Grotte du Castillou


Issaux

Coordonnées : X=353,380 Y=85,520 Z=840m
Carte I.G.N.: 1546 ouest.

Développement total : 1870,56m + non topo (70m. siphon du mystère, 40 m. galerie vasque siphonnante, 50 m. gruyère, 30 m. galeries bas et haut du puits de l'Ours)

Dénivelée totale : 180,1 (+59,5m / -120,6)
Azimut principal : 43,08°.

 
Localisation
Coupe Plan
Récit

 

Par Eric Bertrand


Une multitude de club ont été concernés par l'exploration de CASTILLOU


Situation

La grotte se situe dans la partie Est de la Pierre-Saint-Martin, dans la forêt du Syndicat d'Issaux, dans la partie inférieure du système d'Issaux.
Du village de Lees-Athas, gagner le Col de Bouesou. Continuer jusqu'au carrefour du pont de l'Arpet. Redescendre ensuite vers Lourdios pendant quelques lacets. Le sentier d'accès se situe juste dans un tournant gauche en forme d'angle droit. Une possibilité de parking se trouve sur la gauche de la route, juste avant le tournant. Prendre le petit sentier à l'extérieur du tournant. Dès que l'on est passé au-dessus du petit ruisseau (à 10m.de la route), monter sur la droite et suivre le petit thalweg jusqu'au pied de la falaise. La grotte s'ouvre au pied de celle-ci, à l'aplomb d'une faille bien marquée.
Faire attention car l'entrée est très ébouleuse.

Historique

Cette grotte a été découverte par R.Maire et J.-F. Pernette en 1984.
En août 1986, E. Hoenraet (AIRS) plonge en apnée le plan d'eau (voûte siphonnante) terminus de Maire et Pernette. Il découvre 150 m de galerie et est arrêté devant une petite escalade. Il revient ensuite avec des membres du G.S.O. dont J-F Godart et explore la galerie jusqu'au bas du puits de l'Ours d'un côté, et s'arrête devant le siphon du Mystère, où il découvre un morceau de couverture de survie.
Il revient ensuite avec E. Bertrand (G.A.G.), et ils entament les escalades des puits "de l'Ours", "du Belge une fois". A leur terminus dans le puits de l'Ours, ils découvrent un fort courant d'air sortant d'une fissure, ainsi qu'une petite galerie (non topo). En bas, à travers les éboulis, ils découvrent également une petite galerie (non topo). Du côté du puits du Belge Une Fois, ils reviendront l'année suivante et en continueront l'escalade pour s'arrêter sur rien, avec visibilité sur 30 m au moins, grâce à une torche de plongée.

E. Bertrand découvre "l'accès Rivière" qu'ils explorent jusqu'au Yo-Yo en aval et jusqu'au terminus en amont. Degouve et Godart topographient celle-ci et repèrent la perte aval de la rivière et la reconnaissent impénétrable. Les deux Belges accompagnés de J.-F. Godart continueront ensuite l'exploration du Yo-Yo jusqu'au S2.
Lors des séances de topographie, Bertrand et Hoenraet reconnaissent le réseau du Gruyère (réseau ébouleux situé un peu plus loin que le bas de la "Grande OPPO"). Ce réseau non topographié à ce jour renferme un siphon boueux non plongé.

