Plongée à la grotte de la Luire.

 

Août 2009, par David Bianzani


 

Introduction

J’ai pu réaliser cette plongée grâce à une rencontre entre mon président de club, Damien Locatelli et Olivier Garnier, trésorier du GSV.

Lors d’un premier contact téléphonique, Laurent Garnier (le frère jumeau d’Olivier) évoque de nombreux objectifs à plonger. Il n’y a que Fréddo Poggia et moi qui l’avons contacté : pour ça, pas de lézard ! Le père Fréddo et moi avons déjà beaucoup plongées ensemble . cette nouvelle collaboration ne sera qu’une pure formalité, à condition de caler nos agendas.

Notre conversation passionnée sur la Grotte de la Luire dure de longues minutes : historique des explorations, complexité du réseau …, tout y passe et c’est un pur moment de bonheur . Laurent Garnier m’a motivé à bloc.
Il me propose de plonger le siphon du Ruisselet qu’il à lui même reconnu sur 80 m, le rendez-vous est pris quelque jours plus tard.

Nous avons rendez-vous à 7h00, il vaut mieux commencer tôt .
Laurent, Olivier, Lionel et Johnny m’accompagnent . nous transporterons au total trois charges plongées deux kits avec les bouteilles et palmes ainsi qu’un sherpa rempli de petit matériel.

Le siphon est situé à environ 2500 m de l’entrée de la cavité et à –249 m sous terre . le cheminement passe d’abord à –280m, pour ensuite atteindre l’extrême amont, où se trouve le conduit noyé du Ruisselet ..
La progression pour aller à moins deux cent mètres est aisée : on descend une succession de puits en rappel . ceux-ci sont équipés en échelle fixe . c’est très ingénieux pour la remontée (ça économise les bonhommes).

La suite dans les galeries n’est pas gagnée, la Luire est un vrai labyrinthe avec son lot de ressauts tantôt à escalader tantôt à descendre, de multiples galeries basses jalonnées de gours à traverser avec de l’eau jusqu’aux cuisses, voire même les fesses dans l’eau, quand on manque de souplesse.

C’est un vrai « bonheur », ce portage :… on sent le sherpa peser au bout des bras ou sur les épaules.

Deux heures et quart après notre départ nous arrivons devant une belle conduite forcée pas très haute (environ 1m50) portant le même nom que le siphon. Elle mesure 200 m et débouche après un ressaut de trois mètres dans une galerie énorme encombré de blocs, et, trente mètres plus bas le Ruisselet.

Je prépare tranquillement mon bi 4 Litres 300 bars (pression 270 b T° oblige…) j’ai opté pour une configuration à l’anglaise au cas où la galerie joue des siennes avec une trémie ou autre difficulté, j’ai pris la boite vulcain (au cas où ça sorte puisque c’est d’ailleurs le pronostic des camarades) et un dévidoir de quatre cent mètres de fil.

La vasque mesure 6 m de large est 5 m de longueur une pente de gravier (à 45°) tapisse le sol du conduit.

Le fil n’est plus en place, ce n’est pas grave . j’ai promis la topo complète du siphon. Quarante minutes après, je m’enfonce dans l’eau, la visibilité est de l’ordre de huit mètres. Les dimensions sont de 6m de large pour 5 m de haut, ce n’est que du bonheur, j’amarre soigneusement le fil guide qui me permettra de topographier ce lieu .

Vingt mètres plus loin, je retrouve le fil tendu par Laurent, je fais suivre mon fil parallèlement au sien en prenant soin de ne pas être trop près (instinct de conservation oblige: pas de piège à fil !). Machinalement quelques minutes plus tard j’observe l’étiquette 80 m à mon dévidoir, et aussi, deux mètres plus loin, la fin du précédent terminus de Laurent Garnier.

Ça y est je suis en Première, quel bonheur de palmer dans ce gros conduit encore vierge !

