Le Scialet de l’Appel.

 

(Campagne été 2009) par David Bianzani

L’équipe de soutien attendant le plongeur.

 

Introduction

Dominique Belle m’a sollicité pour replonger les siphons de l’extrême amont du Scialet de l’Appel, au cours du Camp d’Exploration du Club GECKOS sur le secteur de Font d’Urle. (mi-juillet 09).
Il m’avait indiqué que le terminus était situé au S3, avec un arrêt après 10 mètres de progression à –5m dans un laminoir ensablé.

Ce réseau a été exploré par le SGPCAF, le FLT puis par les Coulmes de St Marcellin.De grands spéléos comme Maurice Chiron, Robert Jean ou Jo Favre Novel ont beaucoup travaillé sur ce scialet.

L’accès est très facile, il a deux puits à descendre un méandre à parcourir pour déboucher sur le réseau avec les siphons amont.

Les explorations

Tout commence donc dans les siphons situés en extrême amont non actifs. Les dimensions intimes, ainsi que la couleur de l’eau, marron, à cause des sédiments qui tapissent les galeries, bref, peu engageants.

Le S1 mesure 15 m de long pour 2 m de profondeur. Je débouche dans une cloche,
le S2 enchaîne dans la foulée, environ 1 m x 1m et long d’une vingtaine de mètres.
A la sortie, une petite galerie me force à ramper sur dix mètres.

La vasque du S3 fait deux mètres sur trois. Le fil d’Ariane n’étant plus en place, je dois le ré équiper. Au premier coup de palmes, la glaise descend dans la galerie. C’est un laminoir d’une dizaine de mètres qui descend et s’arrête à moins 6m, où une pente de sable interdit toute continuation.

A mon retour, Dominique me demande de plonger dans le siphon amont actif pour le topographier, en m’indiquant qu’il se termine à trente cinq mètres sur une étroiture infranchissable.

L’eau est limpide, départ dans une diaclase d’une dizaine de mètres, puis la galerie devient circulaire, d’un mètre vingt de diamètre pour 4 m de profondeur, je déroule un nouveau fil métré, en parallèle à celui des précédents explorateurs. Arrivé au terminus, à trente cinq mètres, je distingue un départ à gauche (0.8 de hauteur par 1.2 m de largeur) je n’en crois pas mes yeux. Ma configuration à l’anglaise me permet de progresser aisément dans cette espace vierge, je déroule trente mètres de fil en plus, mais je dois stopper ma progression à – 1.5 m de profondeur, mon autonomie étant bien entamée et je dois encore faire de la topo au retour.

En sortant de l’eau mon obsession est de poursuivre cette exploration, je pense d’ailleurs que je ne dois pas être loin de la sortie du siphon.

Pour la prochaine sortie, je prévois cent cinquante mètres de fil, un bi 4 litres.

Retour sur le siphon actif.

Je remobilise une équipe, bien motivé à poursuivre ma découverte, vers l’inconnu qui s’offrait à moi au cours de ma précédente plongée.
Les copains ne mettent pas moins de quarante minutes pour équiper et descendre les trois lourdes charges qui composent l’équipement de plongée.

En moins de trente minutes je suis équipé, et prêt à remplir les objectifs fixés pour cette immersion. J’ai la volonté de rééquiper en fil d’Ariane de 3mm histoire de bien faire vieillir l’équipement, j’ai prévu de filmer ma progression en plongée. Et enfin si dame nature le souhaite faire un peu de première.

Tout se déroule à merveille depuis mon départ, en moins de six minutes je suis à mon terminus, la profondeur est de 1,5 m la sortie ne doit pas être loin. La galerie, cinq mètres plus loin baisse en hauteur, le laminoir est plus accentué. Je dois jouer des bras pour ne pas accrocher, je penche la tête pour ne pas toucher la caméra au plafond.

Je regarde le profondimètre il affiche -0,9m, je sors du passage bas de plafond la galerie tourne à gauche avec une arrivée par la droite (peut être une jonction avec la galerie des anciens) je poursuis ma progression tout en déroulant mon fil devant moi, je distingue la brillance significative du miroir de sortie.

Je m’empresse de percer la surface, mais l’interface air/eau n’est pas encore suffisant, je palme et quelques mètres devant moi une petite galerie se profile.

J’entends résonner une chute d’eau, peut être une cascade, une salle. Et bien non, c’est une toute petite cascatelle d’une dizaine de centimètres qui fait ce bruit. La galerie ne se développe que sur une quinzaine de mètres que je parcours à quatre pattes. Devant moi une belle vasque d’un mètre de diamètre plonge sur une nouvelle zone noyée.

