Pyrénées Atlantiques : le Trou des Fées

900 heures d'exploration.,,

 

Voici deux ans, nous avons cédé au chant des Fées, et cette obstination nous a permis de dévoiler quelques dizaines de mètres d'un des plus beaux siphons des Pyrénées-Atlantiques. Leur secret est enfoui à quelque 200m mètres de la surface... dont 130 mètres immergés. Il a fallu à l'association Ganeko, spécialement créée pour la circonstance, plus de 900 heures de travail acharné pour explorer une cinquantaine de mètres de galerie dans la zone aquatique des -130 m.

PAR LUDOVIC GIORDANO

 

.En 1961. J.-P Besson s'intéresse au Trou des Fées. Les trop-pleins de la résurgence sont visités et topographies. En 1977, JD. Larribau (CDS 64) y fait la première plongée, En sortant, il dessine les première croquis d'exploration. De 1986 à 1992. une équipe belge (M. Pauwels) atteint la profondeur de -106m soit -170 m de la surface. En 1998, Ludovic Giordano, Benoît Poinard, Jean-Baptiste et Gérald Beyrand s'intéressent à la cavité et entament un long travaille de rééquipement du siphon. Il aura fallu quatre plongées pour l'équiper d'une cordelette jusqu'à -80 m, endroit stratégique pour la pose de bouteilles relais, En juin 1999, Benoît Poinard. un des deux plongeurs de pointe de l'équipe, pousse le terminus à -126 mètres dans le puits terminal.

L'appel des Fées

Ce résultat très honorable nous a néanmoins laissé ur notre faim. En effet, arrêt sur "rien", plein vide et visibilité à perte de phare, c'est frustrant! Donc en janvier 2000, nous répondons une fois de plus à l'appel envoûtant des Fées...


Cette fois-ci, notre groupe s'est structuré et GANEKO est née, C'est au tour de Ludovic, second plongeur de pointe, d'approfondir le mystère de la source. Il passera quatre jours a préparer les 16 bouteilles de mélanges nécessaires à la plongée de pointe et à la décompression et les 6 bouteilles de mélanges pour la plongée de préparation à -80 mètres. Nous arrivons le mercredi et les conditions météorologiques nous semblent très bonnes. l.e temps de saluer M. Larrensou, maire d'Accous, et nous entamons l'acheminement fastidieux du matériel jusqu'au bord du trou : le jardin de M. Lemenu, le pré à vaches - pour une fois sans les vaches -, le petit sentier à flanc de montagne.,, aller-retour, aller-retour. aller-retour... Nous remettons au lendemain l'équipement en corde de la galerie et le confions à Jean-François Godard, conseiller technique départemental du CDS 64, (il valait bien mieux, d'ailleurs, vu notre piètre niveau en spéléo dite "sèche"!),

Les 800 kilogrammes de matériel posés devant la cavité nous font prendre conscience de l'envergure de l'expédition... Quelques poulies, une pincée de bloqueurs, une bonne dose d'acharnement et les ingrédients pour la plongée de préparation à -80 m sont au bord du siphon. Jean-François nous quitte, et Ludovic et Emmanuel ressortent déjà bien entamés de cette seconde journée,
D'ailleurs, le lendemain sera réservé aux dernières mises au point du petit matériel, bref... une pause s'impose en attendant l'arrivée de Gérald et Jean-Baptiste,
Nous redémarrons le samedi sur les chapeaux de roues mais les incidents se suivent et ne se ressemblent pas. dont un bel accro sur la combinaison étanche d'Emmanuel au moment de la mise a l'eau...

A 23 heures, toute la décompression n'est pas en place et le moral des troupes est bien bas. Ludovic maintient malgré tout la plongée pour le lendemain.
Dimanche : opération commando : lever 6 heures 30, plongée d'équipement de Gérald à 9 heures pendant que Ludovic s'habille,.. La mise à l'eau, en étanche au bout d'une corde, dans un puits de 20 mètres, équipé pour une plongée de plus de 6 heures restera un des moments les plus éprouvants pour tout le monde. Ludovic nous confiera plus lard son envie de tout arrêter à cet instant précis! Une bonne demi-heure de mise au point, compte tenu de l'étroitesse de la vasque, el c'est parti... La sensation de lassitude laisse place à la féerie.

Place à la féerie

A -30 m, je change le relai suroxygéné contre une bouteille de Trimix intermédiaire et je pars en me faufilant entre la cordelette et les parois. Très vite l'eau laiteuse du départ se dilue, et la récompense de tous nos efforts se présente à moi : une visibilité à perte de phare dans un univers de calcaire très blanc, de quoi perdre toute notion de la réalité.
Néanmoins, la pression qui écrase mon vêtement et le froid qui me transperce si je ne compense pas, me rappellent a l'ordre très rapidement.
J'atteins la zone délicate des - 60 m où je dois trouver la meilleure position dans une faille tout en sachant que le retour se fera en aveugle dans ce passage de 30 mètres couvert de sédiments. Moins 80m, j'échange à nouveau mes bouteilles pour trouver enfin ma configuration finale et j'entame la descente du puits, en essayant de contrôler ma vitesse. Sa forme lenticulaire m'oblige à re-doubler de concentration, pour ne pas provoquer un incident de fil, ou un accro de vêtement, fatal sur ce profil de plongée.
A -115 m, je trouve le terminus de Ben, dix mètres plus haut, en raison des conditions météo exceptionnelles et du faible niveau d'eau (à la grande satisfaction de toute l'équipe).

