Igue de Lacarrière

 

par François Beluche


L'entrée, par F. Beluche

 

RÉSEAU GOUDOU-LACARRIÈRE: PLONGÉE DU SIPHON AMONT DE L'IGUE DE LACARRIÈRE, 12 JUILLET 1998. (F.Beluche).


Pour nous au début le problème était des plus simples: on explorait Goudou. Le portage jusqu'au S1 aval est relativement aisé, les porteurs étaient contents, et les plongeurs se débrouillaient derrière en espérant pouvoir déboucher un jour dans Lacarrière. De siphon en siphon, la quantité de matos à transporter est devenue de plus en plus conséquente, et la question de passer par l'amont de Lacarrière a finit par s'imposer: les plongeurs y gagnent, mais pas les porteurs, l'accès à la Rivière Noire étant bien plus ardu.

Plongée du siphon amont de l'Igue de Lacarrière:

Samedi 11 juillet: descente pour équiper les premiers puits et porter quelques kits de plongée.

Dimanche 12 juillet, c'est le final: la première équipe de portage descend vers huit heures, la dernière vers 9. Pour rétablir la vérité historique, précisons que le début de la cavité, avec des bouteilles de plongée, est objectivement chiant. La suite est par contre très belle surtout à partir du moment où l'on rejoint les affluents actifs qui mènent vers la Rivière Noire.

L'accès au siphon amont comportant des vasques profondes, nous avons choisi de canoter: preuve sera à nouveau faite que l'Aérazur crevé supporte très bien son spéléo ou ses kits, mais veuillez respecter la dose prescrite SVP!

Le siphon est atteint entre 14 et 15H par les quatre nantis des canots: Denis, Philippe, Jérôme et ma pomme. Comme il n'a quasiment pas plu depuis de nombreuses semaines, le niveau de la rivière est très bas, et l'eau semble très claire. Jérôme prépare les trois bouteilles (bi 9L plus relais 9L), Denis plante un spit pour amarrer le fil d'Ariane (le grand luxe quoi!). Enfin, à 16H c'est le départ. L'eau est absolument limpide et comme j'ai emmené -en cachette des porteurs- un Airtess (4kg) de 20W j'en prend tout de suite plein les mirettes! De l'extérieur, le spectacle en vaut aussi la peine et les copains se régalent. La galerie, orientée nord-ouest fait entre 4 et 6 mètres de large pour deux mètres de hauteur, et descend rapidement à une profondeur moyenne de 16 à 20 m; le sol est tapissé de dunes de sable et d'argile. L'ancien fil d'Ariane, qui pourtant ne ressortait pas à la surface, semble encore en bon état. Peu après avoir déposé le relais, j'arrive devant un "mur", conformément à la description de JP Stéfanato. Effectivement la galerie fait comme un cul de sac, mais une lucarne sur la gauche (environ 1,5 m de diamètre) quelques mètres plus haut constitue la suite. Une fois passé ce rétrécissement très court, la paroi redescend d'autant et la galerie reprend sur la droite, aussi large que précédemment, alors que l'ancien fil d'Ariane continue à monter: la grande salle doit se trouver juste au dessus. Grosso modo, on peut décrire la chose en disant que l'on a deux galeries décalées, chacune se terminant en cul de sac. Elles sont comme "collées" bord à bord et la lucarne permet de passer de l'une à l'autre, obligeant le badaud à s'élever de quelques mètres pour redescendre aussitôt. L'endroit marque un changement de direction du siphon qui prend maintenant une direction générale sud-ouest (il y a sûrement une explication géo logique la dessous: appel aux spécialistes), toujours dans la zone des 16 à 20 mètres de profondeur. La jolie balade se serait poursuivie encore un peu, si le dévidoir n'avait pas fini par me tirer vers l'arrière, vide de ses 350 mètres de fil du départ. Après l'avoir rembobiné quelque peu pour fixer le fil, j'attaque les points topo, mais j'ai l'impression de perdre du temps et de consommer un peu trop. Qui plus est, un détendeur se met à jouer les chanoines Kir (1/3 d'eau, 2/3 d'air: le dosage pour correct qu'il soit, n'en vaut point l'original!). C'est pour ça que revenu à la base de la lucarne, je préfère en arrêter là et rentrer dare dare. Sortie du siphon après 1h20 de plongée, dont une vingtaine de minutes de paliers à 6 et 3m, accueilli par Jérôme Philippe et Denis: les pauvres ont passé tout ce temps debout devant le siphon les pattes dans la flotte, les places assises étant quasiment inexistantes (ou alors en se mettant l'un sur l'autre?). Déséquipement, rentrée du matos, joie des canots fuyants, un autre qui crève, et retrouvailles avec les autres copains qui font la "tortue" sur une plage de sable devant les premières zones profondes. Pressés de rentrer pour se réchauffer, ils déhottent aussi sec, pendant que nous nous changeons. Nous remonterons tranquillement tous les quatre en déséquipant au passage pour sortir du trou vers 1h du matin, sous les étoiles.