J’amarre mon nouveau dévidoir et pars vers l’inconnu, un puits me conduit à la profondeur de 4 mètres, un petit plan horizontal me conduit à un nouveau puits, je m’y glisse, palmes en avant. Deux jolis gours se présentent dans ce conduit vertical. Je suis à la profondeur de -11m, je viens de dérouler l’étiquette 25 m et dans la continuation je distingue un passage étroit. Un coup d’œil sur mes manomètres, je n’ai pas le temps de négocier cette difficulté, sachant que je veux réaliser la topo au retour. Tans pis, boulot oblige, on verra la suite la prochaine fois.

Sorties en solitaire.

J’ai renouvelé deux sorties pour avancer la connaissance dans le S2, étant en période de congés ça facilite les choses.

Le portage et l’équipement n’étant pas dantesque, (un P15 puis un P10), le transport des charges plongée (trois au total) m’ont pris une heure de préparation.

La deuxième pointe : Je suis équipé d’un bi 4 litres trois cent bars, avec un dévidoir de cent mètres de fil sachant qu’il restait une trentaine de mètres de fil à dérouler sur le bobinot précédent. Je prends une bonne marge.

L’immersion dans le S1 est rapide en moins de quatre minutes je le franchis, néanmoins je trouve le cheminement plus étroit que les fois précédentes.

L’enchaînement dans le S2 est une formalité, je suis à présent face à mon dévidoir. Je progresse la tête la première. J’arrive au bas du puits, la galerie se développe horizontalement, devant moi, à environ cinq mètres je distingue le passage étroit. Surprise la continuation est à gauche sous une lame rocheuse, la galerie est plus grande. Je suis à moins 10m, la pente remonte très sensiblement. Arrivé à l’étiquette 50 m, c’est la fin pour mon premier dévidoir, je passe sur le suivant. Au cours de ma progression je distingue des bifurcations latérales beaucoup plus petites que mon axe central. Je chemine au plus évident, les départs me laissent penser qu’en raison de leurs orientations ils bouclent avec ceux que je rencontre plus loin.

La galerie n’est pas très haute, environ 1m à 85 cm, les largeurs ne dépassent pas les 1m.

La profondeur est de 7m, je suis à 100 m de l’entrée du S2, je décide de stopper ma progression pour profiter de mon autonomie pour la topo au retour. Le bilan est positif avec 75 m de première.

La troisième pointe : J’ai décidé aujourd’hui de prendre une bouteille supplémentaire (une 3 litres) pour le franchissement du S1, histoire d’augmenter la sécurité au retour du S2 qui a l’air de se développer.

En moins de douze minutes après mon départ du S2, j’arrive à mon terminus. Prise en main du touret et me voilà parti vers l’inconnu. Le profil n’a pas changé je suis à 6 mètres de profondeur, la galerie a une forme de lentille. Trente mètres plus loin un virage à 90° plein sud modifie totalement la morphologie des lieux. Trois départs s’ouvrent à moi. D’un regard attentif, je remarque qu’ils convergent en un même point. J’emprunte donc le plus évident. Sur la progression je rencontre une faille qui remonte latéralement sans pénétration possible. Un peu plus loin un départ sur la droite laisse entrevoir une autre suite intéressante. Après cinquante mètres de fil guide mis en place, je découvre un bloc rocheux (de petite taille) au milieu de la galerie. Le réseau prend maintenant l’allure d’une conduite forcée, d’1m20 de diamètre, de nombreux coups de gouge tapissent les parois. La profondeur de -7m, je déroule trente mètres de fil supplémentaire, tous en dépassant mes limites d’autonomie (règles des quarts), j’arrive à la fin de la galerie dans une petite salle, j’ai d’ailleurs épuisé le fil de mon touret. Je fais un petit tour d’horizon histoire de trouver la suite. Sur la gauche sous une lame, une grande diaclase remonte plein pot, certainement la fin de la zone noyée. Je me tâte à poursuivre sur la règle des tiers, non je dois faire la topographie au retour. Je rentre, l’envie et la motivation remontées à bloc.

Une suite pleine d’espoir.

Pour cette sortie, je renouvelle ma configuration de blocs. Je suis aidé par des collègues pour les portages, ce qui facilite pas mal la préparation.

La progression jusqu’au terminus me prendra une trentaine de minutes, je fixe un nouveau dévidoir avec un plomb au milieu de la diaclase. Je commence tranquillement ma remontée en prenant soins d’amarrer mon fil sur un beau becquet rocheux. Arrivé en haut de la galerie celle-ci reprend un plat horizontal, la profondeur est de -2m, ça sent la sortie. Le conduit mesure un mètre de haut sur un mètre vingt de large, j’observe au plafond de petites cloches d’air, puis vingt mètres plus loin je crève la surface.