E.Hoenraet plonge le siphon du Mystère et le reconnaît sur 70 m pour -17 maximum. Impossible de sortir car pincement vertical.
Quelques jours plus tard, Eric Bertrand plonge le S2 en bas de la Dévia queute et, après une escalade de 8m, découvre la galerie des Pollueurs (nom donné suite à la découverte de chaux de carbure de calcium que nous avions déposé dans cette galerie croyant qu'elle partirait avec les crues et que nous avons revue l'année suivante). Il s'arrête avec stupéfaction devant un puits. Excité par le bruit d'une rivière qu'il entend en bas, il hésite à descendre en désescalade car il n'y a pas le moindre caillou pour le sonder. Avec de mauvaises lampes, il estime ce puits à une vingtaine de mètres tout au plus.
Il revient ensuite topographier avec Hoenraet et commence la descente du puits. Arrêt sur corde trop courte malgré un raboutage de fortune qui nous fait encore gagner 8 m.
L'exploration de ce puits est donc "une véritable histoire belge" et elle ne fait que de commencer.
Avant cette fois estimé ce puits à 60 mètres, E. Bertrand revient avec J-F Godart avec une corde de plus de 70 mètres. Un équipement sommaire les conduira à une dizaine des mètres du fond. Le matériel topo continuera l'explo seul.
Ils reviennent ensuite avec une corde de 90 m., cette fois, qui s'avère suffisante pour leur permettre de découvrir le S3.
L'année suivante, de gros moyens ( pour ce type de cavité) sont mis en oeuvre pour porter le matériel de plongée jusqu'à ce siphon. Il faut en effet trouver des spéléos, non plongeurs et plongeurs, candidats à l'apnée dans une espèce de café au lait. Il y aura beaucoup d'appelés mais peu d'élus. Georges Delaire (S.C. La Corde), le plus fidèle porteur de Castillou, réunira cette fois l'équipe de choc qui emmènera le matos de plongée jusqu'au S2. Bertrand et Godart continueront seuls derrière ce siphon et rééquiperont le puits d'Une Histoire Belge. Là, Eric Bertrand plongera le S3, profondeur maximale de 9 mètres, arrêt à 70 mètres de l'entrée. Il s'arrête à cause du froid et laisse une soixantaine de mètres de fil d'Ariane, dévidoir éclaté, dans ce siphon "grand, beau, large et clair". Ils en profitent pour colorer le siphon. (Voir Hydrologie)
En août 1994, Delaire et Bertrand iront, suivant la demande, colorer la rivière au niveau de sa perte (juste avant le Yo-Yo).
Au retour, Delaire explore sur environ 40 mètres une galerie basse a moitié remplie d'eau et s'arrête sur rien (non topo). Cette galerie se situe juste après la voûte siphonnante (dans le sens entrée vers fond). En 1995, l'espoir est né de pouvoir à nouveau plonger le S3 et le continuer dans de meilleures conditions. Une collaboration avec d'autres clubs devrait être payante. Un équipement avec Stéphane Vogrig, Alain Perré, et Eric Bertrand est donc mis en oeuvre. Corde de 90m, trousse à spit, et deux biberons nous transformeront une fois encore en bête de somme. Mais la relève n'arrive pas, bien que le trou ait été rééquipé. La mort dans l'âme et après bien des péripéties, Bertrand, Vogrig et S. Latapie vont récupérer l'équipement. Qu'auraient dit les membres du G.A.G. si nous avions laissé les cordes au fond, comme le préconisait Henry? Pour un an... Bof! Notre conscience pour le bien-être du club nous poussera à y retourner. Là, Serge L., curieux, descendra le puits de la Dévia queute (terminus habituel pour les non-plongeurs) et constatera qu'il y a une corde en plein milieu de la Galerie... Le siphon a disparu (5m d'eau en moins) et la galerie est accessible aux spéléos. MAIS ILS NE SONT PAS LÀ...
Ceci nous prouve encore que nous avons bien à faire a une galerie suspendue, qui ne sert qu'en cas de crue. Ce jour-là, il y avait une différence d'environ 5 m. par rapport au niveau maximum observé. Il n'empêche que ce siphon est bien perché 60 m plus haut que le S3.
Une chose est certaine, il faut maintenant attendre d'excellentes conditions météo si on veut éviter un portage par des spéléo-plongeurs.

Description

1. Entre Siphon du Mystère et Carrefour et zone des puits.
En août 1986, le siphon du mystère nous montrait qu'il recrachait des morceaux de couverture de survie. A l'époque, nous avions cru à une jonction avec le DS30 ou le B3. A la vue actuelle de la topo globale, c'est impossible. Le mystère reste donc entier.
En juillet 87, un régime de crue (les Oueils débordaient suite à 15 jours de pluie et d'orage) nous montrait une remarquable montée d'eau. Cette galerie présentait deux grosses douches froides et en arrivant à la vasque, nous nous sommes arrêtés devant un siphon, là où l'année précédente, nous continuions à pied sec. De plus, l'arrivée d'eau du puits "du Belge une fois" avait doublé de volume, tandis qu'une autre arrivée d'eau descendait du puits de l'Ours.
La totalité des eaux de ce secteur se perdait dans un point bas rempli d'éboulis.
Conclusion : les eaux de cette zone proviennent très certainement de l'ensemble des gouffres situés en amont, à savoir, zone AC et PT.


