horizon était barré par des tours et des buildings, dont les terrains de jeux étaient les caves, les cages d'escaliers et les parkings, dont les exploits se résumaient à des « emprunts » de mobylettes, et ou les risques encourus allaient de la gamelle en ratant une roue arrière, à la fuite devant un képi mal intentionné.

Dans son délire, il n'était question que de montagnes à gravir, de camping sauvage, d'attaques de sangliers noctambules, de descentes dans des abîmes infernaux, de galeries titanesques, de rivières tumultueuses et de lacs souterrains insondables….

Dire que nous en avions l'eau à la bouche serait un euphémisme. Nous étions subjugués. Comment était-il possible qu'une telle aventure puisse être vécue pour de vrai, ailleurs qu'à la télé ?

Quand, après avoir répondu à nos questions, le bougre nous proposa de nous emmener avec lui au printemps, nous fumes nombreux à bondir sur l'occasion et à jurer-cracher qu'il pouvait compter sur nous.

Mais ho ! Calme ! Une expédition de cette envergure ça se prépare. Pas de problème, tu nous dis ce dont on aura besoin, on se charge de se le procurer.

Débuta alors la plus grande organisation qui se puisse imaginer pour nous à cette époque.

Plusieurs problèmes à gérer, d'abord les péteuses ( maître Henri était lui aussi sur 2 roues motorisées mais limité à 49,9 Cm3. Curieux pour un haut fonctionnaire !), c'était pour nous le B A Ba de la débrouille, les caves des quartiers voisins étaient insuffisamment pourvues de dispositifs anti-nous, pour nous empêcher de bénéficier à peu de frais d'un substantiel stock de pièces détachées à moindre coût.

Il faut dire que pour remettre en état nos vénérables pétrolettes, de la mob suralimentée ( au Del'Orto 19, s'il vous plait !) au Malaguti racer hyper méga allégé (consommation : 3 pistons au 100 Kms), nos besoins étaient considérables. En clair la routine, améliorée pour tenir la distance, soit 10 kg d'outils et autant de pièces détachées par bécane.

Le matos de camping nous posa plus de problèmes, aucun de nous n'en était équipé, et sur les recommandations de notre guide, nous listâmes une série d'ustensiles aussi barbares qu'inconnus, à charge pour nous de nous en procurer en suffisance. Chacun suivant ses moyens se chargea de trouver ou de fabriquer sa tente ou son sac de couchage.

Pour ma part, j'ai découvert à cette époque que les cagibis des tours voisines était extérieurs aux habitations, et que le concepteur n'était au courant, ni de mes besoins ni de mon gabarit, sans cela il n'aurait pas laissé une aussi large ouverture au-dessus des grilles qui servaient de porte à ces locaux.

Je repérais donc mes cibles au jour, prétextant une erreur d'étage en cas de rencontre fortuite, et allais nuitamment faire mes emplettes, poussant le perfectionnisme, jusqu'à aller remettre en place l'objet dérobé plus tôt quand d'aventure la providence me permettait d'en obtenir un de meilleure qualité.

A l'heure du départ j'étais, grâce à ces talents de monte-en-l'air, le mieux équipé, mais hélas aussi, le plus chargé.

Coté intendance, ce fut plus simple, les ingrédients les plus dissimulables vinrent des magasins alentour, les plus pérennes, des garde-mangers familiaux, quant au reste ils ne serait acquis qu'au dernier moment.

L'autre gros morceau fut le matériel spécifique. En effet on ne descend pas dans les gouffres en short avec une lampe électrique pour huit comme le commun des scouts de France.

Nous, on avait un quasi-pro à notre tête, Henri nous avais longuement mis en garde. Bottes, combinaison de toile et casque, une lampe par personne devait être le minimum de rigueur. Ne descendraient que ceux qui en seraient équipés.

Nous repartîmes donc en campagne (de fouille), les bottes et les lampes pour la plupart eurent pour origine les cagibis cités plus haut, les casques disparurent des chantiers et des cabines de bulldozer de la zone industrielle voisine, les combinaisons ou autres treillis vinrent du marché aux puces.

