Jean-Jacques Bolanz est décédé le 29 octobre 2007, alors qu'il explorait la cavité Lili en Grèce  

JJ à la grotte du Diable en 1996, par Ph. Bigeard

Transmis par Christian Locatelli :

Jean-Jacques n'est pas ressorti de sa dernière plongée à Lili (Grèce). Luigi Casati revient de Crête pour essayer de le localiser... Je sens un grand vide.

Je passe son dernier message:


Arrivé vers 7 heures à Lecco, où je dois charger un compresseur alors que je n’ai déjà plus de place. Luigi est en mer rouge. Béatrice est là, entre 2 avions. Finalement je préfère continuer jusqu’à Venise le soir même, quand les routes sont un peu moins encombrées. J’y arrive sans problème vers minuit, trouve facilement le magasin de plongée où je dois aller acheter du matériel qui me manque pour l’expé en Grèce. Je dors sur le toit, tout près de l’autoroute…
J’achète la chaux et des gants. Les gens me reconnaissent et me font un bon prix (c’était le premier sponsor de Luigi). Puis je trouve le bateau qui part à minuit. Impossible au bureau d’obtenir une place sur le pont, car c’est pour les camping cars, pas pour des tentes de toit…Mais finalement je m’y retrouve quand même…Le bateau part à midi, et est sensé arriver samedi 20 à 21h00. Il y a un arrêt à Igoumenitsa, ou l’on perd 2 heures, car un engin de chantier reste coincé. J’arrive donc à Patras à 23h00. Et à Nauplie où m’attend Vassili à 1h du matin.

21.10
Il pleut toute la nuit…Plongée seul, car Vassili n’est pas en état. Il peut juste m’aider à transporter les bouteilles, aidé par Nektarios, un plongeur grec de Patras, mais qui sagement n’a pas pris son matériel de plongée. La mer est agitée. Je n’ai pas l’habitude de m’équiper dans des vagues de 1m qui me roulent sur une plage plate. Puis suivre un azimut à la boussole sur 200m en déroulant un fil et chargé comme un baudet n’est vraiment pas de la sinécure. Je finis par tomber sur un trou, mais je ne sait diable pas lequel des 3 il s’agit. Comme la visibilité est de 50cm, autant dire que je n’ai rien vu. Arrivé à -40, je laisse le dévidoir et remonte en faisant bien attention, car soudain, au bout de mon nez, je vois des fils nylon avec des hameçons et des cordes…En plus je dois ressortir les bouteilles à 20 et 6m, car il y a des plongeurs qui viennent pêcher et prennent tout ce qu’ils trouvent. Je laisse pourtant une bouteille secours à – 33.

22.10

Il a plu toute la nuit, et j’ai bien peur pour le dévidoir laissé en place et la bouteille secours…Même topo pour la 2ème plongée. Je finis par atteindre -80, sans rien voir et sans savoir où je suis.

23.10
Le vent s’est calmé et peu de pluie est encore tombée. La 3ème plongée est infiniment plus facile, car il y a 3-4 m de visibilité. Elle diminue à partir de -50, mais je vois au moins le fil et quelques fois les parois. Je m’arrête à – 113 sur le VR3, ce qui équivaut à -115 au profondimètre. Depuis – 105, les parois se rapprochent et la grotte devient plus horizontale. A -113, il y a un resserrement, mais que je dois pouvoir passer. Je crois que je suis dans Lili Centre, que j’avais topographié en 1993 jusqu’à – 115. Je ne suis donc pas dans Lili ouest, où il y a un couloir latéral qui commence à – 75.

24.10
Journée de repos. Le temps se stabilise, gris ou bleu, changeant, avec presque plus de pluie. La température de l’eau est de 22 degrés de la surface au fond. Il n’y a aucun courant et aucun signe de mise en charge de la résurgence.
Nous mangeons chez la mère de Vassili, 88ans, mais les repas, excellents sont préparés par la sœur de Vassili et se prennent dans l’après-midi…Une nouveauté pour moi, qui ai toujours vu les plongeurs grecs manger à partir de 20h00, quand ce n’est pas 22h00…On est installés dans une maison de vacance de Vassili, au village de Tolo, à 10 Km de Nauplie. Vassili m’a trouvé de l’huile d’olive. Il m’a aussi donné du miel de conifère très particulier, avec un goût de vanille qui vient de la montagne et qu’on ne trouve pas sur le marché. Nektarios est arrivé l’après-midi, mais a préféré plonger demain, son matériel n’étant pas vraiment prêt. Son amie le rejoint par bus le soir.

