EXPLORATION SOUS LE CAUSSE DE L'HORTUS

Plongée dans l'Event

de GORNIES

Par
Frank VASSEUR

Les dossiers CELADON - Décembre 1992

ASSOCIATION CELADON
FDERATION FRANCAISE DE SPELEOLOGIE

Le promeneur , amateur de nature et sensible à la beauté sauvage des paysages naturels , connait le ruisseau de Gorniès.
Il aura remonté son cours facétieux et chaotique , apprécié au passage le vieux moulin , vestige de l'occupation humaine , écarté du bras les bartas pour , guidé par le clapot des cascadelles , découvrir la naissance du cours d'eau.

Ici le site est grandiose .

Il admire la vasque vert céladon enchassée sous le petit cirque rocheux , écoute le chant de l'eau cascadant de la falaise , étrange mélopée soutenue par le vent dans le platane. Et pour peu que le soleil s'en mêle , il savourera la féerie des couleurs , se laissera griser par la combinaison harmonieuse des éléments.

Ce que le promeneur sait moins , c'est l'origine de ces eaux.
Comment est alimenté ce ruisseau qui prend naissance là­ haut , sur ce causse en apparence si aride.
D'un oeil attentif et avisé , il pourra suivre le ravin discret qui l'amènera à une gueule béante , inquiétante curieusement dissimulée par la végétation.

Depuis plus de 60 ans , les spéléologues , intrigués et fascinés à la fois , ont tenté de percer ce mystère.

Plusieurs équipes se sont succédées dans la cavité pour repousser toujours plus loin les limites de l'inconnu , pour mieux comprendre ce causse qui en a passionné plus d'un.

Dernièrement , l'association céladon menait une campagne fructueuse , qui rapportait la découverte de 340 mètres de galeries vierges , ainsi q'une topographie détaillée

Puisse ce modeste dossier , qui inaugure une série , aider le caussenard à connaître sa terre et le spéléologue à comprendre le causse.
Puisse ce site merveilleux perdurer en l'état , conserver sa pureté et sa beauté magique.
Puisse la spéléologie participer à la préservation des équilibres naturels en apportant des informations nouvelles et des bases de reflexion.
Puissent ceux qui nous ont aidés dans cette entreprise trouver en ces quelques lignes l'expression de notre reconnaissance et notre sympathie.

HISTORIQUE DES EXPLORATIONS

En 1936 , Bernard GEZE , éminent géologue et spéléologue montpellierain , se rendait sur le site au cours d'une campagne de recherches sur le causse de l'Hortus. Il ne découvrit pas l'event , camouflé par un rideau végétal très dense.

C'est donc au Groupe Spéléologique Gangeois que revint le privilège d'explorer les 150 premiers mètres , le 13 Aout 1950 , avant debuter sur un siphon.

Par la suite , le Groupe de Recherches Spéléologiques et Archéologiques de Montpellier , mettait à profit la sécheresse estivale de 1975 pour désamorcer les deux premiers siphons .

180 mètres furent ainsi gagnés , mais le pompage devait s'arrêter sur le troisième siphon , plus coriace que les précédents.
L'année suivante , les plongeurs belges du groupe de Namur franchissaient le S.3 et prolongeaient la galerie ensuite exondée jusqu'à 460 mètres de l'entrée. Là , un effondrement titanesque marquait irrémédiablement le terme de la cavité.

En 1983 , l'Association Spéléologique Nîmoise conviait Frédo POGGIA , dit le poisson , à une plongée de reconnaissance au cours de laquelle il découvrait , à partir d'un conduit latéral dans le S.3 , l'amorce d'une nouvelle galerie.
Celle-ci s'ordonnait en deux branches distinctes :

* un conduit fossile se dirigeant vers le Nord-Ouest;

* Une galerie active prolongée jusqu'à 750 mètres de l'entrée dans le sixième siphon.

Dans le cadre d'un inventaire exhaustif des siphons héraultais , les plongeurs de l'association CELADON entament la topographie de la cavité dans le courant de l'hiver 1992.
Après avoir rééquipe les anciens fils rompus en de nombreux endroits et nettoyé la cavité , nous explorons 340m de galeries supplémentaires jusqu'au huitième siphon.
Actuellement , la morphologie du conduit nous contraint à suspendre momentannément les explorations , faute de matériel adéquat , mais nous gardons toujours en mémoire l'évent de Gorniès pour le jour où ...


