Des recycleurs à Planagrèze.

 

Par jean-marc Belin
Publié dans « Octopus juillet 2007  »


 

Sur le causse de Gramat, au cœur de la Braunhie, les visiteurs viennent admirer un superbe dolmen vestige des temps anciens, et avant de repartir, ils s'arrêtent un instant au bord du gouffre tout près en se demandant quels secrets se cachent au fond de ces conduits souterrains inaccessibles.
Mais ce matin là, ce ne sont pas des touristes ordinaires qui ont envahi le site et l'objet de leur visite n'est pas le dolmen mais plutôt le gouffre et ses conduits noyés.

Le fond de l'igue donne d'un coté sur une rivière souterraine, à -110m, et de l'autre coté sur un lac à -185m de la surface. Ces deux conduits noyés ont déjà été explorés mais il existe des espoirs de continuation et l'équipe de Plongeesout a décidé de s'investir lourdement afin de poursuivre la connaissance de ces réseaux.

700m de cordes, 80 mousquetons, un treuil avec 100m de câble et un groupe électrogène, une plateforme en bois de 2,5m par 2m seront nécessaire pour permettre à 10 plongeurs d'effectuer successivement une série de plongées d'assistance et de pointe.


les kits s'accumulent

Nous allons descendre 4 recycleurs ; 2 Kiss et 2 Inspirations. Les plongées pouvant être profondes, il faut également prévoir des blocs de trimix et des bouteilles de sécurité. Les plongeurs d'assistance ont également besoin de leurs bi-bouteilles et de relais. Tout ce matériel sera conditionné dans des sacs de portage et ce n'est pas moins de 60 charges qui seront ainsi transportées au bord de la rivière et sur la plateforme construite sur le lac.

Samedi

Gaby est notre chef d'orchestre spéléo. Il organise le travail d'équipement et de transport ; un café, un briefing, et c'est parti…

Rodolphe et Thierry commencent l'équipement des puits d'entrée. L'amarrage sur un arbre mort ne rassure pas Denis mais des générations de spéléos l'ont utilisé (et martyrisé), il devrait bien tenir encore peu… Michel, partira avec eux pour immortaliser l'aventure avec des photos et de la vidéo.

« Les fous » suivront avec la plateforme en kit. Fredo, Franck, Jacky, Didier et Pierre-François descendent sur l'équipement de Rodolphe jusqu'à la rivière suspendue à -110m. De là, ils équiperont jusqu'au lac à -185m et installeront la plateforme avec des cordes fixées sur des amarrages qu'il faudra spitter.

Pendant ce temps, Gaby et Jean-Charles vont doubler l'équipement des puits et installer la tyrolienne. Denis va se placer entre les 2 puits pour faire passer les 25 premiers sacs que Jean-Marc, Christian et Thomas vont lui envoyer.

La première journée s'achève et on se retrouve au gîte de Sénaillac. Rien n'est possible sans un bon cuistot, et je dois dire qu'avec Stephane et Isabelle, c'est du 3 étoiles…

Dimanche

Les Suisses nous rejoignent. Nous allons pouvoir descendre leur matériel. Jutta les accompagne et photographie à tout va. Pendant ce temps, Gaby installe le treuil. Le reste de l'équipe va faire descendre les sacs qui sont restés au bas des puits jusqu'à leur destination finale : la rivière ou le lac.
Christian et Jean-Marc, les 2 fainéants du samedi, descendent à leur tour pour aller reconditionner leurs recycleurs Inspiration et les préparer pour le lendemain.

Après le fractionnement au début du deuxième puits :

Jean-Marc   : « Zut, je suis emmêlé… je ne peux plus descendre »
Christian  : « ça va ? »
Jean-Marc  : « non, il faut que je remonte jusqu'à l'amarrage »
Thomas arrive à la rescousse.
Christian (qui joue l'homme araignée sur le fractionnement en attendant que la place se libère) : « prend ton temps, ça va aller (mais dépêche toi quand même…)  »

En fait, il faudra une demi-heure pour que je me libère et tout ça pendu à une ficelle au dessus d'un puits de 33m. Bon, les affaires peuvent reprendre et le reste des sacs continue de descendre.
Arrivés à la rivière, on commence à déballer les kits pour reconstituer le puzzle.Il faut d'abord équiper Denis et Rodolphe qui vont aller transporter les blocs relais à l'entrée du deuxième siphon.

Denis  : « j'ai un kit rouge qui semble vide, c'est à qui ? »
Christian  : « c'est à moi »
Denis  : « ben ya quoi dedans ?... oh, j'y crois pas ! »
Jean-Marc  : «  qu'est-ce qu'il y a ? »
Denis  : « C'est son slip de bain, il a rempli un kit avec son slip de bain !!! »
Jean-Marc  : « Bon sang, si les « fous » apprennent qu'ils ont transporté un kit qui ne contient qu'un slip de bain… »

Nos plongeurs d'assistance partent avec les blocs relais. Cela libère un peu de place et on peut s'occuper des recycleurs. On installe une jolie bâche bien propre et on assemble les machines. Tests de fuite, étalonnage, tout est fonctionnel. Michel attendra le retour des plongeurs, on peut donc remonter.

