La grotte de Gournier

 

Choranche - Isère

Travaux du S.C. de Dijon

 

paru dans Spélunca n°11 de juillet - septembre 1983


 

Depuis 1975, et consécutivement à l'accident de 1976 où, suite à une crue, trois spéléos, R. Chenevier, M. Schniidt et D. Trouilleux, ont trouvé la mort le 6-7 novembre, les galeries au-delà des siphons sont demeurées un des points d'interrogation du Vercors Nord.

L'absence de difficultés particulières et une rapide visite des galeries déjà connues ont incité le Spéléo-Club de Dijon à reprendre l'exploration post-siphon en mai 1981.

Durant trois expéditions avec bivouac derrière siphons, les plongeurs ont atteint ce qui semble actuellement être le fond du collecteur de Gournier, à + 680 m et à 9000 m de l'entrée.

Patrick DEGOUVE
Rue de la Fontaine
La Verrerie
21370 PLOMBIÈRES

LA GROTTE DE GOURNIER est une des "classiques" du Vercors. Pour l'historique de la cavité déjà connue avant les explorations du Spéléo-Club de Dijon, on se rapportera utilement à l'ouvrage de Claude Chabert : "Grandes cavités Françaises", pages 72 et 76.

HISTORIQUE DES PLONGÉES

Depuis 1981
23 mai 1981 : plongée S.C. Dijon, portage du matériel au-delà du S1.
28, 29 et 30 mai 1981 : plongée S.C. Dijon. Le bivouac est installé dans la Salle du Chaos (500 m avant le terminus du S.C. Dijon), à 4750m de l'entrée. Une pointe unique de 10h conduit les 3 plongeurs au fond de la 5° Avenue, à + 560m (Spelunca 1981 N°4), après avoir parcouru 2200m de galeries nou-velles (Topo).
15, 16 et 17 août 1981 : plongée de l'A.S.E. Cavernicoles. Le bivouac est installé également dans la Salle du Chaos, mais l'équipe de plongeurs ne parvient pas à dépasser le terminus des Dijonnais et s'arrête à la Salle des Burgondes.
13, 14 et 15 février 1982 : plongée du S.C. Dijon. Avec ce bivouac, 1375 mètres de galeries sont à nouveau explorés, jus-qu'à une escalade de 5 mètres dans le mé-andre devenu plus étroit ( + 645 m).
27, 28 et 29 juillet 1982 : plongée du S. S.C. Dijon ( Degouve, Lehiban, Michel). Le ressaut de 5 m est franchi et seulement 150 m nouveaux découverts. La rivière est perdue et un puits de 7 m marque le terminus de la grotte.

DESCRIPTION DES GALERIES

POST-SIPHON
(Pour la description complète du réseau avant le S1, se reporter à l'Inventaire du Vercors, tome 2, de B. Lismonde).

Situé juste au sommet d'une cascade de 17m, le S1 correspond au schéma classique du siphon suspendu. L'eau claire qui sort d'un vaste conduit noyé, le bruit incessant de la cascade, contribuent à créer en cet endroit une atmosphère peu commune. L'obstacle de courte durée n'offre en fait aucun problème (30m, -60m). Au-delà du S1, nous retrouvons un canyon horizontal entrecoupé de bassins et de courtes cascades qui se franchissent sans difficulté. A 660m du S1, une coulée stalagmitique barrant entièrement la galerie marque le débou-ché de l'Affluent des Lyonnais. Quelques mètres plus loin, nous butons sur le deuxième siphon (3500m de l'entrée, + 300 m). Long de 60 m et profond de 8 m, il présente une section plus modeste que le premier ( 2 x 1,5 m) et se dédouble à quelques mètres de la vasque.

La galerie Jérome et les deux siphons
La Galerie des Deux Plongeurs et-la Galerie du Chaos.

Au-delà du S2, la voûte se relève, et le plongeur prend pied dans une salle encombrée d'éboulis qu'il faut contour-ner en s'insinuant entre les blocs. Des départs en plafond ont été entrevus, confirmant l'existence de galeries supé-rieures. Plus loin, le conduit reprend son profil de canyon régulier, offrant au visiteur un décor parmi les plus esthéti-ques de la cavité. A environ 400 m du S2. une cascade surplombante de 5 m vient interrompre la progression. A l'aide de quelques spits, l'obstacle est franchi. Une autre cascade lui fait suite, puis nous retrouvons la galerie qui remonte tou-jours de façon régulière. A 700m du S2. celle-ci débouche au pied d'un vaste éboulis qui conduit à la Galerie du Chaos. Le silence, l'absence d'eau, l'élévation des voûtes (20 x 20m), incite tout naturellement le visiteur au repos, et c'est ici que les différentes équipes installèrent leur bivouac.

L'Aquagalegie et le terminus des Lyonnais

La Galerie du Chaos franchie, il faut alors progresser dans un canyon où l'eau stagnante contraint à de fréquentes immersions. A 5250m de l'entrée, on atteint enfin le terminus du S.C. Lyon, constituépar une cascade de 5 m qui en période d'eau moyenne oblige l'explorateurà une douche forcée. L'obstacle franchi, il faut escalader encore quelques courtes cascades et traverser des bassins parfois profonds qui jalonnent sur près de 600m le fond du méandre dont les dimensions restent invariables (2m de large et près de 20m de haut). Par endroit, quelques coulées stalagmitiques inopportunes viennent obstruer la galerie sur plusieurs mètres, contraignant l'explorateur à des escalades rendues acrobatiques par le port de la combinaison en néoprène. La plus importante, la Bareusai, ne mesure pas moins de 8 m et nécessite un minimum d'équipement.