 

DESCRITION DE LA CAVITE

Un petit porche surbaissé se prolonge par une courte galerie concrétionnée jusqu'à la vasque qui peut siphonner en période de hautes eaux.
Cet obstacle ponctuel se shunte par un boyau.

On poursuit ensuite dans un conduit aquatique orienté sur un faisceau de fractures jusqu'au premier siphon , à 150 mètres de l'entrée de la cavité (ou côte 150).
Les conduits qui jusque là étaient très propres , s'engluent d'épais tapis d'argile molle réduisant rapidement la visibilité lors du passage des plongeurs.

Le premier siphon (ou S.1) (25m ; -1) annonce une succession de jolies galeries de forme ogivale calquées sur des joints de strate et la micro-fracturation. Un grand lac de 80 mètres de long et de faible profondeur fait suite , précédant le S.2 (32m ; -2) où les dimensions s'agrandissent encore ( largeur=5m ; hauteur=3m ).

En période de hautes eaux , il suffit que le niveau monte de 50 cm pour que , du S.1 au S.2 , on ne rencontre q' un seul siphon long de 140 mètres.
Une petite cloche d'air marque un virage prononcé avant le début du S.3 , à la côte 300.
Après un point bas à -4m , le siphon garde de belles proportions durant 30 mètres , jusqu'à la bifurquation.

Vers l'Est , un important remplissage de galets et d'argile vient partiellement combler la "galerie des Belges". Dans cette branche , on émerge 40m plus loin (70m de siphon) dans une vaste galerie surcreusée , explorée en 1976 jusqu'à la côte 460. Une trémie obstrue le conduit et un laminoir très étroit semble s'enfiler à droite de l'édifice.

Revenus au carrefour , une lucarne discrète bée en rive droite : c'est le réseau du poisson.
Le siphon devient alors beaucoup plus intime ( 1=1,8 ; h=1,8m) et sort 30 mètres plus loin (60m de conduit noyé) dans une petite galerie exondée.

5 mètres avant la vasque du S.4 , un petit départ en rive droite donne accès à 600m évalués de conduits fossiles et étroits qui se terminent sur un effondrement.

Nous n'avons pas eu le courage de topographier plus de 140m dans cette branche où l'argile vient couronner l'ambiance d'une touche visqueuse et adhérente.

Notons toutefois la présence d'un siphon étroit en rive droite , à 90m de l'embranchement qui fonctionne comme affluent de la galerie exondée , elle même venant se greffer sur l'actif principal.


Revenus au second embranchement , un court laminoir donne directement (gare aux plongeons forcés) dans une petite vasque de S 4 (8m ;.-1).
Ce siphon juste assez large , émerge dans une diaclase aquatique qui plonge 15 m plus loin dans le S.5 (125m ; -7).

On passe sous plusieurs cloches d'air avant de plonger dans un laminoir étroit , puis le conduit se prolonge sous une allure biscornue , déterminée par un faisceau de diaclases.
Le passage y est tout juste autorisé avec des scaphandres de capacité moyenne.
Un puits vertical sort dans une fracture longue de 10m , où une cascadelle perce le plafond.

Ici , l'air vicié présente un danger réel , et nous devons respirer sur les bouteilles par sécurité.

A la côte 670 , débute le S.6 (325m ; -14) par un laminoir sévère et sélectif où les bouteilles râclent sérieusement. Un puits plonge ensuite à -10m , suivi de deux étroitures à négocier derrière des blocs rapportés , puis la galerie oscille entre -11 et -9m en reprennant des dimensions plus humaines ( 1=2 ; h=1,8 ).

A 80m de la vasque , une lucarne en hauteur prolonge le conduit au-delà du terminus de Frédo.
On progresse ensuite dans des galeries sympathiques bien que modestes marquant de brusques changements de direction , notamment au passage du "tire-bouchon" où il faut effectuer un demi-tour en règle (180 ° ).
Quelques dépots ponctuels et résiduels de marnes grises jonchent par endroits le sol.

