LE GUIERS-VIF,
DIMANCHE 1er OCTOBRE 1972

 

par Denis Lorain - 1972 -

Portage extérieur

 

 

Il existe le Guiers-mort et le Guiers-vif ! Je ne connais pas très bien cet endroit, situé à St Pierre d'Entremont, cirque de Saint-Même.

Nous avons plongé le siphon du Guiers-vif. Deux heures de marche, avec notre matériel, à gravir des sentiers dans la montagne. Nous étions accompagnés des montagnards qui vivent dans les environs.

L'estafette d'Henri était pleine de nos scaphandres et sacs de matériel. Très dur pour grimper dans cette montagne, mais tous les gens présents nous on aidé pour le portage de nos équipements. Super sympa. De plus, ils étaient heureux que l'on aille explorer cette grotte, qu'ils connaissaient bien. Eux, n'avaient jamais été équipés pour y pénétrer et encore moins pour plonger le siphon du Guiers-vif !

J'ai peu de mots pour décrire la beauté d'une telle plongée. Il est difficile pour moi de faire partager les sentiments que j'ai éprouvé à ce moment là ! Le soir, lors de notre retour sur Lyon, je me disais :

« Guiers-vif, repose-toi maintenant »

Il me semblait que je venais de faire la connaissance d'un être géant, quelque chose de fantastique !

C'est pour cette raison que je pensais au Guiers-vif, comme si j'avais rencontré un personnage. Je ne suis qu'un petit homme, un scaphandrier autonome. Je peux mourir pour un rien et mes copains aussi !

Je me disais aussi : 

« Tu as troublé le repos de ce siphon majestueux »

NOTRE PLONGÉE

Nous étions arrivés, après cette « grimpette » de deux heures. Grotte géante ! Comme d'habitude, l'approche du siphon se fait dans un milieu chaotique. Les personnes qui nous on aidé sont restées à l'extérieur, avec notre équipe de soutien. Nous mettons tout en place, téléphone, dérouleur et signalisation :

« Tout va bien les gars ? demandait Bob

•  On est prêt ! répondait Mickey. »

Pour cette plongée, je serai devant, avec, en main, le boîtier et notre téléphone étanche. A ma charge d'envoyer les signaux lumineux au dérouleur. Daniel B. sera derrière moi, Mickey fermera la palanquée. En assurance restaient tous les copains présents, eux-même en liaison avec notre équipe extérieure. Nous avions des scaphandres et des phares de secours. Une organisation et de gros moyens déployés, pour cette expédition ! Et pourtant, pas vraiment de chance encore une fois. On y a cru, mais cette plongée n'a pas vraiment duré très longtemps :

« Tout fonctionne ? Je posais cette question sans aucune angoisse.

•  Tout va bien Denis, la signalisation fonctionne bien.

•  Daniel, Mickey, vous êtes prêt ? demandait Guy.

•  Ok pour nous ! répondaient en chœur Daniel et Mickey.

•  Alors on y va ! »

Ajustage de nos masques, allumage de nos phares de pongée, prise de nos détendeurs ! Daniel se trouvait sur le fil d'Ariane, 4 mètres derrière moi. Mickey, 4 mètres derrière Daniel. Je vérifiais tout cela. Un signe « tout va bien » à tous et l'envoi d'un signal lumineux « tout va bien » au dérouleur. Je me mettais à l'eau et prenait la position allongée, de tout plongeur, pour commencer à palmer. Avancer doucement dans ce monde inconnu !

Le départ de ce siphon n'était en réalité que le passage de cette rivière souterraine, le Guiers-vif.

Très vite, j'ai vu sur ma droite une continuation, mais nous n'aurions pas pu passer par cet endroit. Trop étroit. Je réfléchissais très rapidement, en moi-même ! « Il faut que tu prennes sur la gauche »

Il est sûr que nous devons toujours prendre des décisions rapides. Dans ces cas-là, notre temps est précieux. La quantité d'air de nos scaphandres aussi ! Je m'engageais dans la partie gauche du siphon de cette rivière, entraînant mes copains avec moi.

Quelques dizaines de mètres et c'est là que je découvrais un monde fabuleux. Je n'en croyais pas mes yeux ! Difficile pour moi de vous expliquer. Imaginez que vous êtes une toute petite souris, à l'intérieur d'un énorme tunnel routier ! Vous arrivez à comprendre ce que je veux vous dire ? C'était fou ! Je me sentais presque une petite fourmi ici ! Géant ce siphon ! Et quelle beauté ! Je ne savais pas ou aller, mais l'eau restait très claire.