2.Rivière
Elle correspond à l'étage situé juste en dessous de la partie entrée-carrefour.
De 10 à 20 litres/s en temps normal, en cas de crue, elle laisse des traces à plusieurs mètres du sol (traces d'écumes, tonches dans les cordes etc.).
Sortant en amont d'une fissure impénétrable, elle rentre 150 mètres plus loin dans une autre fracture tout aussi impénétrable.
On ne la retrouve pas avant le S3. Il est fort probable qu'elle mettra 3 heures pour parcourir quelques centaines de mètres entre sa perte et le S3, pour 100 m de dénivelé.
En cas de crue, une arrivée d'eau importante située 10 m avant le fond de l'accès remplit la vasque et rend impossible l'accès à la rivière.
Quant au siphon 2 (15 m. /-3), d'une longueur ridicule et d'une profondeur tout aussi ridicule, il nous a rendus encore plus ridicules en se désamorçant totalement en 1995. Son niveau fluctue d'année en année. C'est donc bien un siphon suspendu présentant une petite perte.
En forme de trou de serrure, il débouche sur une escalade de 8 mètres, recouverte de concrétions pourries. Audessus, un méandre non exploré à ce jour laisse s'écouler un filet d'eau qui doit correspondre, dans l'étage d'entrée, à la perte qui sert au désiphonnage de la vasque mouillante.
Au-delà, 250 mètres de galerie (Galerie des pollueurs) présentent des fluctuations d'eau en période de basses eaux d'étiage de lm5O quand même. Le tout débouchant dans un énorme puits de 70 m de haut (Puits de l'Histoire Belge). Juste de l'autre côté du siphon, les parois présentent de grands coups de gouges de plus de 30 cm, preuve d'un écoulement lent dans cette zone.
Il est fort probable que cette galerie soit active en temps de crue et déborde dans le grand puits sans pour autant le remplir. Elle servirait donc de trop plein à la rivière. Quant au puits, il a certainement présenté une double activité comme en témoignent les piles d'Assiettes et la galerie perçant un plancher et ressortant en contrebas. Conclusion : La rivière de Castillou ne correspondrait pas à un niveau de base, et serait une rivière suspendue.
Niveau de base par excellence, celui-ci ne fluctue pas énormément. Nous avons retrouvé le matos topo là où il était tombé alors que le réseau avait subi une crue.
Le siphon a été exploré sur 70 m à -9m de profondeur. Il est beau, grand (2m de haut), large (4 m de large) et clair à l'aller (au retour l m de visibilité). II présente plusieurs ramifications inexplorées à ce jour. La fluoréscéine injectée à cet endroit a mis environ 25 heures avant de ressortir dans les griffons du chemin des Oueils.

Accidents et incidents

1. Dans les années 1992, l'équipe de J-P Hoelvoet tentera de continuer l'escalade du puits du Belge Une Fois. Malheureusement, un des équipiers dévissera au terminus de Bertrand et Hoenraet, croyant pouvoir continuer en libre sur quelques mètres de plus.
Résultat : 4 dents en moins, une lèvre fendue sur 4 cm, une cheville éclatée. L'auto-secours de l'équipe est à souligner de même que le courage de la victime qui repassera la voûte siphonnante en apnée.
2. Lors des portages de bouteilles pour l'exploration du S3, un porteur (Laurent Lecoq) se foulera une cheville.
L'auto secours fera encore ses preuves et mettra l'équipe de porteurs à rude épreuve une nouvelle fois.

Géologie

Il semblerait que l'on se trouve dans le Turonien, calcaire à canyons.
L'entrée de Castillou se trouve sur le chevauchement, et d'après J. Bauer, sur une faille.
Pour preuve, tous les "Poissons", brèches de faille, laminolythe, etc. que l'on retrouve dans la partie d'entrée.
Le réseau présente deux étages impeccablement superposés suivant un axe de 120 degrés. La galerie des Pollueurs (post-S2) présente des traces évidentes de néo-tectonique sous la forme de décrochement de galerie (axe de 230°). Rappelons que cette galerie suit un axe quasi perpendiculaire par rapport à l'ensemble précédemment connu du réseau.
Quant au puits d'une "Histoire Belge", celui-ci présente également des "poissons", résidus tectoniques d'une faille importante et dont l'axe est identique à celui du décalage (néo-tectonique?) de la galerie des Pollueurs. Cette grotte doit être en relation directe (à découvrir) avec le gouffre de l'AC1, ainsi que les P. T. situés juste à l'aplomb du siphon du mystère.