Je reste quand même concentré sur mes instruments et enregistre la morphologie du siphon : j’oscille à –6m puis à –3m pour replonger à –7m. La sortie n’est pas pour tout de suite, je regarde mes manomètres de pression qui affichent 200 et 200 bars (j’ai fixé la règle des quarts en progression et les tiers au retour pour la topo). Je décide de stopper ma progression à 190 m de l’entrée je suis sur un plateau à –9m.

Il faut maintenant topographier tout ça. Le retour se passe sans encombre tout en faisant une vingtaine de visées topographiques, quarante cinq minutes après mon départ, j’émerge du siphon. Le temps de partager ma joie avec mes compagnons d’aventure, de reconditionner les kits nous voici repartis vers la sortie.

Au retour au camp, 10 heures plus tard je leurs remetrtai les données topo ainsi que les images réalisés en Première.

Une heure plus tard, toutes les infos permettant de comprendre ce réseau étaient sur Visual Topo. Après un court débriefing, la décision est prise de remettre le couvert rapidement.

TPST : 8 heures, TPSE : 45 min, T° Air : 7°C, T° Eau : 6°C, résultats 190 m de topo, 110 m de première.
Equipe de soutien : Laurent et Olivier Garnier, Lionel Peyret, Johnny Charpentier,

La deuxième pointe (17 Août 2009)

Pour cette deuxième sortie, j’ai prévu l’artillerie lourde : 2 x 6 litres gonflés à 270 bars avec une quatre litres alu à 220 bars, un dévidoir de 350 m de fil et un moral gonflé à bloc. Mon terminus est à moins 9m, je prévois du temps et de l’air.

Dans le livre : « Cent ans d’Exploration à la Luire », que je me suis procuré ces derniers jours, Jean Jacques Garnier livre ses réflexions sur le siphon du Ruisselet. JJ G pensait que le siphon se développait sur deux cent mètres puis livrait ensuite un réseau exondé.
Nous avions fixé le rendez-vous à 7h30 du matin, un premier portage réalisé trois jours auparavant avait avancé les bouteilles un peu avant la galerie du labyrinthe.

Nous sommes une dizaine : des spéléo du GSV et des Geckos. (liste à la fin de ce CR) .

La descente se passe bien, sans problème, puis en 2h15 nous voici au fond devant le siphon.
Je prévois trois heures d’exploration au cas où le conduit noyé déboucherait à l’air libre.

En moins de trente minutes, je m’équipe sous le double regard de l’équipe de soutien et du caméscope qui immortalise ce moment. Je décide de conserver mon relais jusqu’au terminus, soit sur 190 m la profondeur moyenne est à –6m, j’évolue à deux mètres de l’équipement, la visibilité est de l’ordre de six mètres je peux profiter un maximum de la plongée et des dimensions du conduit (6 x 5). En 10 minutes j’arrive à mon précédent terminus. J’ai bien planifié, car il reste 150 b dans la bouteille. Je la dépose, puis raccorde mon dévidoir. Je m’imagine déroulant la totalité de ce touret dans ce siphon vierge, c’est dantesque !!

Dix mètres plus loin je remonte à la profondeur de 6 m, la pente remonte franchement j’éclaire le plafond celui-ci disparaît au fur et à mesure de ma progression, encore une dizaine de mètres plus loin, je découvre le miroir de sortie :
JJ Garnier avait raison…. !

J’émerge dans un lac de plus de 6 m de large comme de long . devant moi se profile une galerie ascendante de 7 mètres de large et 6 mètres de haut. Le temps d’amarrer mon fil de déposer les blocs, d’emporter le matos topo, et j’évolue dans l’inconnu . Je chemine dans une galerie de dimension similaire à celle de ma sortie du siphon. Le sol est jonché de blocs rocheux, et un peu de glaise témoigne du passage de l’eau. Une cinquantaine de mètres après, la galerie redescend, le plafond s’abaisse à une hauteur de 2m50, un tas de gravier tapisse le bas de la pente. Les dimensions reprennent de l’ampleur 3 x 5. Des gours peu profonds ponctuent la progression. Je remarque des départs latéraux d’environ 2 x 3. J’essaye de conserver l’axe le plus évident et je choisis les passages qui ont les plus grandes dimensions, sans m’arrêter pendant 30 trente minutes . Là, en face de moi est la galerie colmatée : « tiens, c’est la fin !».