Conclusion: Longtemps repoussée par les difficultés du portage, cette plongée a porté ses fruits puisque la suite du réseau a été trouvée, avec arrêt sur rien dans une galerie qui semble vouloir se diriger vers Goudou. Mais rien n'est encore gagné car la zone noyée a l'air (façon de parler) longue et reste relativement profonde: c'est pour voir ça que nous allons revenir prochainement.

Remerciements à M Laurent Lacarrière pour nous avoir autorisé l'accès du gouffre situé sur son domaine, ainsi qu'à Jean-Pierre Stéfanato pour les informations qu'il nous a fourni pour cette plongée. Merci enfin à la Commission Plongée Souterraine de la FFESSM pour son soutien financier.

Participants: Denis Arnal, Michel Baulard, Rémi Baulard, Sylvain Caron, Martin Dagan, , Julien Nègre (TERRE & EAU)
Philippe Fouquin (SCLQ)
François Béluche, Jérôme Bottollier, Pierre Fournier (GSP CCDF).


TRAVERSEE LACARRIERE-GOUDOU - AOUT 1999 (F.Beluche)

Réalité d'abord entrevue, puis espérée, puis longtemps convoitée et aboutie au début 1999 : l'ensemble Igue de Goudou - Igue de Lacarrière forme bien un réseau unique d'environ 17 kilomètres ce qui le place en deuxième position du département du Lot. Il n'est pas inutile de rappeler que durant de nombreuses années, deux théories opposées ont prévalu concernant la Rivière de la Toussaint de l'Igue de Goudou et la Rivière Noire de l'Igue de Lacarrière, d'aucuns supposant qu'il s'agissait plutôt de deux circulations différentes.
Toutes les explorations effectuées sur l'aval de Goudou depuis 1994 tendaient à prouver la deuxième hypothèse, ainsi que la topographie faite lors de la plongée du siphon amont de Lacarrière de juillet 1998. Celle-ci relança de manière percutante les explorations de ce siphon que tout le monde avait laissé tranquille depuis une bonne douzaine d'années.

Ainsi, l'idée d'effectuer une traversée entre les deux gouffres s'est imposée. Elle devait trotter dans la tête d'un certain nombre de gens depuis de nombreuses années, voire dizaines d'années pour certains :_ Géo Marchand déboucheur et réinventeur de l'Igue de Goudou (derrière Martel) dans les années 60 et qui fit déjà un petit bout de désobstruction, dans l'entrée de l'Igue de Lacarrière, hélas sans lendemain.
_ Denis Arnal, âme opiniâtre et fédératrice de toutes les explorations à Goudou depuis trente ans, notamment en plongée, bien que lui même ne soit pas plongeur (en fait son truc, c'est de creuser au dessus des siphons : la concurrence déloyale quoi).
_ Jacques Bert qui inlassablement depuis trente ans aussi, re-dessine la topo de Goudou en changeant à chaque fois le format du papier, comme naguère la topo des Danaïdes.
_ Et puis tous les autres, qui se sont retrouvés inlassablement pour faire toujours les mêmes portages : tous ceux d'aujourd'hui étaient déjà là la fois d'avant, puis la fois d'avant, puis la fois d'après, et encore, et encore. C'est ceux de tous les clubs spéléos : TERRE & EAU, GSP CCDF, ABIMES, SC THOMSON GENNEVILLIERS, les HS, MMS, et j'en oublie... la majorité du CDS 92 qui s'y est mis aussi un paquet de fois. C'est ça aussi Goudou.

Pour traverser, nous choisîmes de partir de Lacarrière pour aller vers Goudou : d'une part le portage est beaucoup plus dur dans la première cavité, alors autant le faire tout de suite dans le sens de la descente only. Et puis les plus gros siphons sont au début, en particulier celui qui fait "le pont" vers Goudou (650m à -24m), baptisé "Siphon de l'Antéclipse" en raison de l'actualité de ce mois d'août 1999.

Après un premier portage au S1 aval de Goudou le 1° août, on fait une première plongée à trois le lendemain ; Bertrand continuant seul afin de déposer un 10L derrière le S3.

C'est le mercredi 4 août qui fut choisi pour faire la traversée ; le temps orageux semblant se préciser, il était préférable de ne point trop attendre.
L'organisation prévue est la suivante : deux équipes vont descendre en parallèle dans les deux cavités. La première dans Lacarrière avec le transgouffreur et son matos, l'attendra une heure et demie en cas de retour prématuré, puis de remontera en déséquipant la cavité. La deuxième équipe descendra plus tard dans Goudou, afin que Pierre et Bertrand viennent attendre le transgouffreur devant le S2 situé à un kilomètre du S1.