Hydrologie

Cette cavité renferme des écoulements superficiels, ainsi qu'une rivière dont le débit doit être approximativement de 201./seconde en temps normal.
Elle se présente en étages dont certains (entrée =>carrefour) sont devenus fossiles.
La partie entre le siphon du mystère et le Carrefour s'amorce en cas de crue, de même que l'accès rivière. Cette dernière subit également de grandes différences de débit en temps de crue. L'accès rivière siphonne et la rivière elle-même présente des traces d'écume au plafond après la crue. On serait donc dans une zone de battement. Quant à la zone S3. il s'agit plus que probablement de la zone piézométrique.
Mieux vaut ne pas s'y trouver en cas de crue.

Paléo-hydrologie
Cette cavité a dû fonctionner comme émergence entre le "Carrefour et l'entrée". Pour preuve, les innombrables vagues d'érosion de cette partie sèche. Cette partie a fonctionné en écoulement libre : témoin, la présence d'anciennes marmites de géant, et elle a présenté à un moment un ensemble de siphons sans écoulement comme en témoignent les concrétionnements montrant la limite supérieure des eaux.
Au niveau du carrefour, un shunt a permis de découvrir le même genre de galets roulés pris dans un ciment tout comme à Alhaïs.
La caractéristique de cette cavité est certainement les innombrables coups de gouge.
De petites taille à l'entrée, ils sont de taille moyenne dans la partie supérieure (entrée => carrefour) ceux-ci dépassent les 30 cm de l'autre côté du S2.
D'autre part, dans la galerie des Pollueurs (post S2) nous avons pu remarquer un phénomène de corrosion qui marque la limite supérieure d'une vasque quand celle-ci est remplie. En effet, une gouge de 3 cm de large pour 2 cm de profondeur délimite le niveau d'eau. L'eau serait-elle plus acide en surface? Est-ce dû à un échange gazeux selon certaines lois bien connues qui rendrait l'eau de surface plus acide et qui permettrait cette corrosion particulière ? Nos amis scientifiques pourront encore nous apporter la solution, je l'espère.


Conclusion

Il est probable qu'à l'origine, la circulation était dans le sens Siphon du Mystère /Entrée actuelle avec capture.
Un approfondissement du niveau de base pourrait donner la rivière actuelle avec capture des eaux par le siphon 3. Là, la différence avec le niveau de base (les Oueils) est d'environ 47m. Doucement on glisserait donc dans la zone noyée.
Sédimentologie
Peu de sédiments, sinon un concrétionnement de toute beauté dans la partie d'entrée et jusqu'à la « Grande Oppo » paroi en coups de gouge recouverte de calcite, excentriques, draperies ...
Galets roulés fixés en parois (shunt du Carrefour).
Présence d'un crâne d'ours moderne (intact) en bas du puits de l'ours (preuve d'une communication avec la surface relativement récente mais actuellement obstruée). Le dessus du puits de l'ours est en effet recouvert fortement d'argile.
Biospéléologie
Dans la zone d'entrée, en 1986, il y avait énormément de phriganes, de méta ménardi, ainsi que des scolioptérix triphosa. Depuis, ces espèces se raréfient d'année en année.
Hypothèse
Contrairement à ce que nous avions cru au départ, Castillou pourrait bien être une rivière tout à fait indépendante des autres rivières du système d'Issaux.
Elle collecterait donc les eaux des gouffres situés à l'est du système et serait peut-être même la limite extrême est de ce système.
Pour preuve, les colorations de la rivière et du siphon sont ressorties lentement, et sans contaminer les fluocapteurs de la pisciculture de Lees-Athas, ni même ceux de l'Arpet.
Seuls ceux des griffons en bordure du chemin ont été atteints et ceux du gave (carrefour du ruisseau des Arrigaux).