GOULE DE SAUVAS - EVENT DE PEYREJAL

( 07 - SAINT-ANDRE-.DE-CRUZIERES )

par Denis LORRAIN

paru dans le bulletin n°3 du GRPS - 1974
Groupe Rhodanien d Plongées Souterraines

 


Dans le département de l'Ardèche, l'éventail de nos explorations en plongée souterraine est assez large.

L'une d'elles reste toutefois prioritaire : LA JONCTION SAUVAS - PEYREJAL,

Ces deux cavités ont déjà fait l'objet de diverses publications (voir bibliographie).

Le présent article a pour but :


DE 1969 A 1970
2;2 Km de saler e sont topographiées derrière le premier siphon de PEYREJAL (SP1). L'exploration nous amène vers un deuxième siphon (SP2).

Une plongée dans ce dernier est effectuée en 1970 par Guy BOYER et Georges EROME. Après 50 mètres de progression, ils sont stoppés par une étroite chatière provoquée par un remplissage massif de sable et de galets.

Pas question de désobstruer (il aurait fallu une Poclain). C'était un premier échec.

1971
Le premier siphon de la Goule de SAUVAS (SG1) est franchi et 780 mètres de galeries sont topographiées. Arrêt sur deux nouveaux siphons (SG2 et SG3).

1972
Nous tentons le franchissement de SG2 - grosse déception pour nous tous.

En effet, après plusieurs heures de progression pénible, compte tenu du matériel que nous devons transporter, le deuxième siphon de la Goule, s'avère infranchissable, ceci après une progression d'une dizaine de mètres. Un bouchon de sable et de galets nous barre une nouvelle fois, irrémédiablement la continuation. Quinze heures plus tard, nous ressortons, vidés moralement en raison du faible résultat obtenu après tant d'efforts.

C'est en cette même année que l'entrée artificielle courcircuitant le premier siphon de PEYREJAL (SP1) est percée grâce aux efforts conjugués du S.C. des VANS et de notre groupe.

1973 (du 28 Juillet au 5 Aout)
Comme je l'ai dit plus haut, en 1970 Georges et Guy étaient bloqués dans SP2 au terme de cinquante mètres de progression.
Nous espérions cette fois, que des crues auraient fait disparaître le bouchon, rencontré par nos deux copains.

- Le lundi 30, nous décidons une première tentative.. L'acheminement du matériel se fait rapidement par l'ensemble du groupe à travers les 800 mètres de galeries conduisant à SP2.

A pied d'oeuvre : quatre plongeurs, Daniel BOLAND (dit NUNUS), Marcel ERONE, Henri PROTTO, Denis LORRAIN.

Après les derniers préparatifs, Marcel et Daniel effectuent une première plongée. Le remplissage n'existe plus, com-me nous l'espérions et nos copains débouchent après 65 mètres de siphon. La salle dans laquelle ils se trouvent est assez large (six à sept mètres) mais basse (1,5 mètres). Cette salle virant presque à 90° fait approximativement dix mètres de long et à nouveau le si-phon reprend ses droits.

L'exploration de ce troisième siphon (SP3) est immédiatement entreprise par les mêmes plongeurs appuyés par Henri. Ils progressent de 100 mètres mais à bout de câble, doivent émettre le signal retour. Pourtant, comme ils nous le diront ensuite, il s'en fallait de peu pour qu'ils puissent déboucher.
Cette fois personne n'est déçu.

Le Mardi 31 Juillet, le Mercredi 1er et le Jeudi 2 Août, le ciel nuageux nous faisant craindre les orages, nous ne nous engageons pas dans PEYREJAL (voir cuisinière " collée " à la voute de SAUVAS)

Par contre, le Vendredi 3 le temps semble très sûr. Vers 10 heures nous entrons dans PEYREJAL par l'entrée artificielle à l'exception des quatre plongeurs : Daniel BOLLAND, Yves JESSAUII, Georges EROME, Denis LORRAIN, qui passent par le premier siphon (SP1) afin d'éviter l'acheminement de certain matériel par la diaclase aboutissant dans la galerie principale de PEYREJAL.


DEROULEMENT DE L'EXPLORATION
Daniel et Georges franchissent SP2 jusqu'à la salle rencontrée le Lundi 30. Par notre code d'impulsions lumineuses ils invitent Yves et Denis à les rejoindre. Tous quatre se retrouvent ainsi dans la salle. Là, Yves et Denis ramènent à eux une grande longueur de câble. Georges et Daniel s'engagent dans le troisième siphon (SP3). Yves et Denis attendent dans l'obscurité (les phares électriques sont éteints pour économiser les piles). Denis laisse filer spire par spire la bobine de câble qu'il tient dans ses mains.

L'attente est longue et comment décrire les sentiments qui nous animent en de tels instants.

Les copains sont partis dans l'inconnu et l'on ne tient d'eux que ce câble filant dans l'obscurité: Je pensa que c'est dans ces moments-là qu'ils nous deviennent très chers.

Georges et Daniel franchissent SP3. Yves et Denis s'immergent à leur tour. Ce troisième siphon, pour le réseau, est assez long (105 mètres) et ce n'est qu'après cinq bonnes minutes qu'ils retrouvent Georges et Daniel.

L'équipe se met immédiatement au travail.

Georges s'occupe de prendre des notes, Daniel sert la boussole, tandis que Denis relève les distances et marque les points de visée sur le sol. Yves reste sur place, en liaison téléphonique avec les copains restés près du dérouleur.