On émerge ensuite dans un galerie aquatique longue de 15m qui contraint à progresser à quatre pattes.

Le S.7 ( 25m ; -2 ) conserve les meures proportions et débouche dans une cloche d'air.
Un seuil rocheux nécéssite un déséquipement complet avant de recouper une galerie basse et aquatique. Au bout de 20 mètres à ce régime , on franchit avec satisfaction l'étroiture qui débouche sur la vasque du S.8.

Ce dernier (16m ; -4) débute par une étroiture sévère puis se developpe le long d'une fracture encombrée de blocs , nécéssitant des bouteilles de moindre encombrement dont nous ne disposons pas encore.

MATERIEL DE PLONGEE UTILISE

L'exiguité ponctuelle de certains conduits nous a contraints à adapter le matériel en conséquence. Aussi les plongées ont été réalisées avec des scaphandres bi bouteilles de 9 litres chacunes , avec l'emploi de bouteilles-relais supplémentaires abandonnées au fur et à mesure de la progression. Le huitième et dernier siphon a été exploré avec un bi 6 litres en raison de son exiguité.

TOPOGRAHIE

En milieu souterrain , les techniques de relevé topographique n'autorisent pas , sauf cas ecxeptionnels professionnels ; matériel particulier ), une précision de géomètre.

En plongée souterraine , la mise en oeuvre de ces techniques devient aléatoire du fait de la spécificité de l'activité plongée ( impossibilité de communication orale , problème du froid induit par les séjours prolongés , multiplication des réserves d'air et d'éclairage ) et du milieu ( turbidité de l'eau , morphologie tourmentée , exiguité des conduits ).

Dans le cas présent , nous avons utilisé les méthodes traditionnelles cheminementt par stations successives , visées avec décamètre , clisimètre et boussole , jusqu'au S.1.

Ensuite , et ce jusqu'au S.3 , le profondimètre de plongée s'est substitué au clisimètre et le compas immergeable à la boussole , induisant une perte de précision du fait des capacités des instruments.

A partir du S.3 , le décamètre a été abandonné pour des raisons pratiques au profit du fil d'ariane mètré , qui servait alors à determiner les distances et l'orientation des visées.

Les documents gaphiques présentés ici n'ont donc qu'une valeur indicative , avec une marge d'erreur de 20 % environ.
Ils ne pourraient en aucun cas se substituer aux travaux de précision professionnelle , préalable indispensable à un éventuel projet d'exploitation.


LEGENDE TOPOGRAPHIQUE

Pour des raisons pratiques , plusieurs abréviations apparaissent sur les documents graphiques

Les siphons sont notés par un S majuscule , suivi d'un chiffre indiquant leur position par rapport aux autres passages noyés dans la cavité.
Les indications entre parenthèses concernent la longueur (suivie du "m") et la profondeur maximale (précédée du signe - )

Et = étroiture
Laminoir = passage large mais très bas pouvant ralentir la progression.
gal. = galerie
Nm = Nord magnétique Term = Terminus
( 950 ) = distance parcourue en cavité depuis l'entrée.
-14 = profondeur depuis la surface du plan d'eau.

 

KARSTOLOGIE

 

 

La cavité 'se developpe dans les calcaires du Valanginien supérieur , qui forment l'ossature du causse de l'Hortus.
Son impluvium interesserait environ 3 Kms2 , et serait délimité au Nord et à l'Ouest par les bordures du causse à l'Est par le ruisseau des Canaus.

L'examen de la topographie apporte des indications sur la génèse de la cavité , au cours de laquelle on peut définir plusieurs stades successifs.
Les 330 premiers mètres et la galerie des Belges constituraient la partie la plus ancienne de la cavité concrétions , dimensions des conduits ) alors en relation avec la grotte de Baume qui présente des caractéristiques identiques.

Au cours d'une période plus récente , le réseau du Poisson collectant le ravin de Val-Long se serait gréffé sur le premier , capturant alors la majeure partie des écoulements.
Divers petits affluents de moindre envergure se répartissent dans la cavité (siphon étroit dans la galerie exondée , cascadelle entre le S.5 et le S.6) confirmant son rôle de drain prinipal.

