Expédition « Touvre 1986 » : Le Bouillant
(Angoulème).

Par Philippe Lance.

en 1986 V.Douchet, J.Derijard,P.Lance,C.Touloumdjian, MCamoin,MDebatty (PhotoM.Douchet)

 

Avec la moitié de plomb que pour la dernière tentative faite par Stéfanato, nous partons pour forcer le passage du Bouillant.
Vincent (Douchet) part donc avec 20 kilos environ et moi avec ma ceinture de volume. S'il ne parvient pas, je devrai essayer à mon tour avec ses plombs.

Bi 12l pour chacun. Je laboure le cône, qui mène à –15, avec la gueuse que je dois soulever en prenant appui sur le fond malgré ma bouée en surpression. Ca souffle fort, mais la fonte s'enfonce et il n'y a qu'à fixer la corde qui fouette les alentours. Au-dessus du triangle de la fameuse entrée, elle vibre bien.
Vincent commence à s'arc-bouter, ça fait des bulles. Moi, je m'accroche comme je peux aux rochers, car le flux du courant est dévié. Bloqué par une clef de poignet dans un interstice de 10 cm, je m'efforce d'éclairer, avec un 250 watts, Vincent qui vérifie ses manomètres. Mais le courant trouve naturel de passer par les manchons de ma combinaison et je grelotte.

Je laisse le phare pour ma poignée placée côté descente. J'avale le mou le plus possible de derrière mon rocher, et , dès la traction, le courant me met sur les rails. Instinctivement, je retiens ma respiration, mais je cède rapidement à un halètement consciencieux.
Chaque traction sur le Jumar doit être immédiatement suivie du « ravalement » de 20 cm de progression afin d'avoir le maximum de puissance pour les 20 cm suivants. Un peu comme quelqu'un qui triche en faisant ses tractions tronquées.
De cm en cm, ça dure deux mètres pour sortir de l'ouragan.

Arrivé dans la petite salle que forme la galerie (3 x 3m), je largue ma ceinture pour l'objectif que l'on a à présent : moi, le premier puits, Vincent le deuxième.
Il y a beaucoup de courant, qui empêche, par endroits, de palmer et il faut se tracter sur la roche déchiquetée et sombre.

Court intermède à –40 dans le puits où je me sens emporter vers le Dormant. C'est en fait le même qu'a découvert Vincent, dans lequel le courant fait une spirale.

Deuxième plongée (25/09/1986) : Avec le bi 18l, je dois lâcher la poignée, car, une fois mon masque réajusté, impossible de reprendre prise.

Arrivé au-dessous de l'étroiture, je parque cette fois ma ceinture de palier uniquement.
Action deuxième, j'emboîte le « pas » à Vincent qui vient m'accompagner jusqu'à son terminus de –42, départ d'un énorme puits.
Je vérifie mes manos : y'a du gaz.

Je descends donc en vérifiant poche et inflateur à tour de rôle, dans ce gigantesque tube dont j'ai déjà perdu la moitié du contour.
Ouest, toujours ouest, de ressaut en ressaut à environ 50 degrés.
-80, je lis toujours. Je calcule : OK. Avant de continuer, je vais assurer le fil avec le plomb largable, ça sera toujours ça de fait.

Mais il n'est plus là, la chambre à air sur mon bras droit non plus. Je n'ai pas pensé à prendre les deux anneaux de chambre qui assuraient mes instruments pour ficeler le bobineau. Tant pis !

19 min 34 s. Ca va, je n'ai pas dépassé les 20 minutes. J'enroule quelques mètres de fil pour poser le bobineau sur un méplat.
-42. « Vincent, t'es là ? Ouh ouh ? »
Bon, je continue à me laisser porter et même obligé de freiner quelquefois. C'est drôle, comme en rallye, à calculer les meilleures trajectoires !
Ma ceinture. Je m'aplatis. Slllurp ! ça pousse sec !
-14 et mon premier palier c'est à –15m.

Vincent part pour ses paliers avec l'oxygène en me laissant « l'U.S. book ». Je le rejoins avec la 12 litres « antibulle «  et lui montre le croquis très simple, mais très beau pour moi.