Au puces j'eu la joie de pouvoir acquérir une superbe calebonde, (qui me couta quand même l'équivalent de 3 Marvel. Les connaisseurs apprécierons), une authentique Arras conçue pour un Kg de carbure, et dont de poids à vide me donnait tout de même des frayeurs quand il fut question de la méthode optimale de transport, et qui me posa d'énormes problèmes pour arriver à la connecter au bec de gaz maladroitement fixé sur mon casque.

En effet notre Indiana Jones local, était jusqu'à présent le seul à disposer d'une lampe acétylène et je n'étais pas peu fier de pouvoir m'enorgueillir de la possession d'une pareille technologie, qui allait me permettre de briller plus que d'éclairer mes semblables.

Toute cette organisation nous occupa le restant de la saison froide. A chaque nouvelle rencontre de notre groupe, super Henri nous regonflait le moral par ces récits de plus en plus piquants. Ce n'était pas sans besoin, car nombre d'entre nous avait abandonné le corps expéditionnaire, pour retourner à leur ennui latent et à leur ambition crasse.

Les beaux jours arrivèrent, et les derniers volontaires piaffaient d'impatience dans l'attente du jour, fameux entre tous, ou nous pourrions lâcher la bride à nos fringants destriers.

Messire Henri toutefois ne semblait pas franchement pressé de lancer l'offensive. Il remettait de semaine en semaine, aux calendes Grecques la date de l'expédition. Quand ses raisons arrivèrent à un stade ou plus personne ne le cru, une montée d'agressivité de l'ensemble du groupe le persuada d'enfin en fixer la date.

Il ne nous restait plus alors qu'à peaufiner notre départ. Nous partageâmes entre nous les plus brillantes et rassurantes explications à soumettre à nos parents pour justifier notre absence du vendredi au dimanche soir, ceux-ci étant, on s'en doute, aussi ignorant de notre projet, qu'ils le furent de nos préparatifs. Le coté secret de cette expédition ajoutait à celle-ci un piment supplémentaire.

Au jour dit, un fabuleux vendredi où même ceux qui fréquentaient encore l'école s'en abstinrent, nous harnachâmes tant bien que mal tout notre fourbi entre les sacoches, le porte bagage et le sac à dos (modèle 39 /40 règlementaire), et priment le départ à la tombée de la nuit en cette fin de printemps.

Parti de Toulouse ouest nous devions gagner Sorèze dans le Tarn soit environ 60 Km . Avant même la sortie de ville nous eûmes droit à une élémentaire crevaison, et quelques chutes de bagages au contenu plus ou moins fragile voire liquide, gluant ou sirupeux.

C'est dés l'arrivée en campagne que les choses se gâtèrent, Nos fringants coursiers devinrent sous la charges curieusement asthmatiques. Ceux qui avaient un peu de lumière, s'intercalaient entre ceux qui n'imaginaient pas qu'une route puisse ne pas être éclairée la nuit sur toute sa longueur par des lampadaires. Ceux dont le cylindre recelait encore quelques frêles poulains pestaient contre leurs bougies qui perlaient à force de rester à bas régime pour attendre les trainards.

Quand le froid commença à saisir jusqu'à la moelle de nos os, nous nous arrêtâmes, chacun à son heure bien sûr, afin que tous attendent le frileux du moment, lequel avait mis son chandail au plus profond de je ne sait quel endroit s'il ne l'avait pas tout simplement oublié.

Aucun abandon cependant ne vint amputer notre équipage malgré quelques autres pannes et une ou deux gamelles sans gravité.

En pleine nuit, soit prés de 3 heures après notre fulgurant départ, les conditions se dégradèrent pour cause de montagne, car pour nous c'en était une, et la route qui mène au sommet de celle-ci, quand nous la prîmes depuis le bas eut une fâcheuse tendance à monter.

Pour nos malheureuses chiottes ce fut un sale moment à passer. Les plus puissantes tirèrent les plus piteuses au prix d'un serrage de piston et enfin nous arrivâmes à la base du chemin qui devait nous amener sur ce fameux causse, que les difficultés rencontrées en guise de purgatoire nous faisaient espérer comme le paradis sur terre.

