Ma première plongée spéléo

(Stage CODEP) - La Tirounère (Pyrénées-Orientales) le 27 septembre 2003

Par Benoit Noguerra


Benoit Noguerra

 

Après avoir remonté la rivière à la palme sur environ 50m, le moniteur me montre un fil attaché à une branche surplombant la berge et me dit " tu n'as plus qu'à le suivre.... "

En regardant vers le fond, à travers une eau limpide comme de l'Evian, je vois disparaître cette petite ficelle entre de belles algues vertes camouflant la sombre entrée de la résurgence barrée par un tronc d'arbre mort. Après être entré dans le trou, il me vient une grosse montée d'adrénaline suivie d'une grosse angoisse lorsque je réalise que j'ai un plafond au-dessus de la tête, je me demande alors pourquoi je fais ça, pourquoi je suis ce fil d'Ariane qui me conduit je ne sais où et qui seul me permettrait de retrouver la sortie ?

Je me rassure assez vite en pensant au matériel que j'ai sur le dos : 2 bouteilles indépendantes, 2 détendeurs, 2 manomètres. Si un système merde, il me reste toujours l'autre, pour me rassurer je m'imagine être un vrai sous-marin complètement autonome, quoiqu'il arrive....   Au fond du trou, 6m plus bas, je vois la galerie se rétrécir et partir à l'horizontal, c'est là que le fil m'emmène, la lumière du jour n'y sera bientôt plus qu'un souvenir.   Passée la première étroiture, le faisceau des 2 lampes montées sur mon casque s'écrase toujours sur une paroi minerale quelle que soit la direction dans laquelle je les oriente.... Seule la contemplation du milieu me permet d'oublier, brièvement hélas, mon angoisse.

Le halo bleuté du puissant phare HID du moniteur qui me suit projette mon ombre sur les parois découpées et me rappelle que je ne suis pas seul. Fausse idée car il m'avait mis en garde : " en plongée spéléo, même si on plonge à plusieurs, aucune assistance n'est possible, pas d'échange d'embout, rien, tu es 100% autonome, tu te débrouilles ! "   Après une trentaine de mètres parcourus dans un boyau minéral sinueux, on atteint le point bas du siphon à -13m juste après une sérieuse étroiture. De là remonte une cheminée presque verticale. Ce premier mouvement dans le sens des bulles me rend instantanément euphorique car je m'imagine déjà percer la surface. Faux espoir, plus haut le boyau repart aussitôt à l'horizontale puis redescend.   40m plus loin, la galerie s'élargit et en regardant vers le haut, j'aperçois enfin le reflet de mes lampes sur une grande flaque argentée, enfin la surface, nous avons passé le siphon et pourrons bientôt sortir la tête de l'eau et communiquer !!!!

Ce siphon est connu, il n'est pas dangereux d'y respirer l'air de la partie exondée, ce n'est pas toujours le cas dans les autres.... Nous n'avons parcouru que 70m en distance déployée et pourtant je me sens si loin du monde, heureusement la présence de gros tuyaux de captage dans la cloche traduit le fait que d'autres hommes sont même venus travailler dans cet endroit égaré, ca me rassure. On discute un peu avec le moniteur, nous faisons de la buée en parlant, il fait froid. Lui aurait envie de poursuivre dans le 2ème siphon mais ce n'est pas au programme, nous choisissons le sens de la sortie.

Au retour, l'eau étant restée claire après notre passage, il m'autorise à lâcher le fil à condition de le " tenir du regard ". Je me sens enfin en confiance, je savoure et prends mon temps, c'est un régal pour les yeux : des failles immenses et étroites disparaissent dans les méandres du boyau et resteront pour toujours inexplorées....   Bien qu'il soit difficile de se repérer dans ce siphon, l'arrivée dans la cheminée m'indique la moitié du parcours, je m'y laisse tomber le plus lentement possible en laissant glisser mes mains le long de la paroi rugueuse. En bas, je prends mon temps pour passer l'étroiture, je vide mes poumons pour me rapprocher le plus possible du fond, je replie les bras sous le ventre et me laisse glisser lentement, sans respirer, en écoutant attentivement le moindre bruit que pourrait produire le contact de mes blocs et de mes détendeurs avec la roche. Une fois de l'autre coté, je me retourne et attends le passage du moniteur, vision fabuleuse : seul son faisceau est d'abord visible, il permet de distinguer nettement, à contre-jour, le profil dentelé de l'étroiture. Ensuite apparaissent lentement son casque, ses épaules puis son scaphandre tout entier.

C'est une vision à couper le souffle, je me dis que j'ai de la chance de pouvoir admirer ça de mes propres yeux....   Bientôt j'aperçois au loin une douce lueur étonnament fixe, je comprends que la sortie est proche et je regrette déjà. Un bouillonnement sourd attire mon attention, ce sont les bulles de nos scaphandres qui roulent au plafond en se dilattant, je m'arrête un instant et contemble ébahi les rayons de soleil qui transpercent ce bleu unique et viennent éclairer les premiers rochers qui ne se trouvent plus maintenant qu'à quelques mètres devant moi, de nulle-part ré-apparaissent quelques poissons qui avaient disparu avec l'obscurité.   En perçant enfin la surface, je ne sais pas quoi dire pour décrire ce que j'ai vu et ce que j'ai ressenti, je suis presque étourdi par tant d'espace et de lumière. Je lève les yeux et regarde le soleil, les nuages et je n'en reviens pas, nous ne sommes restés que 14min dans ce trou et pourtant c'est comme si je voyais le ciel pour la première fois.

 

 

 

 

 


Benoit Noguerra

 

 

 

 


Benoit Noguerra