Coloration
du système du Coiron

 

par Jean-Pierre Baudu (commission plongée souterraine du CDS 42-CESAME)

carte du coiron par jean-pierre baudu

 

Des colorations ont été effectuées en 1982, travaux dirigés par R. Courbis. Certaines relations entre les divers réseaux ont été mises en évidence mais beaucoup d'interrogations restent en suspends.

L'association CERGA, sous l'impulsion de J. et R. Oddes, a proposé de réaliser une étude hydrogéologique effectuée par des professionnels, avec la participation du SCA et de quelques indépendants.

Je ne reviendrai pas sur la géologie du secteur, mais je décrirai seulement les colorations et les hypothèses de circulation.

Petit rappel : (Tube N° 17, 1982, p 43-44, par R. Courbis)

•  Premier traçage à partir de l'aven des Blaches.

L'injection d'un kilogramme de fluorescéine avec des fluo-capteurs installés dans toute la vallée de la Louyre a donné les résultats suivants :

•  positif : résurgence de Chabanne 1 et 2 (dûe à une crue) et passage par la Combe Rageau

•  négatif : source de Louyre (ce système est indépendant)

•  Deuxième traçage réalisé en deux fois à la combe Rageau (espacés de 6 mois). Deux puis quatre kilogrammes de fluorescéine sont injectés.

•  positif : Chabanne 1 et 2, le Pontet (à Vogüe)

•  négatif : source en face Chabanne et toutes les sources de la plaine d'Aubenas, résurgence de l'Echelette, des Estugnes (à Vogüe)

La conclusion de cette campagne est la mise en évidence d'une relation entre les Blaches, la Combe Rageau, Chabanne et le Pontet.

Campagne de coloration lors de l'étiage exceptionnel de l'été 2003

Ces informations sont relevées d'après le rapport préliminaire de la CERGA.

Mesures préliminaires :

Nous avons mis en place en début d'été, une série de mesures de température sur certains points d'eau : Estugne Nord, Estugne Sud, Pontet Nord, Pontet Sud. Ces mesures ont été surveillées sur 45 jours ainsi que la hauteur des vasques. Globalement, les Estugnes présentent une température très stable, dans une moyenne de 14 degrés + ou – 0,1 degré. Les Pontets sont de 0,2 degré plus frais avec une variation de + ou – 0,2 degré. A noter un phénomène intéressant dans les Estugnes Sud, il existe une vasque, à l'entrée, sur la gauche dont la température est de 12,9 degrés.

En parallèle, début juillet, nous avons mesuré le débit de la source du Pontet :

•  jaugeage chimique différentiel au traceur artificiel : utilisation de 10 grammes de fluorescéine avec deux fluorimètres enregistreurs (système optique par spectroscopie). Le principe est de déterminer le débit en amont du Pontet et en aval, la différence donnant le débit du Pontet. Mais comme la fluorescéine se dégrade au soleil, la détermination est peu fiable.

•  jaugeage chimique par traceurs naturels  : les mesures de la température et de la conductivité ne s'avèrent pas des plus précises. Seule la méthode physico-chimique donne une valeur exacte. Les éléments pris en compte : calcium, magnésium, sodium, potassium, bicarbonates, chlorures, sulfates et nitrates. L'analyse a été réalisée le 30 juillet 2003 et un jaugeage chimique a été évalué en amont dans l'Ardèche à 1,91 m 3 /s et comparé par le débit de la DIREN de 2,21m 3 /s. Pour rester simple, le jaugeage permet d'obtenir un débit du Pontet de 141+ ou – 34 l/s pour la journée du 30 juillet. Il faut rappeler que l'étiage est considéré comme exceptionnel.

Coloration

La CERGA a investi pour l'occasion dans l'achat d'un fluorimètre enregistreur. C'est un système optique constitué d'un spectroscope analysant chaque spectre restitué par chacun des colorants. L'instrument est géré par un boîtier électronique permettant de mesurer trois colorants simultanément et de faire des mesures de turbidité ainsi que de température. Les mesures peuvent être espacées de 1 minute à 1 h. Nous avons choisi une incrémentation de 5 minutes lors de nos mesures. Les données sont stockées sur une carte mémoire (type Compact Flash) et restituées par un ordinateur. L'autonomie est de 15 jours mais nous avons préféré changer de batterie et de carte toutes les semaines. La sonde étanche a été installée dans le siphon du Pontet sur un câble positionné dans le courant, au milieu de la galerie. Seul l'accès en plongée est possible. Le boîtier est fixé hors eau, dans un placard fermé à clef. Les relevés d'informations peuvent se faire aisement. Bien sûr, des fluo-capteurs ont été disposés dans plusieurs cavités. Nous profitons de l'ouverture par pompage de la Grotte du Câble.