Dans la partie étroite, la flamme de l'acéto s'éteint. C'est capricieux ces éclairages. Pas grave, je passe sur l'électrique. Un peu plus haut, sur un fractionnement, j'entends la chute d'un objet lourd :

Jean-Marc  : « pierre !!! » badaboum, badaboum, … Bong ! badaboum, badaboum
Christian  : «  qu'est-ce c'était ? je l'ai pris sur le casque !!! »
Jean-marc  : « sans doute une pierre ; je ne comprend pas, pourtant je faisais attention »

La remontée reprend jusqu'à la base des deux puits.

Thomas  : « Il manque quelque chose sur ta dudule ? »


Les recycleurs aspergés de carbure

En fait, c'est le réservoir de carbure que j'ai perdu et que Christian a prit sur la tête. On saura plus tard qu'elle est allée s'écraser 40m plus bas en aspergeant les recycleurs avec le carbure…damned !

Un orage éclate en fin d'après-midi. L'eau ruisselle et s'engouffre dans le puits ; Aïe, aïe, aïe, on ne sait pas trop ce que ça va donner. On verra demain. Pour l'instant, on va rentrer au gîte. On est tellement pressé d'aller se mettre au chaud qu'on en oublie nos 2 plongeurs d'assistance qui rentreront seuls, dans le noir et sous la pluie. Ils ne nous féliciteront pas !

Lundi.

Dans le lac, l'eau est montée de 2 mètres et la plateforme flotte au dessus des amarrages. C'est râpé pour les Suisses, on verra demain si le niveau est suffisamment redescendu. Par contre la rivière reste tout à fait plongeable. D'ailleurs, il faudra qu'on arrête de faire pipi du coté Suisse car l'odeur devient gênante… surtout pour un Suisse. Désormais, la plongée au lac s'appellera « toilet dive ».

Thomas et Denis partent en premier en circuit ouvert. Ils transportent les dernières bouteilles relais et aideront Christian et Jean-Marc pour le passage de la galerie exondée avec les recycleurs.

Il ne faut qu'une dizaine de minutes pour franchir les 160m du premier siphon, mais il en va autrement des 150m de l'inter-siphon. Ce n'est pas très large et lorsqu'on tombe dans une des méga-marmites, il n'est pas facile d'en ressortir.
Le deuxième siphon fait 150m et n'est séparé du S3 que par une rivière peu profonde, sans grande difficulté.
Le S3 s'enfonce lentement dans une eau cristalline. La galerie, en forme de trou de serrure, sinue d'abord dans une zone de -6m avant de descendre progressivement jusqu'à 16m. A cet endroit, la cavité remonte brusquement jusqu'à -7m puis s'enfonce tranquillement jusqu'à moins 30m où on arrive au bord d'un puits. Cette marche soudaine amène à -40m. La galerie reprend alors une pente régulière jusqu'à -50m. A ce moment, on arrive dans un laminoir terminus du fil (440m / -55m). A partir de là, le plafond du laminoir s'abaisse encore et des roches disséminées le font ressembler à une mâchoire de crocodile où il faudrait pouvoir s'insinuer pour slalomer entre les dents.

On abandonne le dévidoir pour la prochaine équipe et on rentre à la maison. Retour sans encombre et sortie 5h après le départ.
Remontée après 10h sous terre

Mardi

Frank et Mehdi vont plonger la rivière en utilisant les 2 recycleurs Inspiration laissés sur place. Ils seront assistés par Gaby pour la traversée de l'inter-siphon.

Une fois arrivé au laminoir terminal, ils seront victime d'un dévidoir qui refusera de se dérouler !!! Impossible de dévider plus de 5m !!!. Mehdi fera 2 tentatives motivées mais la bête résistera…

Après enquête, il s'avère que c'est une âme charitable (et féminine) qui a métré et enroulé le fil mais, par méconnaissance, le fil n'aura pas été enroulé tendu. Dommage …

Sur le retour, ils feront la topographie de l'intégralité de la rivière… chapeau !

Pendant ce temps, Pedro, André et Fred partent sur la plateforme Du coté du lac, les choses se présentent mieux ; Le niveau de l'eau est redescendu et nos 2 Suisses se préparent.

André et Pedro plongent jusqu'à -88m. Début difficile sans visibilité (les bords sont friables et sous les surplombs, de grosses boules d'argile se détachent). Au fond, la visibilité redevient bonne ; 3 fils descendent jusqu'à 65m. Au fond, ils trouvent un os qu'ils ramènent.

Mais après la plongée, il faut remonter les 185m à la jumar (pas d'effort après la plongée qu'ils disaient …) André fini dans son lit à l'oxygène (douleur à la hanche).

Philippe, Thorsten, Thomas, Jutta et Alex aide au portage et remontent les bouteilles de 3l et les électroniques des Inspirations.

Mercredi

André soupçonne un ADD (toujours mal à la hanche). Il appelle DAN qui lui conseille un traitement thérapeutique hyperbare. Christian l'emmène au caisson de Toulouse.