Je suis à la base d’un ressaut remontant avec un départ de galerie exondée à plus d’un mètre cinquante au-dessus. Devant moi, le S3 étant équipé, je décide d’enchaîner dans celui-ci. La hauteur s’abaisse sensiblement à environ quatre vingt centimètres, la largeur est identique. Au bout de quinze mètres de progression, je suis face à une étroiture. Un autre départ sur la droite n’est pas plus engageant. Je tente une incursion, mais le passage ne se laisse pas si facilement négocier. Devant moi, la morphologie ne change pas, l’étroiture est longue. Je renonce pour cette fois, je préfère inspecter la suite exondée, histoire de shunter le S3 !

Ne trouvant aucun amarrage, c’est en marche arrière et en rembobinant mon dévidoir que je m’extrais de ce rétrécissement. De retour devant le ressaut, je me débarrasse de mes bouteilles, l’escalade n’est pas difficile. Une belle galerie fossile, aux dimensions moyennes (1x 1,5) se développe horizontalement sur environ vingt mètres. De petits gours secs jonchent le parcours, les parois sont très déchiquetées, limite accrochantes. La morphologie change, le plafond s’abaisse au cours d’un virage à 90°. J’évolue à quatre pattes. Deux passages s’offrent à moi, je décide de prendre le plus évident (le plus pénétrable). J’arrive à une conduite forcée plus petite qui m’oblige à ramper sur quelques mètres. Je débouche alors au pied d’une petite salle, une diaclase remontante sur quatre mètres de haut environ laisse peut être entrevoir une suite au plafond à gauche. N’ayant rien trouvé de plus engageant je décide de faire demi tour et mettre un terme à l’exploration pour aujourd’hui. Je pense que la suite doit être dans le S3.

Une continuation pour spéléonaute.

J’ai mobilisé pour cette sortie quelques copains du club venus m’aider afin de se balader dans le réseau qui mène au Brudour, pendant mon exploration subaquatique. Mes objectifs du jour sont la topographie du réseau exondé et une progression dans le S3.

J’ai opté pour une configuration de bouteilles identiques à celle des pointes précédentes. Trente cinq minutes plus tard me voici devant le S3. Je progresse sans encombre jusque devant la zone étroite, je fixe le dévidoir en moins d’une minute. J’entreprends une progression déterminée. Le plafond est très bas, il m’oblige à garder le tête sur le coté, je joue des bras pour avancer efficacement. Voila dix mètres que j’évolue dans ce conduit étroit, je ne remarque aucun agrandissement dans l’axe à la portée de mes phares.

Je me demande même ce que je fais là. Un retour rapide serait très délicat en ce lieu.

Heureusement la visibilité reste aussi claire que la lucidité qui m’anime. Dix mètres plus loin ce laminoir étroit se termine. Derrière, un joli conduit d’un mètre cinquante de haut par un mètre de large plonge à la profondeur de -3m. Je déroule dix mètres de fil supplémentaire pour stopper mon exploration, afin de conserver une marge pour le passage des étroitures et de faire les visées topo. Sans problème j’émerge des soixante mètres du conduit noyé.

J’entame ensuite la topographie du réseau exondé avec ma boite vulcain.

Arrivé au bout d’une vingtaine de mètre de visée, je décide de parcourir une toute petite galerie à droite que j’ai laissée la dernière fois. Celle-ci jonctionne dix mètres plus loin par la gauche avec la salle découverte la fois précédente. A cet endroit ma curiosité est attirée par une vasque d’eau située à droite du conduit. « Tiens un siphon ! » et non, il s’agit d’une voûte rasante. Je tente une apnée. Derrière une petite salle présente un méandre se développant à droite. Sans hésiter je me lance à l’assaut de ces nouveaux mètres de première. La galerie est descendante, en bas, un pan de gravier oblige un ramping sous une lame rocheuse. Je suis maintenant dans une grande salle basse de plafond (70 cm). Une nappe d’eau présage la localisation du lieu.

Au bout de sept mètres, je reconnais les cloches d’air du S3. Pas de doute, la suite du réseau est dans le siphon. Après les relevés topo, je totalise cinquante mètres de première pour cette journée, maigre en résultat mais très riche en information sur la suite évidente du réseau.

Je prévois une plus grosse configuration en bouteille afin d’avancer plus loin dans la cavité.
La plongée n’est pas gagnée en raison de la morphologie étroite des siphons. Malgré tout, le challenge est plus qu’intéressant tant sur le plan technique que sur le plan de la connaissance du réseau. La suite dans nos prochaines aventures…..

Bilan : 380 m de topo, 345 m de première.

Equipe de soutien 100% GECKOS : Amèlie Balmain, Ophélie Maitrejean, Dominique Belle, Damien Locatelli, Pierre Séroul, Philippe Ageron, Momo, Dirk Devreker.

Plongeur : David Bianzani.

Un grand merci à Gilles Amosse du magasin Scubawin Grenoble pour le prêt de matériel.

 

Progression dans le 1e méandre

.Le plongeur au départ du S1.

Equipement du 2e puits.