Position des fluo-capteurs : source du Pontet (afin de pallier une panne du fluorimètre), les Estugnes Nord et Sud (deux dans le sud), source des Poubelles, source face à Chabanne et le Cable.

Deux colorations se feront pratiquement simultanément :

- dans la partie aval de la Combe Rageau, injection de 13 kg de fluorescéine, le 03/08/2003 à 1h

- dans le siphon aval de la grotte du Cable, injection de 3kg de sulforhodamine, le 03/08/2003 à 13h30

Toutes les précautions ont été prises pour ne pas contaminer les écoulements éventuels. Donc, le nettoyage du matériel des personnes ayant versé les colorants s'est fait en aval des points de mesures.

Il faudra attendre presque un mois pour voir apparaître les premiers résultats. Après une précipitation moyenne, J. et R. Oddes se rendent à la résurgence du Pontet. A première vue, rien. Au retour de leur inspection sur le bord de l'Ardèche, les premières traces de colorant vert apparaissent. En fait, ils vont assister au début de la sortie de la fluorescéine.

En prévision d'une crue exceptionnelle au niveau de Chabanne, nous avons utilisé une quantité importante de fluorescéine afin d'être certain de mettre en évidence ce colorant au Pontet. Le Pontet résurge vert pendant un mois de façon très perceptible. Heureusement, la saison touristique est terminée.

Sur la courbe de restitution du fluorimètre, nous pouvons observer que les pics de la turbidité correspondent aux précipitations. Ils engendrent alors, une légère détérioration des mesures de la fluorescéine.

En ce qui concerne les fluo-capteurs, les résultats sont surprenants. La Grotte du Cable (siphon amont) est négative, la source des Poubelles est positive à la rhodamine et négative à la fluorescéine, les Estugnes Nord est faible en rhodamine et en fluorescéine et les Estugnes Sud ont des traces de fluorescéine. Le reste des fluo-capteurs est négatif.

J'émettrai juste une réserve sur les traces de fluorescéine dans les Estugnes Nord et Sud. Nous avons fait l'hiver précédent, une coloration dans les Estugnes Nord (100g), pour éventuellement découvrir un lien entre les cavités nord et sud. Il est possible que certaines particules fixées dans la glaise peuvent contaminer les deux vasques. Mais il y a tout de même de la rhodamine en faible quantité dans l'entrée nord ? ? ? ? Il faut vérifier cela.

 

 

Fluo en 1982

Fluo en 2003

Rhodamine en 2003

Les Blaches

Coloration 1

 

 

La Combe Rageau

Coloration 2

Coloration

 

La Grotte du Cable

 

Négatif

Coloration

Chabanne 1 et 2

Positif 1 et 2

Négatif

Négatif

La source des Poubelles

 

Négatif

Positif

Les Estugnes nord

 

Positif (faible)

Positif (faible)

Les Estugnes sud

 

Traces

Négatif

Le Pontet

Positif 2

Positif

Positif

Le dernier fluo-capteur du Câble a été récupéré in extremis avant les crus de la fin septembre alors que le siphon d'entrée était en voûte mouillante.

Avec l'équipement en place, il m'est possible à l'étiage et sans pomper de rejoindre le collecteur. Le débit de la rivière ne doit pas dépasser environ 50 litres/seconde, si je veux passer la dernière voûte mouillante dans le but de faire de nouvelles colorations pour mieux comprendre le système.

Déduction

R. Courbis déjà soupçonnait la présence de deux gros réseaux parallèles au niveau de la grotte du Câble. La confirmation nous a été donnée en colorant la Combe Rageau et en installant des fluo-capteurs au niveau des différents siphons du Câble.

