HABITAT


(une contribution à l'amélioration de la
sécurité en plongée)

Morges, décembre 1991
Olivier ISLER
Reneveyres, 31 - CH - 1110 Morges

paru dans Spelunca n°45 de mars 1992

Introduction

Deux plongées importantes ont été effectuées à la Doux de Coly à 6 jours d'intervalle. L'emploi d'une cloche de plongée joua un rôle déterminant dans la réussite de l'entreprise.L'utilisation d'un habitat sous-marin n'est pas nouvelle. En 1984, par exemple, le S.T.D. Madrid construisit une cloche fixe à environ 10 à 15 m de l'entrée (-6m) du tunnel de l'Atlantida à Lanzarote. Puis vint la célèbre expédition dirigée par Bill Stone à Wakulla. Une remarquable réalisation d'habitat mobile fut utilisée à cette occasion.
A la Doux de Coly, il aurait été possible de "bricoler" rapidement une enceinte qui, fixée par exemple au plafond à une quin-zaine de mètres de l'entrée, aurait permis d'effectuer le palier de 6 m sous oxygène pur.
Inconvénient: seul le palier de 6 m était envisageable.
D'où l'idée de la conception d'une cloche mobile capable d'être opérationnelle dans le puits, à 300 m de l'entrée.

HABITAT
(schématique)

 

1 Habitacle
2 Nacelle à plombs
3 Hublot
4 Siège rabattable
5 Bloqueur
6 Plaque à contrepoids
7 Cordelette de rappel
8 Ancrages (traction - suspension)
9 Protections antichocs (pneus)
10 Soupapes (purge - inflation)

 

Dimensions en cm

Hauteur hors tout : 290
Hauteur de l'habitacle : 91
Largeur : 140

Cahier des charges

L'idée d'une armature métallique, recouverte d'une bâche souple (système adopté à Wakulla), fut rapidement abandonnée. Il aurait été trop délicat de s'aventurer dans le puits dont la morphologie accidentée aurait rapidement endommagé l'enveloppe en cas de choc ou frottement. Une construction rigide en aluminium et acier inox fut donc adoptée.
Autre contrainte: le transport, d'où néces-sité de trouver le "volume idéal" assurant un confort acceptable avec un déplace-ment minimal. La forme en prisme droit à base hexagonale fut finalement retenue comme étant le meilleur compromis.


Description

Habitacle: sa capacité est de 920 1. Il est composé de tôles en dural de 4 mm, ren-forcées par une structure en tube carré (rigidité et solidité de l'ensemble). Un siège rabattable est disposé à la base de la face opposée au hublot. Deux cordes, avec poulie et coinceur, permettent de le redresser en position horizontale. Le hublot, en polycarbonate, assure la communication visuelle avec l'extérieur. De nombreux anneaux facilitent le mous-quetonnage des bouteilles d'alimentation (air et mélanges paliers). Les soupapes (purge et injection) sont doublées (inté-rieur et extérieur de l'habitacle).


photo par Christian de Gandra
Nacelle: en inox de 3 mm, capable d'accueillir 650 kg de lest (lingots de plomb de 13 à 15 kg). Percée d'un puits central (passage de cordes d'ancrage).
Barres de liaison: en durai de 4 mm, reliant l'habitacle à la nacelle. La barre transversale joue un double rôle: marche-pied pour accéder à l'habitacle et point d'ancrage de la cloche. Ce dernier est conçu à l'aide de 2 bloqueurs-stop. Une plaque inox à contrepoids et cordelette de renvoi, amarrée sur les 2 poignées, permet d'actionner simultanément ces 2 bloqueurs par simple traction sur la cordelette. Ceci depuis l'intérieur de la cloche où le flot-teur, fixé à l'extrémité de la cordelette, en indique instantanément la présence.


Fonctionnement

Le plongeur, après s'être délesté en partie (bouteilles latérales), se hisse sur la barre transversale où il se tient en position verticale. Il tire et bloque successivement les 2 cordes du siège rabattable, puis s'assied sur ce "fauteuil" improvisé. Cette opéra-tion, tout comme l'inverse, se fait rapide-ment (quelques secondes), facilitée encore par le niveau de l'eau surélevé, durant cette phase, de 22 cm par rapport à la base de l'habitacle. Confortablement assis, les bouteilles posées sur le siège et appuyées contre la paroi, il suffit de fermer la sou-pape et d'injecter de l'air pour que le niveau d'eau redescende au point bas.


En phase de décompression. Photographie Christian de Gandra.

Le changement de palier s'opère par "saut de puce" en actionnant les bloqueurs et en suivant la remontée au profondimètre électronique. A tout moment, un plongeur peut se glisser entre les jambes du "résident" pour communiquer avec lui.

Le renouvellement du milieu gazeux ambiant (air + toutes sortes de mélanges) se fait manuellement par purge - injection. On notera toutefois que, mises à part quelques respirations lors d'un échange verbal, le plongeur absorbe toujours des mélanges précis, car il ne quitte pour ainsi dire jamais son embout ou son détendeur. Les bouteilles, accrochées autour de l'habitat, lui donnent accès à tous les mélanges désirés.


Sécurité

Passive
Par un surdimensionnement de toutes les pièces maîtresses et un doublement des "organes vitaux" (points d'ancrage (en traction et en suspension), soupapes, bouteilles d'alimentation, etc.).
Nacelle à plombs et système de remontée.

Nacelle à plombs et système de remontée. Photographie Christian de Gandra.

Active
Par la présence constante d'un ou deux plongeurs en surveillance durant toute la phase de décompression. Toutes mesures d'autant plus nécessaires si une intervention ne peut avoir lieu rapidement après la déclaration de l'incident ou accident (près de trois quarts d'heure dans le cas de la Doux de Coly).


Conclusions perspectives

Le confort thermique (seul le bas ventre et les jambes sont immergés) est incompa-rable vis-à-vis d'une plongée traditionnelle. Autres avantages: possibilité d'une alimen-tation chaude et solide, communication, assistance en cas de malaise, etc. Il n'est donc nullement utopique d'imaginer des plongées de 18 à 20 heures avec ce type d'habitat. A la Doux de Coly, le test fut sévère de par l'éloignement de l'entrée. Partout où un siphon possède une vasque d'entrée ou un puits conséquent, l'utilisation de ce type de cloche est envisageable, ne serait-ce que pour y effectuer le long palier de 6 m, s'il s'agit de la seule possibilité offerte par l'environnement. Ce type d'habitat ouvre donc des perspec-tives intéressantes pour toute plongée extrême supérieure à 8 ou 9 heures, nullement exceptionnelle en ce début des années 1990.