RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

COMMISSARIAT A L'ÉNERGIE ATOMIQUE

CENTRE D'ÉTUDES NUCLÉAIRES
DE GRENOBLE

LABORATOIRE D'ÈLECTRONIQUE
ET DE TECHNOLOGIE DE L'INFORMATIQUE

AVENUE DES MARTYRS
B. P. N° 85 CENTRE DE TRI 38041 GRENOBLE CEDEX

TÉL. (7!) 97.41.11
TÉLEX o C.E.N,G. VIA ENERGAT
PARIS N° 20.071

VOTRE RÉF.

 

GRENOBLE,LE 19 Octobre 1972

 

GROUPE D'ETUDES ET DE PLOT'IGEES SOUTERRAINES

(à l'attention de M. Jacques ARMAIN?D) 202, boulevard Perier 13004 - MARSEILLE


NOTRE RÉF. .
LETI/72-3804 AS/GB

 

OBJET: Repérage d'une cavité aux sources du Lez à Montpellier

 

Monsieur ,

Je vous adresse, pour votre information, le rapport sur les mesures magnétométriques effectuées aux sources du Lez à Montpellier.

Je vous présente mes félicitatior pour votre relevé topographique qui correspond, à 2% près, aux résultats que nous avons obtenus.

Vous souhaitant bonne réception de ce courrier, je vous prie de croire, Monsieur, à l'expression de ma considération distinguée;

 

IL SALVI

Chef de 1a ' n

GROUPE D'ETUDES ET DE PLONGEES SOUTERRAINES

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HYDROLOGIE - SPELEOLOGIE

 

MARSEILLE, le 4 Septembre 1972

 

SOURCE DU LEZ

ETUDE PREALABLE A L'IMPLANTATION
D'UN CAPTAGE

 

EXPLORATION - TOPOGRAPHIE - REPERAGE D'UN POINT

202 Bd Périer - 13004 marseilles

 

- HISTORIQUE -

  La Source du Lez a été l'objet de la curiosité des plongeurs depuis de nombreuses années.

Ci-dessous, un breff historique retracera les principales interventions effectuées.

- 1949 Plongée de J.B. JAMES; LEROY et BALENZI, pour étudier les possibilités d'une obturation d'un conduit supposé de la source afin d'en augmenter le débit.
- 1965

J.B. JAMES et CARETTA - pose d'instruments de mesure.

4 Août et 4 Septembre - F. BER et J.B. JAMES exploration jusqu'à 20 m.

- 1967

13 et 14 Septembre - une équipe de lyonnais fait la topographie de la vasque et de 40 m de galerie.

28 - 29 - 30 Septembre et 1er Octobre, la SOTRAMAR reconnaît environ 200 m de réseau et fait la topographie sur 130 m.

- 1970 31 Octobre - CEPS fait une reconnaissance sur 87 m.
- 1971 1er au 9 Octobre - COMEX EQUIPEMENT fait une topographie sur 90 m et repère un point de la galerie.
- 1971 9/10 31 Octobre - CEPS pointe jusqu'à 280 m.

Le groupe d'Etudes et de Plongées Souterraines remercie toutes les personnes qui ont permis de réaliser ce travail et de le mener à bonne fin et en particulier

SITUATION GEOGRAPHIQUE DE LA SOURCE

A 11 km au Nord de Montpellier, dans les collines au Nord-Nord-Ouest du village de Prades le Lez et Sur la limite des communes de Prades le Lez et des Matelles jailli une forte émergence karstique : la source du Lez, petit fleuve côtier qui traverse la ville de Montpellier.

 

SITUATION GEOLOGIQUE ET CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE

L'émergence se fait au pied d'une falaise de calcaires berniassiens appartenant au flanc Sud-Est du synclinal des Matelles (direction sous-cévenole). Deux failles normales Sud-Sud-Ouest, Nord-Nord-Est ou échelon, abaissant les compartiments Sud-Est mettent le berniassien en contact avec le valanginien beaucoup plus marneux, facteur ayant déterminé la localisation de la source.

La seconde faille vers le Sud-Est déterminant la position de la source de Restinclière en relation avec le réseau du Lez.

Son creusement se fait selon l'intersection du point de stratification et de diaclase de même formation (berniassien inférieur). On note la présence de bans de 30 à 40 m avec interlit marneux. On observe aussi des formes de dégagement des points tectoniques constitués de calcite pure dont l'attaque est plus aisée que le reste (marneux).