Mais, sur ma gauche, une pente livre accès à une vasque. « Tiens , un siphon.. ! » je descends analyser ça de près et, à ma grande surprise le verrou noyé est débloqué ! Une revanche d’une cinquantaine de centimètres livre la suite du réseau. Sans réfléchir, je nage vers l’inconnu après avoir déposé le kit topo. Derrière ça continue, la galerie est ascendante de 3 m de large sur 6 m de haut, le sol est très glaiseux je fais environ une cinquantaine de mètres de reconnaissance . Cela fait 1h10 que je suis parti, il est temps de rentrer et surtout de ramener la topographie….

Je démarre celle-ci à partir du colmatage, il m’aura fallu une heure quinze pour effectuer une vingtaine de visées. Pendant ce travail fastidieux mais nécessaire pour comprendre et réellement évaluer l’exploration effectuée. J’étais si concentré sur mes relevés, qu’au retour je me suis demandé si j’avais réellement progressé dans cette galerie, je croyais m’être égaré… . « Non ! Impossible ! Puisque je vois mes traces de pas dans la glaise ! Je suis donc bien passé là !»

De retour à mon équipement il ne me restait plus qu’à réaliser les trois visées dans le siphon pour clôturer les données topo.
J’arrive pile à l’heure du rendez-vous, soit 3 heures après mon départ . Je peux alors raconter mes émotions et annoncer que, dans cette partie de la Luire, l’objectif fixé est atteint. De plus il reste 250 bars dans les 6 litres je décide de les laisser pour une autre plongée.

La sortie est light avec trois charges . Tous sont aux anges : car, de plus, les copains ont trouvé une suite dans le réseau du mur Ricard ! La Première est au rendez-vous aujourd’hui.

En arrivant au RV, j’ai annoncé à l’équipe de soutien que j’avais fait 250 m de première , mais en fait, après verdict de visual topo , c’est 450 m de galerie qui ont été faits en Première, ainsi qu’une cinquantaine non topotés.

Cette sortie ..,ce n’est décidément que du bonheur…. !

TPST : 9 heures, TPSE : 25 min, T° Air : 7°C, T° Eau : 6°C, résultats : 480 m de topo, 530 m de Première.

Equipe de soutien : Marlène, Laurent et Olivier Garnier, Lionel Peyret, Johnny Charpentier, Arnaud Villard, Amélie Balmain, Alexandre Lefevre, Romain Laisné, Eric Gaidatzis


La troisième pointe (6 Septembre 2009).

Dans la semaine, les quelques pluies des jours précédents nous ont donné à réfléchir : « est-ce opportun de réitérer une pointe au siphon du Ruisselet ? ».

Oui, mais voilà, deux spéléos du GSV on fait une reconnaissance dans le secteur du labyrinthe, et ont constaté que le réseau est toujours aussi sec, avec en plus un léger courant d’air. Pas d’hésitation ! Remettons le couvert…
J’envisageais d’ailleurs une pointe à deux, avec Manu Tessane (qui n’avait pas pu se joindre à nous pour la dernière pointe, étant non disponible à ces dates pour raison professionnelle, et à mon grand regret).

Je décide d’utiliser les 6 litres laissés au fond, donc pas de bouteille à descendre . Un seul kit sherpa pour la plongée, c’est l’idéal. Un grand nombre de personnes m’accompagne dont un célèbre spéléologue, grand spécialiste de la Luire : Jeannot Bonnet, dit « Bouna » une référence à la Luire, il a 75 printemps et 50 ans de spéléologie, respect ! Il fait sa promenade dans le réseau deux fois par semaine ! Quelle forme …j’espère en faire autant à son âge.

Pour accéder au siphon nous avons mis 1h45, contre 2h30 habituellement . ça va mieux sans blocs de plongée .

