Plongées à la resurgence de Codon (Domme - Dordogne)

Par Philippe Marchive

Articles publiés dans « Spéléo-Dordogne » 4ème trimestre t4-1997 p.18-20
et « Activités du S.C.P. t2-1998 p.11-12.
Publications du Spéléo-Club de Périgueux


Participants : B. et J.-P. Bitard, F.Guichard, J.-F. Leygonie, P. Marchive, J.Meunier + P. Martin et 5 spéléos du S.C.T.L.A.

1997
Cette source, déjà été plongée par P.Pejout il y a 15 ans environ sur une quinzaine de mètres, avait aussi fait l'objet de travaux de coloration, la dernière datant de l'été 97, prouvant notamment la
jonction avec le trou de l'Arc.

Ayant eu connaissance des difficultés rencontrées par Pejout, racines et étroiture d'entrée surtout, aujourd'hui je n'ai que l'intention d'effectuer une reconnaissance pour envisager une plongée plus pointue.
D'après les quelques indications, il semble que la galerie soit très étroite et je ne sais pas s'il est possible de faire demi-tour. Je choisis donc de plonger en mono-6 litres, sans palme pour éviter tout risque d'emmêlage dans ce type de conduit étroit, surtout à reculons.
Cette technique « light » déjà pratiquée, notamment au Puits de Bontemps, s'avérait assez efficace mais a aussi ses limites.
Les spéléos normands se sont employés à dégager l'entrée quelque peu bouchée par les nombreuses crues qui parfois étonnaient par leur débit allant jusqu'à submerger la route en drainant des mètres cubes de sable.
Toujours intéressant d'imaginer ce qu''il peut y avoir derrière.
Je m'immerge, l'eau est claire. J'entrevois l'entrée à deux mètres de profondeur, plutôt étroite, bloc devant, je m'y engage plein rocher, tant mieux. J'avance doucement dans cette étroiture qui se prolonge encore. Quelques contorsions et ça passe assez bien ; ainsi j'ai dù faire 4 à 5 mètres environ, puis, heureusement, la galerie s'agrandit, je ne vois toujours pas ces fameuses racines qui ont pu faire obstacle, peut-être plus loin. Je photographie au maximum tous les détails pensant
reprendre le chemin à reculons. Mais la surprise est plutôt sympathique : la galerie, après 10m de progression, commence à devenir conséquente et je peux envisager un demi-tour. Je me rends compte d'ailleurs que je ne suis pas assez plombé. 1 à 2 kg de plus m'éviteraient de faire le Yo-yo.
Maintenant, c'est dans un siphon e plus d'un mètre de haut sur autant de large que j'évolue sans difficulté.
Tiens ! Là, deux truites Fario une d'à peine 20cm et l'autre a la maille de presque 30cm, elles ont dû être effrayées par le remue-ménage à la source où probablement en cette période elles viennent frayer et profitent de la qualité de l'eau pour assurer la pérennité de l'espèce.
Surprises à nouveau, elles continuent à s'enfoncer dans le siphon et plus vite que moi. On a beau faire, à chacun son milieu. Un coup d'Sil derrière et je m'aperçois que le fond sablo-argileux rend
la visibilité nulle, encore quelques mètres et je ferai demi-tour.
La galerie est simple et je ne peux pas me tromper. Peut-être vingt mètres depuis l'entrée et brusquement la galerie maintenant d'1,5m sur plus d'1 m de large s'arrête net à quelques mètres devant moi : cul de sac. J'observe, mais d'où vient la flotte ? Je lève la tête et, sur la gauche, j'entrevois ne lucarne pénétrable. Je me dis qu'il n'est pas possible qu'un tel débit ne sorte par là. J'avance encore et là, à 90°, la galerie repart derrière un mur. Elle semble pénétrable. Allez, maintenant demi-tour, tant que c'est rectiligne ça va, mais prendre d'autres directions sans fil et en mono deviendrait suicidaire.
Ca touille bien, mais je reviens « tranquillement », bute quelque peu, tâtonne, cherche le passage. Comme on dit, « il n'y a pas de petite plongée spéléo ». Soudain, dans l'étroiture, une chevelure me caresse le visage. Une sirène ? Les voilà les fameuses racines ou plutôt radicelles que je n'avais pas vues à l'aller. Elles ont probablement effleuré mon casque alors que j'avais la tête baissée. Je n'entrevois la lumière du jour que lorsque je suis pratiquement sorti. Un peu plus de cinq minutes sont écoulées et je retrouve l'air libre. Je fais mon compte-rendu. L'avenir est prometteur, ce siphon me semble être celui d'un collecteur principal ayant comme affluent, entre autres, le Trou de l'Arc.
En fait, 40 mètres de dénivelée, potentiel peu négligeable, séparerait le fond du Trou de l'Arc de cette résurgence. Il y a de la place pour de belles galeries. Maintenant, il faut penser à la prochaine plongée.
Techniquement, il faut résoudre le problème de l'étroiture, recapeler derrière avec un matériel adapté ? En ventral ? Ou rester en décapelé, pourquoi pas ? Même à deux, le premier y verrait pour se reéquiper, mais le second rien, aucune visibilité. Pour l'instant, plonger seul serait
préférable de toute façon. Il faut encore travailler la technique pour adapter le matériel, être au mieux pour envisager la suite.