Mais aller où ? En haut, en bas, c'était vraiment très grand et j'observais toutes les possibilités, dans toutes les directions. J'envoyais mes signaux « tout va bien » au dérouleur et me tournais, de temps en temps vers Daniel et Mickey, pour un petit signe « tout va bien ». Tout allait bien pour eux aussi et je pense qu'à ce moment là, ils étaient aussi émerveillés que moi. Nous en avons discuté plus tard.

Pour l'instant, je regardais toutes les solutions possibles, tellement perdu dans ce monde grandiose et merveilleux. Ma montre m'indiquait un temps de plongée de 20 minutes. Je consultais le thermomètre, que j'avais mis à mon poignet droit. L'eau était glaciale, le thermomètre m'indiquait une température comprise entre 3 et 4°.

J'estimais que nous avions du parcourir une distance d'entre 100 et 200 mètres, par rapport à notre dérouleur. Le froid commençait à se faire sentir. Profondeur 25 mètres, indiquait mon profondimètre. Ma montre indiquait presque 45 minutes. Que faire ?

C'était vraiment géant ici et cela continuait encore toujours plus loin et plus profond !

J'ai aperçu un départ, très haut, au-dessus de moi. Je me suis tourné vers Daniel et Mickey, pour leur signaler ce départ de galerie. Tous d'accord, nous sommes remontés pour aller voir. J'envoyais mes signaux « tout va bien » au dérouleur.

Nous sommes remontés de plus de 17 mètres de profondeur, pour s'engager dans cette partie du siphon. Une galerie étroite dans ce puit qui remontait. Nous avons pu déboucher dans une salle en cloche. J'apercevais deux départs de galeries, à 4 ou 5 mètres au dessus de moi. Le froid de cette eau glaciale m'avait gagné ! Nous pouvions respirer sans nos détendeurs :

« Comment ça va ?

•  J'ai très froid ! me répondait Daniel.

•  J'enlève mon scaphandre et je me dépêche pour aller voir ! »

J'ai passé mon scaphandre à Daniel et j'ai demandé une liaison téléphone avec les copains, au dérouleur. Mes dix points lumineux, envoyés à deux reprises. Je dévissais les couvercles étanches de mon boîtier de signalisation. Je tremblais de froid et je ne sais plus qui j'avais au téléphone :

« Allo ?

•  Oui Denis, ça va ?

•  Tout va bien, on a débouché dans cette partie du réseau et je vais aller voir

•  Ok Denis, fait attention ! »

Je coupais la liaison téléphone et revissais, en tremblant de froid, les couvercles étanches sur notre combiné téléphone/bouton poussoir. J'ai tendu ce dernier à Daniel. Et puis je suis parti escalader ces galeries, pour voir. Un peu d'exercice ne me faisait pas de mal, cela me réchauffait un peu !

Je faisais très attention à ne pas « me casser la figure » ! En tous cas, rien à faire. Ces galeries remontantes se terminaient en « Culs de sacs » Avec prudence, j'explorais ces endroits, mais j'ai vite compris que nous ne pourrions pas aller plus loin. Il fallait que je redescende vers mes copains.

Comme toujours, cela peut paraître banal, mais je me trouvais à 7 mètres au-dessus d'eux. Pas simple pour revenir ! Daniel était hors de l'eau, cramponné comme il le pouvait, aux rochers alentours, tout en retenant mon scaphandre près de lui.

Daniel avait froid et voulait revenir très vite vers la sortie. Mickey était encore dans l'eau. Mes deux copains étaient transis de froid. Revenu près d'eux, je me suis rééquipé de mon scaphandre. Daniel me tendait le boîtier de signalisation :

« On ne peut plus rien faire ici !

•  Ok Denis, on est glacé !

•  On repart tout de suite ! »

J'ai réajusté mon masque et j'ai envoyé, avec regret, un signal « retour » au dérouleur. Je me suis remis dans cette eau glaciale et ma montre m'indiquait plus de 1h30 de présence en cet endroit. Retrouvaille avec ce siphon géant, après avoir redescendu le puits.

J'en garde un superbe souvenir. Pour revenir, j'étais le dernier de la palanquée et je regardais avec merveille la configuration de ce siphon. Les projecteurs de Mickey et Daniel devant moi, me donnaient une vision incroyable, d'une beauté surprenante !

Nous sommes revenus près de notre équipe, après quelques paliers de décompression. On était mort de froid !

Adieu le Guiers-vif !

Toutes ces heures d'expédition pour peu de chose. Mais nous ramenions tout de même des renseignements intéressants.

Tout le monde était content !

Repli du matériel et descente dans les sentiers de la montagne, aidés par nos copains montagnards !

 

 

 


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