Cette grotte, ce puits, nous l'inventons,c' est notre passage qui le sort du néant. Nos phares réveillent ce monde sombre et englouti avant de le laisser à nouveau dans l'obscurité.

 

paru dans la revue Spélunca n°85 du 1er trimestre 2002

 

La Buèges est une charmante et courte rivière qui a creusé sa vallée pendant douze kilomètres avant de se jeter dans l'Hérault au pont d'Embougette. À partir de Saint-Jean-de-Buèges, ses gorges sauvages, belles et verdoyantes sont peu connues et peu visitées. La rivière profite de cette intimité pour se perdre intégralement après le Payrol, une superbe marmite de géant dont le fond est indiscernable. À un peu moins de trois kilomètres du confluent avec l' Hérault, son lit complètement à sec retrouve un débit très réduit à la faveur du ruisseau de Saint-André. Réunissant toutes ses forces, faisant appel à tous les naissants autour de son lit,

la Buèges a beaucoup de mal à se présenter devant l'Hérault avec un débit substantiel, tout au plus cinq ou dix litres par seconde. Pourtant, à sa naissance, elle était pleine de vitalité avec un débit d'étiage de cent cinquante litres par seconde. ; Ordinairement d'humeur calme, \ la Buèges est capable de colères ! magistrales de 6 ou 8 m3/s. Sans compter ses trop-pleins les évents de la Coudoulière, du Perdreau et de la Fourmi qui, lors de leur mise en charge exceptionnelle, peuvent otaliser 25 m3/s. Sa source est située au pied de Peyre-Martine dans le cirque de la Séranne, en contrebas du pittoresque hameau du Méjanel. A l' ombre des immenses feuillus qui tirent leur vigueur de cette eau providentielle,


La vasque de la Buèges interdite à la plongée : le suplice de Tantale pour le spéléonaute, photo de Marc Douchet
La vasque d'eau claire contraste avec les garrigues arides. Le massif de la Séranne es le rempart méridional des Grands Causses, une barre qui culmine à 946 m et qui sépare la vallée de la Vis de celles de l'Hérault et de la Buèges. Il est coincé entre deux grandes failles parallèles à l'intérieur desquelles se trouve l'essentiel de l'hydrosystème de la Buèges.

Le bassin d'alimentation du système est assez bien délimité tant par les accidents géologiques que par les nombreuses colorations qui sont réapparues dans la Buèges (le Fonctionnaire, le Pioch, le Couchant, le Mas de Gay, le Grelot et la Leïcasse).

 

La Foux de la Buèges ou Font du Méjanel
Coordonnées : X=700,9 ; Y =168,94; 2=175

Carte de l'Institut géographique national à 1/25 000 : Blandas 2642 est.

La Source de la Buèges a toujours suscité un grand intérêt, aussi bien auprès des autochtones que des spéléologues. Le 2 juillet 1889, Edouard-Alfred Martel, le père de la spéléologie moderne, y effectue une visite d'étude, où il déplore son impossibilité de pousser plus loin son investigation : "À l'étiage, cette Foux est un bassin dormant, circulaire plein de végétation impénétrable : la rivière en sort en faisant tourner un moulin." Soixante ans plus tard, le moulin tourne toujours, la plongée en scaphandre fait ses premiers pas et Maurice Laurès, à la tête d'une nouvelle campagne hydrogéologique, impuissant lui aussi à pénétrer dans le réseau souterrain de la Buèges, ne peut qu'émettre le souhait de voir s'y effectuer, un jour, une plongée.

La Buèges s'entrouvre

En 1994, deux spéléos-plongeurs acharnés ont le nez fin en s'attelant à la dêsobstruction subaquatique de la source mythique. Après quelques séances, à deux mètres de profondeur, Jérôme Derrijard et Eric Puech entrevoient une entrée étroite du siphon. Le lendemain, à grands coups de renfort de leurs amis spéléologues, ils réussissent à franchir en décapelé l'étroiture d'entrée. Ils s'arrêtent à -51 m à la base d'un puits à crans. Quelques jours plus tard, ils atteignent -72 m avant de m'offrir le relais.

 

 


La vasque de la Buèges qui a fait rêver plusieurs générations de plongeurs, par son potentiel d'exploration et son eau claire qui sort entre les graviers et les blocs. Photographie Hervé Chauvez.

Après une plongée de reconnaissance, j'ai exploré la cavité jusqu'à -100 m. Là, le puits continue à descendre dans un conduit étroit et déchiqueté. Le grand collecteur, tant espéré, qui rejoindrait Coudoulière, Fourmi-Perdreaux et même la Leïcasse reste encore peu engageant malgré une eau cristalline.

En mars 1995, j'ai poursuivi l'exploration au-delà de mon ancien terminus dans un puits faille toujours étroit. À -111 m, j'ai préféré en rester là, la section de la faille m'obligeait à progresser de profil, en raclant les parois continuellement. De ce fait, la "touille" gagnait du terrain, et rendait cette plon-gée profonde trop délicate.
Pour des questions de sécurité, la municipalité de Pégairolle a fait reboucher la source. Brimée, elle sort à nouveau entre les blocs et par tous les interstices qu'elle trouve sur son chemin. Et les plongées y sont à nouveau impossibles.

Lors des premières incursions en scaphandre, la Buèges s'avère impénétrable, mais après quelques séances de dêsobstruction à deux mètres de profondeur, on entrevoit l'entrée étroite du siphon. Photographie Hervé Chauvez.