1998
Trois semaines auparavant, une plongée initialement prévue avait été reporte en raison des crues. Même si, en arrivant ce jour-là près de la vasque tout paraissait calme, les quelques 30 mm tombés dans la nuit
laissaient dire à Gaston, habitant du moulin de Codon, que la source allait sortir à pleins tonneaux. Une ou deux heures après notre arrivée, Gaston avait eu raison : ça commençait à dépoter et vers 18h la crue était à son apogée. Vingt ans qu'il y habite le Gaston, il la connaît sa source.
Aujourd'hui, aucun risque de crue, l'eau est belle. Mais je me demande quels dégâts elle a pu produire sur les fils. Toujours en décapelé, mais avec les palmes cette fois, je m'immerge en poussant mes 4 litres à 210 bars. Finalement, avec la chaleur extérieure, là au moins je suis au frais. La corde d'entrée part dans tous les sens, recouverte de sable et de cailloux. J'ai l'impression que ça a déménagé à l'intérieur. En avançant, je relève la tête et un nuage de touille en même temps : bon pour la visibilité. Après quelques mètres, je recapèle et progresse, pas de temps à perdre, je m'attends au pire pour le fil d'Ariane. Après le ressaut, ouf ! Quelques mètres plus loin je peux récupérer mon dévidoir principal. Je coupe, recoupe en petits bouts, c'est démêlé, je repars.
En fait, le fil est complètement enseveli sous une épaisse couche de sable. La morphologie du siphon est bien moins sympathique, et la visibilité (l'eau étant un peu laiteuse) ne dépasse pas deux mètres. De plus, à chaque fois que je dégage le fil, la touille arrive. Tant bien que mal, j'arrive à mon terminus de février dernier, mais impossible d'extirper mon dévidoir de secours pris sous le sable : il faudrait creuser.
Tant pis, je raboute et je déroule. La galerie reste encore tout à fait correcte : 1,5m de haut en moyenne, mais rien à voir avec ce que j'imaginais. Par endroits, des amas de débris végétaux, feuilles, brindilles, jonchent le milieu de la galerie qui part toujours à l'ouest. C'est bientôt une succession de dunes de sable qui à chaque fois créent bosses et creux, bosses qui parfois ont tendance à se rapprocher du plafond et m'obligent à frotter la voûte.
Quand je remonte la pente, j'espère toujours que le siphon va sortir, mais rien, je replonge à nouveau. Pour tout arranger, un gros becquet rocheux au milieu de la galerie me pousse à franchir une étroiture. Je pense au retour sans visibilité et « photographie » l'endroit. Quelques petites niches ou diffluences en plein rocher et rive gauche indiqueraient peut-être quelques écoulements le long de la falaise extérieure.
J'arrive maintenant sur mes tiers. Mon fil métré m'indique que j'ai déroulé plus de 50m, ce qui porterait ce siphon à plus de 100m à présent. Demi-tour après avoir planté le dévidoir. Retour dans la touille totale.
Par endroits, c'est carrément de la boue ; rarement vu aussi sale& Les étroitures ne se franchissent pas mal. Dé&capelage avant la sortie.
Finalement, tout c'est bien passé : une demi-heure aller-retour et 100m de développement. La progression n'est pas rapide, la prochaine fois elle se fera plus vite, en espérant que ce siphon ne se prolonge pas trop, sinon, il faudra envisager d'autres bouteilles.

B., J.-P. + b., C. Bitard, P.Marchive, M.Ozanne + Clément et Juliette.