Scialet du Satyre

Exploration 2006

par Laurent Tarazona

 

 

Trois années déjà depuis ma dernière exploration. Des évènements personnels m'ont un peu éloigné des gros objectifs, mais l'image de ce S16 vierge reste bien présente.

Fin mai, avec Xavier Robert, nous équipons le scialet jusqu'à la rivière. Il ne reste plus qu'à porter les charges ! Ce sera chose faite en deux sorties dont la première avec mon frère Eric lors de laquelle nous descendront 2 bouteilles de 7 litres, 4 bouteilles de 3 litres et du petit matériel.

Une deuxième descente seul me permettra d'amener 2 bouteilles de 6 litres et du petit matériel et une troisième descente, la veille de la pointe me permettra d'amener mon sherpa rempli de matériel perso (détendeurs, dévidoirs, bouffe, carbure…) et de préparer l'explo du lendemain (montage du bi, préparation des détendeurs…).

17 juin 2006 : Michel Guis m'a rejoint la veille et c'est après une nuit pluvieuse sur Font d'Urle que nous nous engageons dans le scialet à 8H00. Comme avant chaque explo de ce type, nous avons mal dormi et avons du mal à contenir nos angoisses. De longues années d'explorations communes ont toutefois soudé notre binôme et cette confiance mutuelle joue un rôle important pour le moral. Nous descendons avec nous deux gros kits avec le matériel de Michel. Les passages s'enchaînent rapidement et, malgré quelques endroits intimes, nous parvenons à la rivière en 45min. La préparation est facilitée par mon passage de la veille, et à 10H00 nous sommes tous deux fin prêts dans la vasque.

Pour faire la pointe dans le S16, nous partirons chacun avec une bouteille de 7 litres (que nous laisserons après le S9), une bouteille de 6 litres jusqu'au S13 et un bi trois litres pour les S14, S15 et le S16. La redondance d'une telle configuration est quelque peu contestable, mais nous avons mis tous les atouts de notre côté (7l et 3l gonflées à 260 bars…je précise que la pression de service de ces bouteilles est de 232 bars, et 6 l gonflée à 235 bars) et nous sommes deux.

Dernières vérifications, nous voilà partis.

Les premiers siphons sont relativement courts et peu profonds, ponctués par de brefs passages à l'air libre nécessitant parfois d'enlever les palmes et parfois de faire un aller retour (avant le S4) pour acheminer les bouteilles de trois litres que nous portons en relais.

Le premier siphon « conséquent » est le S9. Il mesure 150m pour une profondeur maximale de 17m. L'entrée et la sortie se font par des puits noyés lisses nécessitant un bon équilibrage (d'où l'obligation d'avoir un gilet stabilisateur).

La sortie du S9 se fait en rampant sur 1 m dans un conduit de 1m de diamètre. Juste après, nous posons notre bouteille de 7l, ré-organisons nos charges et repartons.

Le S10 est très ponctuel (2m) et un ressaut de 2m lui fait suite. La descente ne pose pas de problème particulier, il suffit de se laisser glisser (pas trop vite quand même car c'est vertical !!).

Ensuite, sur 50m environ, la rivière est agréable et propre bien que jamais très large. Nous franchissons encore 2 ressauts et arrivons sur le S11.

Celui-ci est court et le S12 enchaîne directement. Le S12 mesure 170m pour 15m de profondeur. Il est taillé dans la roche vive et est assez tortueux, mais agréable à parcourir. Le S13 lui fait directement suite.

Derrière le S13, nous abandonnons nos stabs, notre 6l et partons en configuration légère avec chacun notre bi 3 litres et un bout de corde de 20m qui nous aidera à faire passer les charges et éventuellement à équiper des ressauts derrière le S16.

10m après la sortie du S13, une étroiture à mi hauteur dans les concrétions oblige à quelques contorsions. Néanmoins, en 2003 avec Frédo, nous y avions mis quelques coups de massettes « bien sentis » afin de la rendre plus agréable ! Nous pouvons donc passer sans retirer le haut de la combi. A partir de là, il nous faut faire passer nos charges dans des conduits jamais très larges. Toutefois, nous progressons assez vite et atteignons le S14 sans encombre.

S14 et S15 sont assez courts : respectivement 25 et 35m de long pour 5 m de profondeur, ce qui nous permet de ne pas gaspiller notre air précieux. Juste à la sortie du S15, un ressaut cascadant de 5 m nous oblige à descendre nos charge avec la corde, puis une centaine de mètres de galerie à taille « humaine » nous amène au bord du S16.

