Barbe Bleue


LE RESEAU DE BARBE BLEUE

Carte IGN Vermenton 5-6 x 707.080 y 289.602 z 122m

Nos expéditions ont un caractère tout particulier, elles sont nocturnes ne commencant jamais réellement avant 22 ou 23hoo.
Il nous faut à chaque fois se forcer à quitter le feu de cheminée, la table, l'accueil plus que chaleureux de notre ami J-C LIGER.

La température ne nous facilite guère le tache et que ce soit pour Guy, Gilles, Fredo, Christian, Claude et j'en passe, ce n 'est jamais plaisant de s'équiper en pleine nuit. Mais l'ambiance est tellement chaude que nous oublions vite nos malheurs et ne pensons plus qu'aux raisons pour laquelle nous sommes venus.

Mais il y a bien des choses que l'on ne peut oublier, bonne ou mauvaises. Par exemple, les vieilles toiles d'araignées que je dois écarter de la main afin de pénétrer dans ce réseau Barbe Bleue qui ne laisse guère le choix du passage. Le transport des bouteilles et du matériel adéquat se fait malgré tout assez bien, ce n'est pas de tout repos mais cela se passe bien jusqu'au laminoir qui ne laisse pas passer Christian ; il sera obligé de nous attendre, le pauvre pendant 2 ou 3hoo. A-t-il eu froid ? Qu'a-t-il pensé seul durant ces 3hoo dans le noir et le froid ? La même chose que moi peut-être qui suivent resté 20minutes environ dans le siphon ; mais nous n'en sommes pas encore là. Il me faut déjà passer ce laminoir ou Christian vient d'être refoulé par la roche (sans hésitation. Guy est en quelques sorte la tête chercheuse de l'équipe et c'est avec plus ou moins de facilité malgré tout qu'il force le passage. Ayant un gabarit équivalent à la moyenne Guy-Christian, je me dis que j'ai mes chances.

J'emboîte donc le pas (si j'ose dire) à Guy avec un kit au pied. Au fur et a mesure que je progresse, je me pose des questions car pus je force (car je suis obligé de forcer) et moins j'avance, car c'est de plus en plus étroit. Mais Guy est devant, comment a-t-il fait? Il me motive. Seul, je ne serais pas passé, mais je me dis qu'arrêter là serait vraiment dommage, alors je souffle mon air au maximum plusieurs fois et en gardant mon calme : je peux passer ; 2 à 3 mètres de progression en quelques minutes qui paraissent très longues. Il reste encore une bonne centaine de mètres à faire pour atteindre le siphon ; une vingtaine de minutes et nous y sommes. Celui-ci ne se laisse guère deviner car la salle terminale est très vaste et un plan d'eau est là qui ne laisse rien entrevoir. Je sais que contrairement aux Goulettes, je vais partir à contre courant. Je ne m'étais pas équipé en plongeur dès le départ pour passer plus facilement les étroitures et je prends mon temps pour me transformer. J'en profite pour entrer dans mes pensées espérant que ce siphon Barbe Bleue soit très court ce qui me réjouirait vu l'opacité de l'eau. Comme d'habitude Guy tient le fil d'ariane ?

Il me faut quelques bonnes minutes avant de trouver l'entrée du siphon à environ 2 mètres de profondeur. Pour m'y engager, je suis encore plus hésitant qu'aux Goulettes. C'est un laminoir de 2m de large et dont les dépôts ont eu le temps de s'accumuler au fil des années. Il me reste 50cm en hauteur pour passer avec une épaisseur de dépôt presque identique dans lequel mes bras s'enfoncent facilement. Mon casque racle le roche, je n'ai aucune orientation, je pourrais tourner en rond sur place que je ne m'en apercevrais même pas. Tout au long de ma progression, a chaque instant, j'ai toujours eu cette sensation d'être fait comme un rat, qu'il n'en faudrait d'un rien pour que je m'égare, malgré mon fil (flottant le fil…). Je fais de nouveau 2 ou 3 mètres, je m'arrête pour reprendre ma concentration, me rassuré et je continue ainsi de suite. Le casque qui frotte la roche m'indique que le laminoir ne se relève pas, j'ai parcouru une quinzaine de mettre et j'ai une impression de solitude intense. J'en arrive aussi à penser que Guy lâche le fil. Je reste une minute sans bouger et à me demander ce que je fais là, je me dis aussi qu'un mètre plus loin je peux émerger, mais finalement je rampe de nouveau et encore sur 5 mètres et toujours dans la mélasse. Ma conscience depuis le départ m'a toujours dit d'arrêter. En fait je stoppe sur rien, le siphon continue ainsi, 2 mètres peut-être ou 10 ou 100? Je décide donc de revenir sur mes pas. Je retrouve Guy qui m'attendant sagement a l'entrée du siphon, le fil à la main. Après un bref résumé de la situation, nous repartons cers la surface, retrouvant Christian à l'entrée du laminoir. Une bonne nuit au refuge se prépare.

(Février 1988), A l'heure ou j'écris ces lignes je ne regrette pas de m'être arrêté ainsi. Il y a une chance sur un million pour que je ne remette les pieds dans ce siphon plus que merdique, contrairement aux Goulettes.

(2002) Les explorations des Goulettes devenant de plus en plus périlleuses, des explorations depuis le réseau Barbe Bleue sont programmées avec PH RADET pour tenter une jonction entre ces deux cavités.)

extrait du bulletin du SPELEO CLUB AUBOIS l'échelle No 20

Philippe RADET d'après Arnold HAID