LE RESEAU NOYE DE LA GROTTE DE THAIS
ST NAZAIRE EN ROYANS - DROME

par Yves JESSAUME & Henri PROTTO

GRPS - 1974

 

Il y a déjà un bon nombre d'années que nous travaillons sur ce réseau et que nous plongeons dans les siphons de THAIS. Mais comme le dit si justement notre ami JEAN-BAPTISTE à propos de BANGE : "Nous avons le temps".
THAIS aura connu toutes les époques de notre Groupe :

- les débuts, nos premières expériences de la plongée souterraine, nos excès, nos erreurs,

- les premières explorations suivies de mesures et de relevés réalisés à la demande d'un organisme local chargé de la distribution de l'eau,
- les siphons "école" permettant une bonne familiarisation avec le milieu et ses différentes difficultés,

- les plongées "pour se faire plaisir" (et elles furent nombreuses) car souvent, lorsqu'on ne peut plonger nulle part ailleurs, il est possible de le faire à Thaïs,

- la reprise des explorations en équipant les siphons en fixe et en travaillant par équipes légères et autonomes.

Actuellement où en sommes nous ?

S1 et S2 franchis préalablement par "les anciens" ont été reconnus dans toutes les directions qu'ils offrent, y compris les départs vers l'exurgence. Profondeur maximum dans S2 : -19m (passage non emprunté, la voie la plus commode étant à -8m).

Pour le S3 la difficulté principale fut de trouver la voie. En effet, la masse d'eau à explorer était considérable et les départs multiples. Le passage fut finalement découvert, bien sur ou il n'aurait pas dû être, dans une chatière très érodée et bien dissimulée.
L' émersion se fa:i t en plein courant et nous nous trouvons dans une grande et magnifique faille (L 80m). Cette de-nière est passagèrement coupée par S4, mini siphon pouvant être shunté par le haut.

La progression se poursuit entre les 2 parois de la faille distantes de 1 à 6m, profondeur maximum -6m. Pour donner une idée de la complexité de la morphologie du réseau nous retrouverons, dans cette grande faille, une voie (malaisée mais effective) conduisant dans S3.

Puis S5, très beau, très pur, profondeur -12m. Emersion à nouveau dans une grande faille, étroite, qui se prolonge par S6. Ici c'est la verticale absolue. En un point, nous avons atteint le fond (-30m) sans trouver la voie (plongée effectuée également par Robert JEAN). Le passage n'est pas évident car par endroit des lames rocheuses coupent la faille en deux et rendent la descente malaisée.

Actuellement, S1, S2, S3, S4 (pour ce dernier à cause du courant), S5, sont équipés en fixe aux points de passage les plus simples.

Dans l'état actuel des choses, il n'est pas question pour nous d'abandonner ce réseau, et nous allons nous consacrer à l'exploration systématique du S6 comme nous l'avons fait pour le S3. Compte tenu des profondeurs et des durées d'immersion nécessaires, nous utiliserons exclusivement des scaphandres 3 ou 4m3.
Depuis le lac qui marque le début du réseau noyé, le métré topographique donne actuellement un développement d'environ 300m.(Valeur évidemment très inférieure à la longueur explorée en raison de la multiplicité des voies empruntées). La progression est donc parfaitement possible mais il faudra peut-être aller la chercher à -40m ou plus bas encore.
Du point de vue tectonique, ce réseau noyé est assez particulier. La dominante est la présence de grandes failles parallèles orientées sensiblement NS suivant l'axe général du dôme urgonien de la Sieurle. L'eau y trouve un parcourt privilégié. Entre ces failles, le creusement qui les met en communication se fait d'une façon anarchique, très rarement en suivant la stratification. Nous observons également qu'en profitant de ces fractures l'eau s'enfouit profondément puisque par endroit nous nous trouvons à plus de 20m en dessous du niveau de la Bourne.

Les levés topographiques des parties innondées ou exondées montrent que le réseau connu se développe dans une dépression NS suivant une droite joignant sensiblement le cimetière de St Nazaire en Royans au Château de Rochechinard. L'espoir de franchissement définitif des parties noyées nous parait donc lié à une progression vers l'ouest, vers le coeur du massif ou le pendage des strates est favorable. Encore faudra-t-il pouvoir sortir de la zône des failles.
Le débit de Thaïs (justifié par la dimension du bassin d'alimentation dont la surface se situe autour de 100km2) est important 120 l/s à l'étiage, plus de 200 l/s en régime normal. La qualité remarquable de cette eau, attestée par le gigantesque filtre naturel que constituent les sables siliceux recouvrant l'urgonien sur une grande partie du réseau, incitera probablement l'homme à envisager un jour ou l'autre son utilisation.

Pour notre part, nous continuerons nos plongées d'exploration et nos relevés car à nos yeux Thaïs est pleinement le symbole de l'eau souterraine. Notre bulletin n° 4 nous donnera l'occasion d'en reparler.

Yves JESSAUME Henri PROTTO


B I B L I O G R A P H I E


- Annales de Spéléo - XV, 1, p, 19 - 20
POIVPNIER et GARNIER JJ : Explorations en Vercors.

- SPELEOS N° 60 - 1er trimestre 1968 - pages 18 à 22 - Actes du 8ème Congrès Inter-Clubs Rhone-Alpes.
SPFTIUNCA N° 2 - 1969 - pages 104 à 109.

"PLONGEES" N° 58 - Sept. Oct. 1969 pages 30 à 36.

SPELEO FLASH (bulletin de la FSB) N° 38 - Novembre 1970 - pages 7 à 12.