Fiche technique

Situation
Le massif d'Iseye se trouve à 40 km au SSVV de Pau, Sa superficie est d'environ 10 km², pour une altitude maximum de 2344m (pics de la Ténèbre et du Permayon) et minimum de 452 m (Trou des Fées, vallée d'Aspe). Nous nous intéresserons principalement a la partie ouest du massif, arrosée par la Berthe. Dans cette vallée, deux grosses sorties d'eau constituent les résurgences de Liard et d'une partie du Liet : la Fontainte de Lespugna. (710m) et l'émergence du Trou des Fées (452 m). A lire : Au revoir Iseye 96 de J.-P. Besson. disponible au CDS 64,
Les colorations effectuées par le SSPPO au Gouffre du Cambou de Liard et du Touya. mettent en éviden-ce que le trou des Fées est une résurgence de la rivière souterraine du Liard.

Remerciements

M. Larrensu, maire d'Accous pour son accueil et son hospitalité dans ses gîtes communaux très confortables, au coeur du village. M. Michel Lemenu qui nous a aimablement permis de traverser maintes fois sa propriété, afin d'accéder au trou. M. Jean-Pierre Besson. conseiller scientifique du Parc national des Pyrénées, pour ses informations sur le réseau. M. Jean-François Godard, conseiller technique départemental (CDS 64), pour l'équipement sécurisé du trou, et l'acheminement du matériel.
Jean-Pierre Imbert. pour ses procédures et conseilles en matière de décompression.
TOPSTAR, pour ses vêtements très efficaces (6h30 dans l'eau à 6°C http://www.topstar.fr
BIGATA. pour son aide en matériel de fabrication des mélanges et bouteilles spécifiques.
http://www.bigata.fr
AIRTRIA, pour les images numériques et le prêt d'une caméra, http://www.airtria.com

GANEKO... Qu'est-ce!

L'association Ganeko a été fondée en 1999 par une équipe de plongeurs expérimentés, passionnés par les explorations en plongées souterraines et sous-marines (identifications et explorations d'épaves vierges), ces deux types d'activités faisant appel aux mêmes techniques.
Les membres fondateurs de cette association se connaissent de longue date et ont mené ensemble de nombreuses explorations d'envergure, Elle regroupe des plongeurs très complémentaires avec une expérience de la plongée complexe et profonde. La maîtrise des techniques de plongée aux mélanges est une des facettes de cette association mais sa volonté est d'intégrer les nouvelles techniques (comme par exemple les recydeurs) lui permettant de poursuivre et d'élargir son champ d'exploration.

Les membres de l'association Ganeko :

Ludovic Giordano, formé par la commission plongée souterraine de la FFESSM. il pratique la plongée souterraine depuis 1992 et la plongée profonde depuis 1995. Il a à son actif de nombreuses explorations en première.
Hervé Levano, spécialiste des recherches historiques de l'association et plongeur d'assistance. Il est l'auteur du livre Les épaves de la Côte Vermeille.
Gérald Beyrand. plongeur souterrain depuis 1992. Il gère l'organisation de surface des explorations ainsi que les aspects juridiques de l'association et pratique la plongée profonde depuis 1995.
Benoît Poinard, scaphandrier professionnel. Pratique la plongée sur épaves depuis 1988 et la plongée souterraine profonde depuis 1994. A lui aussi plusieurs explorations en première.
Emmanuel Gay, plongeur depuis 1992, il s'intéresse au recycleur des 1997. Il participe à la plongée d'assistance et s'attache à introduire les techniques du recycleur dans les explorations de Ganeko.

Je le déroule jusqu'à -130m où je trouve une galerie horizontale. Ma joie est immense, je pense avoir trouvé le fond du siphon et m'attends à remonter d'un instant à l'autre. Apres quelques mètres, ma progression butte à nouveau sur la lèvre d'un nouveau puits. Ce n'était donc qu'un ressaut!
Le temps limite étant atteint, je fais demi-tour, et entame le dur exercice de la remontée, où précision, concentration et expérience sont de rigueur pour gérer simultanément une vitesse de remontée, un positionnement adéquat dans le puits, le fil d'Ariane, les changements de gaz, les paliers de décompression, et le ramassage de tous les blocs jusqu'à -30 m, pour faciliter l'assistance.

 

Jean-Baptiste vient pour la jonction, récupérer un maximum de bouteille, et me déposer l'oxygène au passage, celui-ci n'ayant pu être installé avant, obstruant complètement le passage pour un plongeur équipé en configuration lourde.
Je sors de l'eau 6h après, en pleine forme. Heureusement car la remontée au jumar tout équipé, après 6 h 30) de plongée dans de l'eau à 6°C est un exercice de style qui ne manque pas de piquant. D'un commun accord, nous reconditionnons le matériel, attachons tout en cas de crue, et décidons de revenir plus tard. Il nous faudra quand même un week-end complet pour remonter les 800 kg de matériel...
Mous envisageons de poursuivre l'exploration du trou des Fées en intégrant de nouvelles techniques qui permettraient de sécuriser encore plus l'expédition en allégeant le nombre de bouteilles, qui ne facilite guère la communication entre le plongeur de pointe et l'assistance.
Deux ans de travail, 50 mètres de galerie explorées, le résultat semblerait bien maigre mais chacun sait qu'a ces profondeurs insondables, un seul petit mètre de première gagné ressemble à une véritable performance.