La source est alimentée par un vaste bassin souterrain en partie précisé par des colorations dont les dimensions maximales sont de 30 à 35 km vers le Nord et de 10 à 20 km Est-Ouest. Elle a fait l'objet de nombreuses études géologiques, hydrogéologiques, et spéléologiques qui ont permis de vérifier qu'il existait là d'importantes réserves en eau sur lesquelles la ville de Montpellier pourrait compter pour les décémies à venir à condition de mettre en oeuvre d'importants travaux de captage utilisant au mièux ces réserves.

- EVOLUTION DE LA PLONGEE SOUTERRAINE -

La Source du Lez, cavité totalement noyée, a demandé pour son exploration l'emploi de technique de plongée particulière adaptée au milieu.

La plongée souterraine n'a de commun avec la plongée subaquatique classique que son principe de progression en milieu aquatique.

Elle s'en différencie par son cadre d'évolution dont les principaux obstacles sont:

Si depuis les années 1945, la plongée souterraine a vu son développement progresser timidement, ces dernières années cette discipline semble avoir pris un nouvel essor. Cela est dû, d'une part à la conscience qu'ont pris ses adeptes des dangers multiples qu'ils encouraient les amenant à un entrainement intensif tant physique qute psychique, d'autre part, à l'apparition d'un nouveau matériel plus fiable et aux performances accrues.

Cette évolution n'était pas possible où trés difficile au niveau d'un plongeur isolé. Seul un groupement de plongeurs où chacun a apporté son expérience et ses connaissances a permis de réaliser un pas en avant.

L'application d'une méthode d'entrainement et de progression à plusieurs individus, leur donnent une efficacité accrue, n'ayant plus d'obstacle de compréhension entre eux. Le principal de l'exploration d'une cavité inconnue est simple en soi, il suffit de dérouler un fil (le fil d'ariane) derrière soi.

Celui-ci ne permettra pas au plongeur de remonter le réseau jusqu'à son origine mais dans la mesure do ses capacités physiologiques et techniques, et des conditions de terrain, il pourra r.econnaitre quelques dizaines de mètres d'un collecteur naturel apportant des indications intéressantes sur le plan morphogéologïque et sur la possibilité d'exploitation de celui-ci.

 

CONDITIONS DE PLONGEE

Les plongées d'exploration devaient nous donner une idée assez précise des difficultés que nous rencontrerions au cours du relevé topographique.

Dès l'entrée, les plongeurs sont obligés de se glisser entre des blocs pour atteindre la galerie.

Celle-ci a un aspect sinistre car ses paroies sont noires, ceci étant dù à un dépôt de limonite.

Ses dimensions hauteur, largeur sont variables selon les endroits et dans l'ensemble la galerie est très cahotique.

La progression était ralentie par le courant, la turbilité de l'eau qui n'autorisait qu'une visibilité de l'ordre de 2 à 3 m dans de bonnes conditions. Elle a été inférieure de moitié au cours du relevé.

La côte - 24 à - 26 par son rapport au niveau de la vasque est rapidement atteinte avant d'attaquer les plus grandes profondeurs.

Toute ceci devait contribuer à diminuer l'autonomie du plongeur et à prendre des normes de sécurité importantes.

Au cours des plongées, le temps utile consacré à un travail de relevé, était de l'ordre de 1/3 du temps de plongée réel, le restant étant consacré au trajet et aux paliers. De plus les variations météo (pluies diluviennes) de cette saison ont interrompu à plusieurs reprises nos investigations, nous obligeant ainsi à faire de nombreux déplacements entre Marseille et Montpellier entre les décrues.

 

E X P L O R A T I O N

Une première plongée est faite, mais étant donné les conditions de courant et de visibilité, les résultats sont faibles : 87 m parcourus.

Ce n'est qu'au mois d'octobre 1971 que nous reprenions nos plongées, nous devions alors rencontrer l'Entreprise COMEX EQUIPEMENT qui achevait des travaux destinés à repérer un point d'implantation de captage recoupant la galerie en profondeur, aux environs de 90 m de l'entrée.

C'est au cours de 4 plongées d'exploration que la galerie devait être reconnue sur une distance de 320 m avec une profondeur maximale de 52 m.

La première plongée ne permit pas de trouver la continuation de la galerie dans la salle située à 90 m de l'entrée, les plongeurs de la COMEX ayant fortement troublé l'eau.

Le lendemain, (date 10 Octobre 1971), une seconde plongée permet de situer le passage et d'effectuer une progression de 252 m depuis l'entrée avec une profondeur terminale de - 37 m.

Le 31 Octobre 1971, une seconde pointe permet d'atteindre la côte - 42 m, à environ 280 m de l'entrée.

Les plongées d'exploration furent alors interrompues par les conditions météorologiques particulièrement mauvaises en hiver et au printemps.

En 1972 une pointe permit d'atteinde la côte - 52 à 320 m de l'entrée.