Pendant que Pedro prend une journée de repos et que Gaby assure les opérations de surface, Fred, Jean-Charles et Philippe descendent les électroniques et les blocs des 2 Inspirations.

Thomas, Denis et Frank plongent en circuit ouvert. En plus des photos, vidéos et topos, ils assisteront Mehdi et Jean-Marc qui vont refaire une tentative de franchissement du laminoir terminal.

Cette fois-ci, le dévidoir a été refait et est fonctionnel. Arrivé au terminus, Je fais une tentative infructueuse et laisse ma place à Mehdi. Celui-ci s'encastre dans le laminoir et bataille pour gagner mètre après mètre en frottant de partout alors qu'un nuage de particules commence à réduire la visibilité. En voyant la scène, j'imagine assez mal de devoir franchir ce passage à mon tour et quant au retour …Je préfère interrompre l'opération et rappelle Mehdi. C'est dommage mais bon…
Retour avec 23' de déco.

On échange la combinaison de plongée pour celle du spéléo et on attaque la grimpette.

Le soir Franck Aragon, qui était reparti au boulot, nous rejoint, on lui manquait trop.

A 22h30 André et Christian rentrent du caisson de Toulouse. André va mieux mais il lui faudra patienter un peu avant de pouvoir replonger.

Jeudi

Branle bas de combat pour remonter tout le fourbi.

Pendant qu'une grande partie de l'équipe attaque la remontée du matériel stocké à la rivière, « les fous » accompagnent Pedro au lac pour une ultime plongée de topographie.

Frank et Jean-Marc les suivent en topographiant rapidement toute la descente afin de pouvoir placer correctement les points de départ des deux mises à l'eau. Ils en profiteront pour prendre quelques photos et voir la plateforme. Bon sang qu'elle est belle cette plateforme, c'est quand même du beau travail !

Pedro effectuera une plongée « sans souci » et reviendra avec la topographie de l'exploration jusqu'à -89m.

J'aide un peu puis j'abandonne Pedro et « les fous » qui vont conditionner et remonter le matériel jusqu'à la base des puits.

Pendant ce temps, une chaîne humaine s'est formée entre la rivière et la surface. Cette chaîne a été tellement efficace que, lorsque j'arrive épuisé à la base des puits, il ne reste que Denis et deux sacs.

Jean-Marc  : « J'ai faim, je commence à tourner de l'œil  »
Denis  : «  vous aviez pourtant à manger ?  »
Jean-Marc  : «  tu parles, à chaque fois que je voulais attaquer la gamelle, « les fous » me criaient de tirer sur la corde pour remonter un sac, j'ai fini par me tirer sans manger  »
Denis  : «  Je crois qu'il reste du riz au lait dans un sac  »

Et là, si vous n'avez jamais vu un affamé se jeter sur la pitance…

Après un petit repos réparateur, Denis et moi attaquons la remontée en faisant la course avec le treuil. Il ne va pas bien vite ce treuil, mais…on a perdu quand même.

Le reste de l'équipe ressortira peu de temps après. Une petite bière, une photo d'équipe et, avant de terminer définitivement ce camp, une dernière mission : on va s'occuper de l'arbre mort qui sert d'amarrage et qui a tant effrayé Denis lorsqu'il le voyait osciller dangereusement sous le poids des spéléos qui remontent. Un petit élagage de la partie supérieure devrait le rendre plus sûr.

Ont participés à cette expédition :

Suisse :

Jutta Entian,
Alexandra & Thorsten Kampe
Pedro Balordi & André Gloor

Allemagne :

Thomas Baum

 

France

Christian Moreau
Jean-Marc Belin
Mehdi Dighouth
Frank Vasseur
Rodolphe Maljean
Denis Grammont
Thierry Gallet
Gaby Soler
Jean-Charles Petronio
Michel Ribera

 

« Les Fous »

Jacky & Didier Laussel
Frederic & frank Aragon
Pierre françois Mariani
Philippe Gueydon

La (bonne) cuisine

Stephane Arnaud, Isabelle Dardy et Mathieu (cuistot)

 

Préparation du matériel, par Michel Ribera


Même le cromignon était là, par Jean-Marc Belin


Gaby chef d'orchestre, par Juta Entian


Le puits d'accès, par Jutta Entian


Fredo sur la plateforme


Coincé sur l'amarrage, par Michel Ribera


Préparation des recycleurs Inspiration


ça se prépare, par Michel Ribera


Départ des plongeurs d'assistance


Belle galerie en trou de serrure, par Frank Vasseur


Jean-Marc au départ, par Jutta Entian


Entre S1 et S2, par Frank Vasseur


Entre S2 et S3, par Frank Vasseur


Sur la plateforme, par Jean-Marc Belin


Pedro au départ, par Jean-Marc Belin


Mehdi, par Frank Vasseur


Remontée du matos au treuil, Jean-Marc Belin

 


On lui raccourci la tête, par Jean-Marc Belin


Fredo et Franck (les fous), par Jean-Marc belin


Stépane le cuistot, par Jutta Entian


Le groupe par Jutta Entian