Alors comment peut fonctionner ce système ? Il semble y avoir deux drains, la Louyre avec ces pertes et l'Abime Valerie, puis L'Eyrolle avec la Combe Rageau. D'après les différentes observations, la Grotte du Câble appartiendrait à la branche de la Louyre. Ce qui est troublant, c'est la faible largeur de bande calcaire au niveau du Câble (environ 400 mètres ). Et que peut-on dire de la présence de fluorescéine venue de la Combe Rageau et de la rhodamine au niveau de la source des Poubelles ? Il est probable que la fluorescéine sorte seule (lors d'une crue) parce que la rhodamine est déjà sortie, (sachant que la source des Poubelles est plus en aval que Chabanne) ? Avec R. Oddes, nous avons observé un écoulement pérenne découvert lors du camp topo. de Chabanne. Une fissure proche de la vasque du S2 de Chabanne en rive droite est active. Cette fissure méritera une coloration.

Pour ce qui concerne le plateau de Lavilledieu, nous ne connaissons pas de regard actif, juste quelques beaux volumes et un accès à une zone noyée très courte dans la Grotte du Chasseur. Puis, nous arrivons à Vogüé. Il est clair que pratiquement tous les colorants sont passés au Pontet.

Mais la rhodamine injectée en quantité quatre fois moins importante que la fluorescéine sort 4 jours avant, sans étalement de ce composant, alors que la fluorescéine met plus d'un mois pour disparaître. Pourquoi cette différence ? Elle est sans doute due à une succession de zones noyées et exondées différentes. Il est probable que la fluorescéine s'est diluée dans des gours lors de la descente dans la Combe Rageau, puis elle a peut être rencontré une partie noyée importante proche du siphon amont de la grotte du Câble (mais parallèle), puis à nouveau une zone exondée pour retrouver une grande partie noyée (les précipitations ont fait le reste). Alors que la rhodamine a été injectée directement dans la grande partie noyée liée directement au Pontet (voir courbe des colorants).

En ce qui concerne la température, les précipitations réchauffent l'eau de la résurgence. Entre le début des mesures (l'instrument était déjà en place depuis un mois) et la fin, des variations d'au moins 1 degré sont observées. Il est probable que des écoulements plus rapides se font pendant les périodes de précipitation (perte de l'Auzon et infiltrations sur le plateau). Avant les premières précipitations (tout le mois d'août), les valeurs de températures relevées par l'instrument n'ont jamais varié plus de 0,01 degré. Bien sûr, cette hypothèse sera à confirmer en hiver.

Conclusion

Notre travail est loin d'être terminé. Nous ne devons pas nous reposer sur les différentes découvertes aussi bien spéléologiques, qu'hydrogéologiques mais continuer à avancer et profiter de nos infrastructures installées.

Je voudrais terminer en soulignant le rôle de J. et R. Oddes et de leur association CERGA. Le but de cette structure n'est pas d'exploiter l'eau du Coiron (comme certains peuvent le penser), mais c'est une histoire de cœur, un travail commencé par le père de Jocelyne Oddes (Mr Avias). La proximité de leur lieu d'habitation (le hameau de la Louyre) est un facteur supplémentaire d'intérêt. J'ai participé, parce que pour l'instant tout est possible pour la protection de ces eaux. Mais je suis spéléologue et comme mes camarades une éventuelle réglementation d'accès sur ce secteur me chagrinerait. Que dois-je faire, ne rien dire, tenir secret nos découvertes et s'il y a pollution, je ne serai plus là pour le voir. Ou prendre le risque et être un acteur dans cette protection et me dire que l'intérêt de l'eau est plus importante ? ? Je vous laisse le choix, moi j'ai choisi et c'est critiquable comme toutes décisions (j'admets mes éventuels erreurs). Mais quand je me retrouve seul face à ces galeries, la nature m'appelle au respect et je ne peux que m'incliner face à cette nature que nous aimons tous et qui implore notre aide.

Remerciements

Un grand merci à la Cerga à travers J. et R. Oddes (financement de l'étude hydrogéologique et location du matériel pour le pompage du Cable), à Hydrokarst par l'intermédiaire de Raphaël Pierre pour le prêt de matériel ainsi qu'à tous ces garçons et ces filles qui ont participé aussi bien au pompage qu'à l'infrastructure : P. Arlez, C. Baudu, Jeanne Beaujar, T. Belin, J.P. Figeyreido, R. Helck, R Oddes, J. Oddes, R. Pierre, P. Souvignet.

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

coiron courbe colorants
par j.p. baudu

 

coiron courbe temperature-turbidité
par j.p. baudu