Je m’équipe rapidement. Je prévois 4 h00 derrière siphon. En moins de dix minutes, je franchis le verrou liquide, il ne me faut guère plus de temps pour me libérer de mon équipement. Je reprends ensuite le chemin en direction de l’inconnu. Je suis intrigué sur le parcours par une modification du relief de la galerie : en effet de nouveaux gours d’eau on fait leur apparition, d’autres me semblent plus profonds, mais, je ne m’attarde par sur ces détails, tant j’ai hâte de faire de la Première. Juste avant le colmatage de la galerie principale, à mon terminus topo de la 2° Pointe. Je constate avec stupéfaction que la voûte mouillante de cinquante centimètre à laissé place à un siphon : le niveau d’eau est monté d’un mètre cinquante. Les pluies sont déjà arrivées dans le réseau.

Malédiction ! Mes bouteilles sont quatre cent cinquante mètres en arrière : que faire ?
Je renonce et décide d’explorer un départ latéral, ce n’est pas le réseau principal. Tant pis, aujourd’hui, il faut renoncer à explorer cette partie ….D’autant plus que ce départ latéral fait deux mètres de haut pour quatre mètres de large. Il est à droite de la galerie principale, en pente plutôt ascendante. Je remonte une rivière sur cinquante mètres. Au bout d’une centaine de mètres, la galerie prend de la hauteur, de grands gours jalonnent le parcours, puis une ressaut d’environ 2m50 bloque mon exploration. Après deux essais infructueux, je renonce, je suis seul, à plus de trois bornes de l’entrée et derrière un siphon de 210 m. un incident ne serait pas le bienvenu. Je fais donc la topographie au retour.

J’ai encore du temps devant moi, et toujours la même soif de première.

Je parcours un autre départ latéral , ascendant, aussi large mais seulement haut de 1m50, par contre ici, le sol est tapissé d’argile , témoignant d’une forte mise en charge. Sur une trentaine mètres, la première partie se développe parallèlement au réseau principal. Un passage par une voûte mouillante permet de quitter cet affluent, j’avance tout en relevant les données topo . Sur la fin, la galerie est plus propre, le courant y a creusé des coups de gouges. Puis c’est la fin : devant moi un siphon impénétrable condamne toute continuation. Seul un départ dans une conduite forcée à gauche laisse entrevoir une suite. Les dimensions sont de l’ordre de 0.6 x 0.5, je vois la suite sur dix mètres, ce n’est pas engageant en néoprène. Après trois heures de balade je décide de rentrer, le bilan sera quand même de 307 m de première.
Le retour est passé comme une lettre à la poste.

A la sortie du siphon, personne pour m’accueillir, les collègues sont encore en explo et topographie. Je re conditionne mes charges tranquillement pour gagner du temps. Je décide même d’avancer le portage et avançant mes trois kits derrière le boyau sud. C’est une galerie très sympathique de 1 m de haut et de 1 m 20 de large où on progresse plus à quatre pattes que debout , avec des petits ressauts : que du bonheur sur trois cent mètres… Rien de tel pour se réchauffer qu’un moment de sport ! Quelques minutes après le deuxième voyage pour la dernière charge, je retrouve mes compagnons d’aventure. Le retour fut un peu plus pénible avec la fatigue accumulée, mais je suis heureux du bilan de la sortie.

Je suis déjà impatient de retourner dans ce magnifique réseau….

Je remercie tous les spéléos du GSV tous particulièrement la famille Garnier Marlène, Laurent et Olivier.

TPST : 10 heures, TPSE : 25 min, T° Air : 7°C, T° Eau : 6°C, résultats : 307 m de topo, 307 m de première.
Equipe de soutien : Marlène, Laurent et Olivier Garnier, Rémi Granier, Johnny Charpentier, Philippe Ageron, Jean Pierre Pouchot Jeannot Bonnet, Gilles Pallu.

 

 

 

Le jour de la pointe (12 Août 2009).

Une bien belle équipe de soutien 100% GSV.

 

 

Lionel Peyret en pleine action

 

Le plongeur au départ du Ruisselet.