Hélas ce chemin, qui en voiture était très peu carrossable, montait sévèrement avec ornières et gros cailloux à la clé. Ceux d'entre nous qui, à leur grande honte avait conservés les pédales sur leur machines, purent pavoiser sur une bonne partie de la montée. Quand aux membres du gang des commandes reculées & Co, ils furent contraints de courir à coté de leur malag dans une obscurité quasi-totale et de refaire leur paquetage en relevant leur monstre, chaque fois qu'une ornière traitresse leur indiquait malencontreusement que le chemin faisait là une épingle à cheveux.

Quand le dernier arriva en haut de la cote, prés d'une ferme à l'abandon, il put découvrir à la lueur de sa lampe électrique le triste tableau de tous ces hells-angels, qui pour la plupart avait bazardés leur pétrolette, et s'était vautrés dans l'herbe humide avant de s'endormir comme ils étaient tombés.

Beaucoup voulurent dormir sur place, mais je ne sais plus quel argument de big Henri convainquit même les moins vaillants de reprendre la route, pardon, la piste, le bivouac espéré ne devant plus être éloigner que de 2 Km de terrain plat.

Mais Henri le magnifique avait simplement omis de nous préciser que ce plat là, rendait possible la stagnation de très nombreux bourbiers dont certains barraient toute la largeur du chemin et se plaisait à dissimuler des ornières de 40 cm de profondeur.

Si les pauvres péteuses, pas trop trafiquées purent dans l'ensemble traverser ces cloaques sans trop de dégâts, hormis les chaussures et bas de pantalons qui faisait dans ces périlleuses traversées office de patins latéraux, les pètes-le-feu team avec leurs garde-boues racer et leurs pots de détente au ras du goudron eurent les pires ennuis, empêtrés jusqu'au moteur il fallu les décharger, les soulever et les tirer à la corde pour les sortir de la fange et leurs fiers propriétaires durent les pousser jusqu'a l'arrivée.

Un peu de lune par cette nuit glaciale, nous permis de découvrir la doline ou enfin après 5 heures de route nous pûmes prendre un repos vraiment mérité. Peu d'entre nous eurent le courage de monter la tente, et la plupart se contentèrent d'un lit de camp, ou simplement s'enroulèrent dans la toile de tente à même le sol dans l'abondante rosée.

Le réveil a été une horreur, ceux qui n'avait pas réussi à dormir, malgré la fatigue, à cause de l'étrangeté de la situation, du froid, de l'inconfort, du silence, des bruits nocturnes, et des peurs ancestrales, se levèrent avec la clarté du jour bien avant le soleil, frigorifiés et jaloux de ceux qui dormaient encore du sommeil du juste. Autant pour se réchauffer que pour se venger d'eux, nous (je faisais évidemment partie des premiers levés) ne leur laissâmes pas le loisir d'une grasse matinée pourtant combien méritée.

Après un petit déjeuner des plus spartiate, notre guide nous emmena à une centaine de mètres du bivouac pour nous montrer au creux d'une petite doline l'entrée de la grotte du Calel. Celle-ci était symboliquement fermé d'une grille, dont la serrure n'avais semble t'il pas résisté à la vindicte de quelque spéléologue. Il reprit là sa description de la grotte, nous remettant en mémoire ces kilomètres de galeries, ses salles immenses, ses rivières déchainées, et son lac insondable. Mon excitation montait à mesure que ses explications descendaient.

La préparation de notre matériel fut rapide malgré quelques oublis et autant de casse. Le repas de midi fut vite expédié et notre petit groupe se trouva fin prêt à affronter l'abime. En voyant que nous ne dirigions pas vers le Calel, je demandai à Henri ce qu'il se passait, il me répondit que nous n'étions pas prêts à affronter les difficultés du Calel, et qu'il fallait passer par une initiation dans une petite grotte toute proche, la grotte des Gours. Déçu mais compréhensif, je fis preuve de sagesse, et d'un peu de patience, le Calel c'était évidemment prévu pour le lendemain.