Lors des dernières plongées , nous avons constaté la mise en charge de l'orifice qui fonctionne comme trop-plein des sous écoulements en période de crue , ainsi qu'un nombre important de débris organiques et végétaux qui attestent de l'importance de l'infiltration directe.
La convergence de plusieurs écoulements conjuguée à L'influence de l'infiltration explique le temps de réaction très rapide de l'event en cas d'orage.

L'aval du réseau de Gorniès se developpe ensuite vers le Sud , via la perte de Gorniès (entrée protégée par une trappe métallique). L'eau qui y circule résurge à la source du Lamalou , à 3800 mètres de là.
L'entrée actuelle de l'évent de Gorniès doit son origine au recoupement du conduit par l'érosion superficielle , qui dévie une partie de l'écoulement vers le ruisseau de Gorniès.

BIOSPELEOLOGIE

La cavité est riche en espèces troglobies , c'est à dire en animaux totalement inféodés au monde souterrain , où ils vivent continuellement.

Plusieurs Niphargus , petites crevettes dépigmentées , ont été observées en divers points de l'évent dans les deux branches actives principales ( galerie des belges et réseau du poisson ).

Plus ecxeptionnelle fut la rencontre avec un ver cavernicole , d'ampleur décimètrique , situé à 810m de l'entrée , dans le S.6.

Il s'était enroulé autour du fil d'ariane que nous venions d'installer au cours de l'exploration.

Ces formes de vie nombreuses et variées témoignent d'un apport de nourriture , véhiculé depuis la surface par les eaux d'infiltration.

BIBLIOGRAPHIE SPELEOLOGIQUE GEZE.B : 1936 . Spelunca N ° 7 , P.65-67.

BANCAL.A ; VALAT.G : 1951 . "Explorations dans la région de Ganges" Annales de spéléologie tome 6 , Fasc 2-3 , P.83 84.

ROUX.R : 1969 . "Spéléologie du causse de l'Hortus"

DUBOIS.P 1972 "Notes karstologiques sur le causse de l,'Hortus" Etudes quaternaires N ° 1 , P.39-51.

DUBOIS.P : 1974 . "Spéléologie du causse de l'Hortus" Bulletin SCAL 1973 , P. 61-67.

SAURET.B : 1977 . "Relation karst- fracturation sous le causse de l'Hortus".

GERSAM : 1978 . "Event de gorniès" Bulletin du club N ° 7 P. 45-49.

Plongeurs de l'Association CELADON ayant participé aux dernières explorations

Christian BAGARRE (Quichou)
Bruno NARANJO (Margot)
Alain SPENLE (L'Africain)
Frank VASSEUR (Enzo)

 

REMERCIEMENTS

• La municipalité de Ferrières les Verreries en les personnes de Mr BRESSON et Mr GRENESCHE , pour les autorisations et les facilités d'accès.

• Mr Claude VIALA , président du Comité Départemental de Spéléologie de l'Hérault , pour les indications karstologiques et son soutien en matière de "public relation".

• Mr Denis MICHEL , médiateur avec la municipalité lors des premiers contacts.

• La société PLUX (éclairages sous-marins) pour son soutien matériel.

• La famille NOUZA pour son assistance morale et gastronomique.

PLUX

2, Rue Haute Soulieu -- 54310 HOMECOURT
Tél : 82.22.10.55

FICHE TECHNIQUE
abyspéléo

Puissance : 20 watts
Tension : 12 volts Autonomie : 2 h. 30
Durée de recharge : 15 h. à 16 h. 00 Poids : 2,6 kgs
Diamètre de l'optique : 50 mm.
Masse volumique : 1.60
Angle d'éclairage : 18°
Résistance à la pression : 10 bars

Le container et le corps du phare sont en PVC pression, l'alimentation est réalisée grâce à des accumulateurs au Cadmium-Nickel, le chargeur fabriqué dans nos ateliers est équipé d'un limitateur de charge.

abyspéléo peut également être utilisée hors de l'eau.

Le container d'abyspéléo s'adapte à la ceinture de plongée.