La Salle des Burgondes et la 5e Avenue

A 6 500 m de l'entrée, la rivière recoupe une salle imposante (Salle des Burgondes) encombrée par un éboulis instable. De la voûte, une cascade semblant provenir d'une galerie pénétrable vient s'écraser avec force sur les blocs immaculés avant de rejoindre le cours du Gournier. Le pierrier franchi, il faut encore s'immerger sur près de 200 m, puis parcourir à nouveau l'interminable méandre qui, insensiblement, gagne de l'altitude. A 7200 m, la galerie s'évase brutalement, et actif et fossile semblent ne faire plus qu'un, formant ainsi un imposant tunnel au centre duquel serpente la rivière (10 x 10m). 700m de ce cheminement aisé sont ainsi parcourus jusqu'à un ressaut de 7m qui marque la fin définitive des grandes galeries.

Rapidement, le méandre retrouve des proportions plus " humaines ", proportions qui, au fur et à mesure de la progression continueront de s'amoindrir. Cascades et ressauts se succèdent, conduisant ainsi le visiteur à la cote + 645 m, où l'on rencontre les premiers indices de la fin de ce réseau : chatière exiguë, méandre étroit (0,80 m), etc. En ce point, situé à 8650m de l'entrée, une coulée de mondmilch barre sur plusieurs mètres de hauteur la galerie. A sa base, une étroiture (agrandie au marteau) permet l'accès à la suite du méandre. 100 mètres plus loin, une dernière cascade marque la fin de la galerie active. En effet, l'eau jaillit à la faveur d'un joint de stratification haut de quelques centimètres seulement et qui constitue l'unique arrivée d'eau. Un court cheminement dans un boyau glaiseux conduit au Peuptu, puits de 6m, obstrué par du sable et de l'argile, constituant actuellement le terminus de l'amont de Gournier (8325m de l'entrée, cote + 680m).

Au total, 3 725 m de galeries nouvelles ont été explorés, portant ainsi le développement de la cavité à 15125m, dont 6125 m derrière siphon. Il est intéressant de remarquer que la direction des galeries est relativement uniforme (sauf en extrême amont), et que rares sont les diverticules et affluents, contrairement au réseau très proche de Couffin-Chevaline. De même, la pente est régulière, et les principaux crans verticaux sont localisés aux abords de la Salle Chevalier, permettant la plupart du temps une progression aisée mais rendue fatiguante par la longueur et la multiplicité des ressauts qui entrecoupent les conduits.

La rivière, que l'on ne quitte pratiquement jamais, est alimentée à partir du S2 par des cascatelles provenant du plafond. Seul, l'affluent de la Salle des Burgondes semble pénétrable, mais difficilement accessible par le bas. La Grotte de Gournier est donc un drain unique sur lequel viennent se greffer quelques affluents modestes (excepté l'Affluent des Parisiens), et qui traverse pratiquement tout le massif de Presles, parallèlement au réseau inconnu de la grotte de Bury.

Si l'exploration de ce collecteur en amont du terminus du S.C. Dijon semble fort compromise, il est désormais possible d'imaginer une éventuelle jonction avec la surface, ou même avec certains réseaux voisins (Couffin-Chevaline). Ceci apporterait à la cavité un attrait comparable à celui d'un Padirac, doublé d'une dénivellation intéressante, ce qui ne manquerait pas de séduire plus d'un spéléologue.

Bibliographie

BEAUMONT R. - 1982 - Grotte de Gournier, plongées été 1981. Spéléologie dossiers n°16 1982.
BUGNET M. - 1975 - Scialet n°4, bulletin CDS Isère, p. 10-13.
BUGNET M. - 1975 - Spéléo dossiers CDS Rhône n°9.
BUGNET M. -1976 - Spéléo dossiers CDS Rhône n °11
CHABERT C. - 1981 - Les grandes cavités françaises p. 72-76, FFS éditeur.
DEGOUVE P. - 1979 - Sous le plancher, bulletin SC Dijon, nJl-4.
LAURENT R. - 1976 - Bibliographie de la grotte de Gournier, commune de Choranche, Isère. Spéléo dossiers bull. CDS Rhône, n°12, p. 43-53 (161 références). Dédié à R. Chenevier, M. Schmidt et D. Trouilleux, qui
ont trouvé la mort dans Gournier les 6 et 7 novembre 1976.

LISMONDE B. - 1979 - Groues et scialets du Vercors tome 2, p. 148.
LISMONDE B. - 1981 - Le plateau de Presles. Scialet n° 10 p. 30.
MICHEL J. - 1981 - La grotte de Gournier Scialet ri °10, p. 28.

 

bernard le bihan à la sortie du S1, par Patrick Degouve

 

cascade bareusai vue amont, par Patrick Degouve

 

cascade de 5m post S2, par Patrick Degouve

 

5ième avenue,actif et fossile ne font qu'un, par Patrick Degouve

 


Jacques Michel, Bivouac post S2 à 360m photo P. Degouve

 

progression post S2 par Patrick Degouve

 

 

 

 

 

 

 

 


Cascade Bareusai photo P. Degouve