C'est après la dernière plongée de 1971 que la ville de Montpellier abandonne le projet de captage au point localisé par COMEX EQUIPEMENT, et nous demande d'établir avec certitude le point - 42 pour y reporter le captage.

 

RELEVE TOPOGRAPHIQUE

Il nous fallait prévoir une intervention de plusieurs jours pour dresser le relevé topographique de

la galerie, qui permettra de localiser le point de forage.

Les plongeurs du G.E.P.S., au cours d'un Week end (14 et 5 Juin 1972) rééquipent la galerie en fil neuf pour réparer les dégats des crues de l'hiver.

Pendant le mois de juillet, au cours de 10 jours successifs, le "fil topographique" est installé dans la galerie sur toute la longueur connue et le cheminement est relevé.

Celui-ci reporté sur calque puis sur le relevé du terrain se trouve à une position totalement différente du parcours SOTRAMAR, COMEX et des relevés géographiques de MENARD.

Vu la concordance des relevés précédents, nous décidons de reprendre la topographie à zéro pour éviter toute. équivoque.

C'est alors qu'en trois jours, du 29 au 31 Juillet 1972, la topographie est vérifiée deux fois consécutives par les plongeurs.

Le relevé à nouveau reporté confirme à quelque chose près le premier tracé.

Nous communiquons alors la position du point terminal par rapport à l'entrée de la source aux Services des Eaux qui matérialise celui-ci sur le terrain pour permettre l'intervention du C.E.N.G.

 

R E P E R A G E

Cette intervention a eu lieu les 8 et 9 Août 1972 avec quelques difficultés.

Le 9 au matin, l'émetteur servant au repérage du point - 42 est mis en place.

A 14 h aucun signal n'est capté.

Plusieurs solutions sont alors envisagées

- La topographie est totalement fausse.

- L'épaisseur de roche est trop importante.

- L'émetteur est en panne.

Nous vérifions d'abord ce dernier.

Pour cela il a fallu demander aux pompiers Montpellier de gonfler nos bouteilles.

Effectivement, l'émetteur ne fonctionne pas. Il est ressorti, réparé et remis en place.

Cette fois l'émission est captée bien avant qu'il soit à sa place définitive.

Le point topographique et l'emplacement de l'émetteur ont un écart tel, que l'erreur topographique produite est de l'ordre de 3 %.

L'opération est donc couronnée de succès.

Ces deux journées, riches en émotions se sont pourtant passées dans un excellent esprit d'équipe.

Repérage effectué par l'équipe du C.E.N.G. (1) sous la direction de Monsieur SALVI Antoine,

assisté de Messieurs CRESCINI Jean

et GLENAT Henri.

 

(1) L'équipe de Monsieur SALVI était déjà intervenue pour un repérage de la résurgence de Port Miou, pour le compte du Syndicat de Recherche de Port Miou (B.R.G.M.-S.E.M.) - Le repérage a eu lieu dans le même cadre de recherche en participation avec le G.E.P.S.

 

- C 0 N C L U S I 0 N -

 

Remarque sur la mise en valeur des karsts.

La mission effectuée sous la Source du Lez, venant après d'autres explorations du même type, montre que l'intervention humaine demeure au premier plan des moyens d'investigations du milieu souterrain..

Les moyens techniques actuels, géophysique, hydrologie et hydrométrie, si élaborés soient-ils, ne peuvent encore remplacer l'exploration directe qui se montre absolument indispensable pour mener à bien un travail du type de celui présenté ici.

Cependant, ils lui apportent un complément d'efficacité appréciable.

 

B I L A N

D'EXPLORATION ET RELEVE TOPOGRAPHIQUE

REALISE DANS LA SOURCE DU LEZ

POUR LA VILLE DE MONTPELLIER

 

Cette mission nécessita 68 plongées individuelles

réalisées par 11 plongeurs au cours de 34 interventions en équipes de deux,

dont : 5 équipes pour l'exploration

24 équipes pour le levé topographique 5 équipes pour détection magnétique

25 Km 500 sont parcourus en galerie immergée

55 heures 12 minutes passées sous l'eau en plongée effective. 245 m3 d'air furent consommés.

 

Ont participés du Groupe d'Etudes de P.S. :

Jacques

ARMAND
Jean Claude CAUBEL
Georges CAPUS
Jean Pierre CHARPENTIER
Jean Louis FREY
Marcel HEGELE
Michel LOPEZ
Philippe MURA
Pierre ROUSSET DE PINA
Claude TOULOUMDJIAN
Jean Louis VERNETTE

Longueur de galerie immergée explorée depuis l'entrée 320 m
Profondeur maximale atteinte 52 m
Profondeur au terminus dans diaclase, la galerie continuant en dessous 39 m