A l'entrée de la grotte des Gours, elle aussi ouverte aux creux d'une petite doline, Mestre Henri attacha une grosse corde de char, pour aider à la descente du plan incliné qui précède les ténèbres. Quant il demanda un volontaire pour passer en premier, je me suis précipité sur la corde, et surpris je constate que personne n'a jalousé ma place. La descente en rappel de type montagnard du 19ième siècle, s'avéra plus difficiles que mes essais hivernaux, en clair la pente était si peu raide, qu'à moitié descente je lâchai la corde pour ne plus descendre qu'avec ce dont le bon Dieu m'avait doté, à savoir quatre membres et une paire de fesses.

La découverte de la grotte ne fut pas à la hauteur de mes attentes. Certes, je découvris certain des attraits grottesques, mais je fus surtout fut déçu par ces maigres dimensions, le fond distant d'une petite centaine de mètres, fut trop vite atteint. La bataille générale à coup d'argile au fond de la petite salle terminale ne me laissera pas un souvenir impérissable. Par contre l'aide que j'ai pus apporter à mes copains (et plus encore à mes copines pour lesquelles je ne possédais pas suffisamment de mains) pendant les passages les plus techniques, telles que les traversées des gours pleins d'eau, cimenta ma vocation. Je serai spéléologue professionnel.

Le retour se fit sans difficulté, la corde de l'entrée montra son inutilité, et notre guide commençait à monter la sienne.

La soirée fut sympathique et bien arrosée, pour la plupart d'entre nous c'était le premier feu, les premières grillades. Le coucher fut tardif, et le réveil encore plus. Entre ceux qui refusèrent de se lever et ceux qui n'était pas en état de le faire ou tout simplement ne voulait pas redescendre sous terre, notre équipe fut amputée de la moitié de ses membres. Moi j'étais fin prêt et pressé d'y aller, pensant que plus tôt on rentrerait dans le trou, plus loin on pourrait aller.

Quant enfin nous partîmes, j'ouvrai la marche vers le Calel, devant lequel le reste du petit groupe me rejoignit. Henri-la-rengaine recommença la description de la cavité dans exactement les mêmes termes que les fois précédentes, ce qui commença à me faire douter de la connaissance physique qu'il en avait. Qu'à cela ne tienne, je me faisais fort, du haut de mes 15 ans, de guider tout le monde et de le ramener à bon port.

Ma surprise fut donc totale quand Henri nous dit que nous n'irions pas ce jour là, que ce serai pour l'expédition de l'année suivante, et que pour nous y préparer nous allions retourner nous entrainer devinez ou ; Dans la grotte des Gours.

Ma frustration d'alors fut immense, je suis resté bien sûr avec le groupe, où je sentais que j'étais le seul à avoir du ressentiment envers notre pseudo guide, et où le soulagement de ne pas trop en faire prévalais sur les regrets.

Le reste du week-end perdit de son charme, et le retour ne me sembla pas aussi héroïque que l'aller. Mais déjà commençait en moi, le programme de MA prochaine sortie ou quitte à y aller seul, je découvrirai les secrets du Calel.

Deux semaines plus tard, avec un couple d'amis fort amoureux qui n'avait pu se joindre à la première expédition, je repartais pour le week-end vers le causse de Sorèze. J'avais pu les convaincre assez facilement, plus par le coté intimité sous la tente, que par des promesses d'exploit spéléologique. Les casques et lampes acéto ayant été confisquée par Henri, de peur que l'on se passe de lui, et peut être aussi parce qu'il avait eu vent de mes intentions, c'est avec casquette et lampes plates à la main, qu'il nous faudrait affronter la caverne.

Nous attaquâmes donc tous les trois la descente dans le Calel en début d'après midi, sans que j'ai la moindre idée du temps que durerait la sortie. La descente s'effectua sans difficulté, le cheminement était bien marqué dans l'argile dure, et en moins d'une heure nous atteignîmes la rivière, l'amont fut vite parcouru jusqu'au siphon, l'aval jusqu'au lac, ainsi que les salles du réseau Lacordaire.