25.10.07
Temps superbe et mer calme. Les augures sont bons. Nektarios prend un de mes dévidoirs (à la place d’une corde de nylon d’un cm de diamètre) et depuis mon fil s’en va à la recherche du puits central. Le vrai. Il le trouve 25m plus loin et descend jusqu’à – 45, où il tombe sur mon fil. Cela fait déjà une jonction. Vassili me met les bouteilles de secours d’oxygène et de surox à – 6m et – 20m. Puis il tire un fil jusqu’à un autre puits qu’il descend jusqu’à – 45.
Je pars avant eux avec 1*12l à 230 b de 7,4 % O2 et 70 % He, 1* 12l à 270 b de 13/70 et 1* 12l de 16/60 à déposer en secours à – 80m. Ce que j’oublie de faire, faisant toute la plongée avec les 3 bouteilles. J’ai remis mon étanche la moins chaude et juste une sous combi spéléo. En m’habillant, je jure en constatant que j’ai oublié la purge pipi sur la combi utilisée hier (la trilaminée). Le départ est tellement plus simple quand il n’y a pas de vagues. Je suis en 10 mn au début de la descente dans le puits. A – 30, à l’entrée proprement dite, je sui très surpris e voir qu’il s’agit d’une ouverture de pas 2 m de diamètre. Je ne l’avais pas soupçonné, même hier. La descente se passe bien. A – 40, j’ai une deuxième surprise. Je vois du bleu au dessus de moi. J’ai donc jonctionné avec un puits beaucoup plus important. En remontant, à – 45, j’ai la surprise de voir un deuxième fil attaché sur le mien. Celui de Nektarios. J’arrive en 15 mn à – 115, où j’ai laissé de dévidoir hier. Le passage étroit n’est pas si terrible. On racle un peu avec le ventre et le dos, mais ça passe facilement. Le sol est du sable et des coquillages cassés. C’est vraiment une galerie qui continue avec une visibilité de 2-3 m seulement. Le sol est inégal, avec des monticules au milieu par endroits. Il descend en pente douce avec de temps en temps des portions plus verticales. Environ 5m de large et 2 de haut, rétrécissement par endroits. Je m’arrête à – 140, et attache en haut d’un puits vertical. La visibilité de dépasse plus 2 m. Il y a des amas de poussière au fond et partout, qui ne demandent qu’à se transformer en nuages. Je remonte sans m’équilibrer suffisamment et en soufflant épais… Jusqu’à – 95, le premier palier de 2 mn. Finalement je ressors après 166mn de plongée, trajet depuis le bord compris. Lili redevient le siphon le plus profond de Grèce. Et comme d’habitude, on part manger chez Vassili. Pâtes et petits poissons grillés entiers.

26.10
Jour anniversaire de Dimitri. Impossible à oublier, car en Grèce, c’est la Saint Dimitri. 7 ans déjà, sur la route de la sainteté.
Hier, petite plongée topo ratée. Le trou que j’ai pu enfin voir hier était complètement gris de poussière. Un bateau de pécheur s’en éloignait comme on arrivait. J’imagine qu’il a jeté ses filets profonds dans la dépression. Ce qui n’augure rien de bon pour moi, s’il le fait pendant que je suis sous l’eau. Je me vois en poisson…Enfin, en rentrant je constate qu’il me manque une direction, et quand je mets la boucle que j’ai faite sur l’ordinateur, cela ne ressemble à rien. A refaire donc.
Vassili, Nektarios et tous les spéléos de Nauplie sont partis hier soir pour Diros pour le week-end. Enfin seul et pouvant suivre mon rythme. Ils sont géniaux et très accueillants, mais on ne poursuit pas les mêmes buts. Ils se lèvent à 10h00 et se couchent à point d’heure. Ce qui fait qu’on se retrouve en plein soleil pour commencer la plongée. Dimanche soir arrivera G Tsavelas, un de nos talentueux stagiaires grecs du dernier cours. Il restera 2-3 jours. Cela me suffira pour tenter une 2ème plongée profonde.

27.10
Plongée de Lili ouest. Seul. Et ça va pas plus mal…Le fil posé par Nektarios est vraiment un poème. Il est descendu le long de sa corde spéléo qu’il avait placée il y a 1 mois et depuis 60m de profondeur, il est remonté avec le dévidoir en faisant d’immenses zig-zags entre les deux parois éloignées de 10 à 12m, bien sur avec le zéro en bas. J’ai vraiment juré. On ne fait pas plus plongeur mer. Tout est à refaire pour obtenir une topo correcte…
Mais la découverte, c’est que les 3 Lili ne forment qu’une grotte. Je suis tombé sur un fil vers – 80 et je me suis dit : tiens mon vieux fil. Ce n’est qu’après avoir passé l’étroiture à – 115 que j’ai reconnu l’endroit. Fait demi-tour à – 116m. Utilisé 1*12 de 11/70 et un 12 de 13/70. Laissé un 10l de 15 60 à – 80m, ainsi qu’un 7l de 35/35 à 36m, un 7l de 50% O2 à 20m et un 7l d’O2 à 6m. Tout ressorti, sauf le 35/35. 166 mn de plongée. Ciel bleu à la sortie.