René HEUZEY

par Marc Douchet

Après une séance de prise de vue pour l'émission H²O de TMC, le cameraman subaquatique René HEUZEY devait nous filmer dans la traversée du barrage par les buses qui le traversent de part en part vers -6. Le courant y est tellement violent que dès que nous présentons, nous sommes littéralement aspirés et chassés en aval du barrage. Ce jour là, le courant était particulièrement violent. René se collait contre le barrage sans prêter cas à une deuxième buse à quelques mètres de la première. Il filmait l'action quand il fut aspiré en marche arrière par la buse qu'il n'avait pas vue. Son principal souci fut de protéger la camera en retournant l'objectif contre lui pendant qu'elle tournait. Le making-off de l'émission eut d'ailleurs un plus grand succès que l'émission elle-même.

Après mon passage dans la buse avec la satisfaction d'avoir participé à une prise de vue originale doublé du plaisir que peut procurer un tour de manège à décoiffer, je faisais surface dans la vasque aval du barrage. Touloum inquiet me demanda qui était passé avec moi sûr qu'il était d'avoir vu deux lumières différentes franchir le barrage. Je fus assez surpris de son assurance car à ma connaissance personne d'autre n'était sensé me suivre. J'étais dans l'expectative quand un brouhaha se fit entendre coté amont.
- " René s'est fait aspirer par le renard ! Il a disparu ! ".
Claude avait raison. Il avait vu un deuxième plongeur, cela faisait plus de 5 minutes de cela.
- " Vite ! Passez-moi un touret ! ".
Quelques secondes plus tard, je deroulai le fil à la recherche de René. Rien ! Je ne voyais aucune trace de lui. A un peu plus de 100 m du barrage enfin je vis une lueur immobile. Au fur et à mesure que je m'approchai de la lumière, je retenais mon souffle, je craignais le pire. A deux ou trois mètres de la lampe qui me fixait, je vis enfin René, mais plus encore, je vis ses bulles, il était en vie. Il se tenait bloqué sur un restant d'échafaudage planté dans la glaise. Ses bras enlaçaient sa caméra comme une mère le ferait avec son enfant. On eut dit que la vie de sa caméra avait la même valeur que la sienne. Soulagé, je ne fis pas immédiatement attention aux signes de détresse qu'il me faisait désespérément. Il m'a fallu un certain temps avant de réagir et de comprendre qu'il n'avait plus d'air. Prestement je lui tendis un détendeur qu'il aspira avec bonheur. Il était vivant. Nous avions de l'air. Mais nous n'étions pas encore sortis de nos peines, il fallait réussir à remonter le courant démentiel jusqu'au barrage en se tenant près l'un de l'autre à cause du détendeur. René tenait toujours sa caméra. Nous essayons de progresser en vain à la palme. René ayant perdu une des siennes dans son périple, à trois palmes pour quatre pieds c'était sans espoir. Nous ne pouvions pas non plus prendre le risque de quitter le flot du courant en essayant une rive ou l'autre de la rivière. Nous étions obligés de suivre le fil que j'avais déroulé pour aller à sa recherche. De guerre lasse, et au grand dam de René, je lui arrachai son enfant des mains pour la clipser sur le fil. Allégés la progression était devenue plus facile. Finalement c'est en nous agrippant au plafond que nous sommes arrivés à retrouver la surface. A peine eûmes-nous fait surface que René lançait :
-" Donnez-moi un bi afin que j'aille récupérer ma caméra ! ".
Il était plus simple d'aller moi-même la chercher. Ce que je fis pendant qu'il se remettait de ses émotions.