Nos piles commençaient à faiblir quand nous prîmes le chemin du retour. C'est là que les choses se gâtèrent. Au bout d'un certain temps, nos lampes ne donnant plus que très peu d'éclairage, nous nous retrouvâmes dans des galeries qui ne ressemblaient pas du tout à celles que nous avions empruntées à la descente. Vaguement inquiets, mais en temps que guide, trop fier pour le montrer et pensant que tant que l'on montait, on allait vers la sortie, je gardais un calme olympien, tout en éteignant de temps en temps ma lampe pour économiser l'unique pile qu'il me restait.

Quand la galerie que nous suivions nous obligea à progresser à 4 pattes sur un sol sableux, et que le réseau devint labyrinthique, je fus forcé d'avouer que nous étions perdu.

La fatigue de mes amis explique qu'ils manquèrent alors totalement de réaction, nos lampes étaient quasiment mortes, personnes ne savait ou nous étions, ou plutôt nos parents nous croyais les uns chez les autres et dans le but de ne pas provoquer Henri je n'avais dévoilé mes projets à personne.

Sans trop réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir, je réquisitionnais les lampes de mes amis, les informais que je repartais chercher le bon chemin, et leur ordonnais de m'attendre sur place, sans inquiétude puisque j'allais revenir tout de suite.

Je repartis donc en arrière, les abandonnant dans le noir à leur fatigue. J'usais alors d'une technique économique, utilisant les 3 lampes alternativement, j'éclairais le passage sur quelques mètres, avant déteindre et de parcourir ce passage dans le noir.

Apres un très long moment de solitude et d'angoisse, je parvins à un endroit que j'eus la certitude d'avoir parcouru à la descente. Faisant marche arrière toujours avec la même méthode d'éclairage, je scrutais autant que mes faibles sources de lumière me le permettaient toutes les possibilités de progression vers le haut.

Sur le bord d'une salle, des marches pleines d'argile liquide ou je me rappelais avoir failli laisser une botte, me rassura sur le chemin normal vers la sortie. Satisfait de ma trouvaille bien de plus en plus inquiet pour mon manque d'éclairage je repris le chemin qui me ramenait à mes amis.

Quand j'arrivais dans la partie ou il fallait marcher à 4 pattes, j'éteignis complètement mes lampes, me guidant de la main à la paroi. Au bout d'un moment, je commençais à entendre un drôle de murmure, conscient qu'il s'agissait de mes amis, et pour leur faire une bonne blague, je m'approchais en silence. Le murmure en question était celui de mon ami. Il s'efforçait, non pas de rassurer sa compagne, mais de la consoler en lui racontant, qu'ils auraient le plus beau tombeau du monde, qu'ils allaient mourir ensembles enlacés et que leur amours durerait éternellement, cependant que la pauvre sanglotait doucement.

Un peu vexé, de leur manque confiance, mais encore désolé d'avoir commis autant d'erreurs, je fis doucement marche arrière jusqu'au virage précédant et simulait une approche de plus en plus bruyante.

Quand ils me virent, mes amis n'en parurent pas plus enthousiastes, J'eus beau leur dire que tout allait bien, ils restèrent prostrés dans leur malheur. Je dus les secouer et bien leur expliquer que le manque de lumière nous obligeait à remonter en se tenant l'un à l'autre. Je leur promis une sortie rapide et me mit en route tirant mon triste cortège derrière moi.

Même vides, nos piles plates consentirent, sous réservent de leur appuyer très fort sur le ventre, à nous donner quelques photons, maigres mais suffisants pour nous ramener au bout d'environ 2 heures accablantes à la sortie du trou où même la lumière du jour nous fit défaut. Il faisait nuit, nous avions passé prés de 10 heures dans le trou.

A la suite de ce que dans mon orgueil je considérai comme un exploit, mon ambition de devenir un pro de la spéléo se trouva renforcé, et les reproches que ma témérité m'attira des la part de mes proches, ne fut pas cher payé pour ce résultat là.

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio

 

 

 

 

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio

 

 

 

 

 

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio

 

 

 

 

 

 

 

Archive Jean-Charles Petronio