Ce matin là, on entre dans Lacarrière autour de 11h. Le trajet jusqu'à la Rivière Noire est loin d'être aisé, surtout avec le matériel de plongée, qui comporte trois bouteilles de 12 L. A la prouesse des copains d'avoir transporté tout ça comme des chefs, s'ajoute un stoïcisme admirable car oncque d'entre eux, à aucun moment n'agrémenta son périple des jurons si communs au spéléo qui voit son kit lui résister. Sauf une fois, où l'on entendit :
"-Sapristi comme ce fardeau est pesant, quoi ?"
Et pourtant que Lacarrière est longue, et que nos souvenirs en étaient courts !

C'est ainsi que cinq bateaux arrivent au siphon qui par bonheur est limpide. On prépare le matériel, Benoît bricole une lampe qui n'a pas aimé le trajet : le croirez vous, mais la lampe remplie d'eau à ras bord éclairera du feu de dieu tout le long.
J'ai deux 12L sur le dos et le troisième en relais ; ce dernier est destiné à être vidé entièrement, de sorte que s'il s'avère trop encombrant, il n'en sera que plus léger à larguer. L'eau est claire, ça avance du tonnerre. Au bout de 300 mètres environ, ça fait chcronck ! Prodige d'une mémoire en fin de garantie, ou vagabondage d'une dune de sable : en tout cas je n'avais aucun souvenir que c'était si bas de plafond ici ! Marche avant : nenni. Marche arrière : fume. Ah il est beau le transgouffreur ! Rotation de 180° face à la sortie, c'est au moins ça ; premier vidage de masque qui se remplit aussi sec, faut dire qu'y'a le casque de travers qui appuie ; vidage, et vidage encore. Marche avant : tiens ça se décoince ; marche arrière : c'est passé, et tout baigne. Comme c'était le seul passage bas le reste fut de la balade.

Le métrage du fil indique bientôt la sortie du siphon, et bientôt le sous-plancher des vaches ; s'applique alors la tactique inter siphons : le bi-12 d'abord jusqu'au siphon suivant, puis on retourne chercher le reste (relais et palmes). Enfin rééquipement et plongée du siphon suivant.
Le S7 et le S6 s'enchaînent sans sortir de l'eau, et un tout petit peu de quatre pattes suffit pour se vautrer dans le S5. Au bout d'une centaine de mètres, le relais rend ses dernières goulées ; il est donc prêt à être largué, ce qui ne sera pas nécessaire. La plongée du S5 prend une quinzaine de minutes grâce toujours à la clarté de l'eau ; un peu de nage dans la galerie exondée qui fait suite, et tout de suite le S4. Plus étroit que les siphons précédents, celui ci est moins clair. Derrière, voici le 10L déposé par Bertrand : ça commence à sentir bon la maison ! Réimmersion avec maintenant quatre bouteilles : les deux blocs portés en relais étant bien équilibrés ne gênent pas. Le S3 est franchi, deux voyages dans la galerie qui mène devant le S2. Avec les quatre bouteilles, il faut bien viser le point bas du S2 pour éviter de se coincer car l'endroit est un peu étroit, et hop ça passe tout seul... remontée quasiment verticale...émersion... oui ! ils sont là ! Deux petites lumières là bas. Un certain berger naguère parlait d'une rivière sans étoiles : celles qui scintillent aujourd'hui sont bien jolies. On se rejoint, on s'en serre cinq chacun. Bertrand et Pierre viennent d'arriver il y a dix minutes seulement ; super, ils n'ont même pas poireauté. On pose le matériel, on cause cinq minutes en prenant le thé, la classe quoi. Puis Pierre et Bertrand décident de partir tout de suite faire un premier voyage jusqu'au S1 pendant que je finis de croquer et de ranger le fourbi. Nous plongeons le S1 vers minuit, et vers 2 heures du matin (soit au total 15 heures sous terre pour la traversée) nous savourions les traditionnelles bières fraîches judicieusement déposées au préalable dans un bidon étanche rempli de glace : tradition Goudou.
Tout se sera donc grosso modo passé comme prévu avec une météo un peu incertaine, qui ne sera restée clémente que de peu car le lendemain et les jours qui suivirent de nouveaux orages sévirent et la rivière subit une petite crue. Heureusement, le portage du retour n'en fut pas affecté, sauf une palme probablement mal rangée et partie on ne sait z'où.

Participants : Denis Arnal, Martin Dagan (Terre & Eau)
Christophe Babé, Pierre Baussac, Pascale Botraud, Laurent Chollon, Christophe Delattre, Sophie Dumans-Vandame, Rodolphe Kuhn, Benoît Mouy, Olivier Ordonneau, Olivier Schmidt (ASTH)
Pierre Laureau, Sylvie Martel (SC Dijon)
Bertrand Tixier (SC Valence)
Alexandra & François Beluche, Jasmine & Daniel Teyssier (GSP CCDF)

 

 

 


siphon amont, par F. Beluche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


portage, par F. beluche