Je pense que nous devons ici, remercier Yves qui, sans discuter, s'est préparé à une longue attente en solitaire. Lorsque nous reviendrons plus tard, nous nous apercevrons qu'il avait commencé à ronger, avec ses dents le câble du dérouleur, pour essayer de réparer une panne de notre système de communication...

Au départ nous topographions 50 mètres de galeries et arrivons bêtement devant ... un passage noyé.

" Tuile ". Est-ce un nouveau siphon ?
Daniel s'attache la corde topo à un poignet et plonge. Le conduit est immergé sur quatre mètres seulement pour finir par une voute mouillante longue de six mètres environ. Ensuite, nouvelles galeries sèches.
Nous passons tous trois derrière ce mini siphon (SP4). La galerie a de bonnes dimensions, en moyenne 3 X 2 mètres, parfois largement dépassées. Le sol est recouvert d'un sable noirâtre, grossier et de galets.
Pendant deux heures nous topographions cet unique conduit. Il n'y a aucune bifurcation mais de temps à autre, des cheminées. Nous n'avons pas pu nous occuper de ces voies remontantes mais peut-être pour certaines, y a-t-il quelque possibilité d'exploration intéressante.
N'étant pas un érudit de karstologie, je ne peux pas décrire la galerie en termes scientifiques.
Je dirai simplement que nous vivons une aventure peu commune et que nous éprouvons des sentiments de fierté mêlés à un profond respect et aussi sûrement un peu d'angoisse envers notre présence en ces lieux.

Essouflés, car nous allons vite, visée par visée, nous progressons avec une relative facilité. Seules quelques étroitures et de petits éboulis nous causent des difficultés de topo. Il semble que rien ne peut nous arrêter et que nous allons enfin atteindre notre but : réaliser la jonction PEYREJAL - SAUVAS
Malheureusement tout a une fin.
Nous arrivons près d'un chaos constitué par d'énormes blocs accrochés dans tous les sens. Par endroit, de simples petites pierrailles vérouillent à elles seules, des dalles monstrueuses.
Il n'est plus question de topographie. Avec beaucoup de circonspection,nous commençons à escalader ce terrible effondrement car il est indispensable de savoir si ensuite nous pourrons continuer dans une galerie redevenue saine.
Appréhendant à tout instant la chute d'un rocher, Denis s'infiltre à travers ces blocs sur quelques mètres et aperçoit une étroiture remplie d'eau.
Est-ce une vouto mouillante ou un nouveau siphon ? On ne saurait répondre. Mais c'est là le terminus définitif car il est impensable de chercher à passer au milieu de cet enchevétrement dont la stabilité semble très douteuse.
En faisant le moins de bruit possible, de peur d'€tre écrabouillée par des blocs pesant des tonnes, l'équipe rebrousse chemin. La frousse aidant, nous nous éloignons rapidement de cet endroit démentiel.


CONCLUSION

Ce camp de vacances n'a pas été de tout repos pour nous. Nous avons pu ajouter trois nouveaux siphons et 450 mètres de galeries vierges à ce magnifique réseau. Au total 620 mètres dont 170 immergés.

La distance qui sépare désormais SAUVAS à PEYREJAL est très faible (50 à. 200 mètres). La jonction ne pourra se faire qu'en partant de la Goule de SAUVAS. En effet, le remplissage de SG2 a pu être évacué par une ou plusieurs crues.

Si elle est réussie, elle mettra en évidence l'existence d'une nouvelle grande cavité Ardéchoise d'un dévelop-pement supérieur à 8Km.

Notre intention est bien de replonger SG2 pour en avoir le coeur net.

Je me contenterai pour l'instant de souhaiter reparler de cette jonction sur notre prochain bulletin.

Peut-être pourrons nous alors répondre à beaucoup-.de questions et annoncer la réussite ou l'échec du but que nous nous sommes fixés.


Denis LORRAIN


BIBLIOGRAPHIE

MARTEL E.A. - La France Ignorée - Tome 2 380 pages (p. 132).
BALAZUC (Pr J) - Spéléologie du département de l'Ardèche 1956.
SPELUNCA n° 1 - 1969 (p. 10), n° 1 - 1970 (p. 60), n° 3 - 1972 (p. 73 à 77), n° 3 - 1973 (p. 92 et 93)

SPELEOS n° 74 numéro spécial (p. 7 à 14) du XII Congrès Inter-Clubs Rhône-Alpes.

SPELEOLOGIE DOSSIER (bulletin CDS Rhône) n° 2 (7p), no 3 (1p), n° 8 (3p)

Bulletin G.R.P.S. n° 1 janvier 1971, n° 2 - 1973 - 22 pages.

SCHEMA CHRONOLOGIQUE

  (AVANT 1969)


PEYREJAL : LACROUX -
franchissent le siphon SP1 et commencent à pénétrer le réseau.

( 1969 - 1970 )


PEYREJAL : 2200 m de galeries découvertes derrière le siphon SP1 sont topographiées.

Echec devant le siphon SP2 obstrué par des galets.



 

( 1971 )


SAUVAS : Franchissement du siphon SG1 et exploration de 780 m de galeries.

Arrêt sur 2 siphons SG2 et SG3.



( 1972 )

SAUVAS : Échec devant le siphon SG2 entièrement obstrué par des galets.

PEYREJAL : Localisation précise d'une diaclase remontée sur 38 m.
Par la suite, travaux du S.C. des VANS :
- creusement d'un puits artificiel courcircuitant SP1.
- exploration et topographie de 3500 m de galeries nouvelles.


 

( 1973 )


PEYREJAL : Franchissement des siphons SP2, SP3, SP4.

Exploration et topographie de 630 m de galeries nouvelles (inondées ou éxondées).

Arrêt sur éboulement très instable.