A ce niveau, on observe des traces de mise en charge du réseau (env 2m) caractérisées par des dépôts de boue sur les parois. C'est le seul endroit du gouffre où de telles traces sont visibles. Nous préparons notre matériel et faisons le point sur la plongée, étant relativement confiant dans le fait que ce siphon ne doit pas être bien long (c'est ce qu'on appelle l'intuition masculine !!!!). Dans le cas contraire, nous ferons demi-tour sur nos tiers (en comptant les consommations du S14 et du S15 bien sûr).

Je pars en premier tandis que Michel me suit de près en amarrant le fil. Le siphon est ramifié, mais les passages sont suffisamment larges pour ne pas hésiter. La première partie se déroule vers 8 m de profondeur, puis, à la faveur d'une chicane, une pente nous amène à –15m. A cette profondeur, la consommation d'air devient plus importante et l'autonomie de notre bi 3 litres va en prendre un coup si on ne ressort pas rapidement. Au bout de 90m, Michel me fait signe qu'il a atteint sa limite et fait demi-tour. De mon côté, il me reste 30 bars et je continue à dérouler le fil en espérant une sortie proche.

Malheureusement, ça ne sera pas le cas et je devrai me résigner à attacher le fil au bout de 120m à 10m de profondeur alors que le conduit noyé continue devant moi….c'est râlant, mais on ne transige pas avec la sécurité, surtout dans ce type d'exploration où une opération de secours serait plus que difficile. Je ressors donc au bout de 19min de plongée en grelottant de froid.

Nous restons 15 min assis en essayant de nous réchauffer un peu, puis repartons vers la sortie. Le retour se passera sans encombre. Nous ferons une pause déjeuner au bord du S13 (jambon cru, fromage, pain détrempé…) et sortirons finalement dans la vasque du S1 à 19H30 après avoir passé 9H00 en post siphon. Nous savons que la sortie est encore loin car il va nous falloir conditionner les 9 charges et les remonter jusqu'à la base de puits. Aussi, nous prenons notre temps, nous restaurons à nouveau, buvons des boissons chaudes et ce n'est que vers 21H00 que nous entamons la remontée des 9 kits.

Dans le boyau horizontal du bas, c'est de la rigolade, il suffit de tous les attacher et de tirer. Par contre, dans le P5 et le boyau étroit amenant à la base des puits, c'est moins amusant et nous sommes obligés de faire des aller retours puis de tracter les kits dans l'étroiture verticale. Au total, nous mettrons 1H30.

Pour remonter les puits, nous nous chargeons chacun d'un sherpa et d'un gros kits afin d'en laisser le moins possible pour les deux sorties de déséquipement où nous risquons d'être seuls.

Dans le deuxième puits, sous la charge, une boucle plastique de mon torse rend l'âme…je dois avouer que quelques hurlements primaires ont retentit longuement dans le gouffre !!! Une fois défoulé, j'ai déballé mon sherpa et me suis refait un torse avec deux sangles à clicquets, ce qui m'a permis de continuer sans trop de problème. La progression est lente avec nos charges qui nous semblent de plus en plus lourdes. Vient le passage de la diaclase oblique où nous tractons les kits avec une corde…heureusement, rien ne coince !

C'est finalement le dimanche matin à 1H30 que nous sortirons fatigués mais heureux. La remontée des autres charges et le déséquipement du gouffres seront effectués le WE suivant lors d'une sortie en solitaire et d'une ultime descente avec Michel.

Perspectives : La plongée du S16 reste envisageable pour un plongeur en Bi 3L avec un relais de 4 l , même si une charge supplémentaire est un élément fortement pénalisant pour la progression (on avait déjà 4 bouteilles chacun jusqu'à la sortie du S9). La proximité du collecteur du Cholet fait de moins en moins de doute et la configuration du S16 est rassurante quant à la dimension et à la clarté des conduits noyés.

Prochaine exploration prévue au printemps 2007 après la fonte des neiges.

Remerciements :

Un grand MERCI à Xavier Robert pour m'avoir aidé à équiper le gouffre et à Eric Tarazona pour avoir participé à la descente des charges de plongées.

Un grand MERCI également à mon épouse Catherine pour supporter mes absences régulières lors de ces projets importants et mes « lubies » qui ne vont pas en s'arrangeant.