Bial (46) Exploration 1993


Par Jean-Luc Siriex
Article paru dans « Spéléo-Dordogne activités » Bul. du Spéléo-Club de Périgueux T4 1993.

 

 

Plongée du 10 octobre

Aujourd’hui, le ruisseau de sortie est à sec, par contre, le niveau est nettement plus haut que la normale : l’eau qui arrive à moitié porche, soit environ 2m plus haut qu’à l’habitude, est d’une limpidité formidable. Lorsque je m’immerge, j’ai la confirmation de ce que je pensais : l’éboulis est bien moins pentu. La force du courant ayant remonté les galets jusque dans la vasque d’entrée. Cependant, le passage critique n’est pas complètement obstrué, il n’en demeure pas moins impénétrable dans l’état actuel. Me voici donc à « palmes d’œuvre », déposant les galets dans un recoin de la galerie. Après plusieurs tentatives de franchissement, la chatière est dégagée. La résurgence du Bial est de nouveau pénétrable.
Je rejoins Alain Nedoncelle qui m’attend à l’extérieur, puis nous nous équipons, lui pour plonger la vasque et le boyau d’entrée, moi pour pousser une reconnaissance.

La chatière est franchie en décapelé, puis je retrouve le fil d’Ariane coincé sous les blocs. Descente du ressaut puis remontée de la diaclase qui semble être l’axe principal de la galerie, jusqu’au bout du fil (cote 75m) qui, en principe, marquait la sortie du S.1. Aujourd’hui, ça ne sort pas : au dessus tout est noyé et en fait S.1 et S.2 ne doivent faire qu’un siphon d’au moins 400m. Déroulant mon fil, je me dirige vers la galerie en rive droite que nous avions remontée avec Fantoli sur une quarantaine de mètres jusqu’à un S.2 bis, but de ma plongée d’aujourd’hui. Après avoir passé une cloche sur 3 ou 4 mètres, je m’immerge à nouveau dans cette belle petite conduite forcée fortement corrodée. La progression se poursuit ainsi sur plusieurs dizaines de mètres jusqu’à un secteur où la galerie reprend la forme d’une étroite diaclase. A cet endroit, elle n’est vraiment pas très large et des becquets très gênants sont de vrais pièges à fil, à combinaison et à matériel.

L’heure est venue de faire demi-tour. J’attache mon fil sur une arête rocheuse, je viens de faire une trentaine de mètres de mieux dans le S2 bBis, et ça continue ! Au retour, je constate que ça ne « touille » même pas. Je rejoins Alain et émerge après une plongée qui a duré 20 à 25 minutes.

Plongée du 17 octobre

Depuis la semaine dernière, l’eau a baissé de près de 2m. Je plonge en première, suivi de Philippe Marchive, Alain Nedoncelle fermant la marche. Ces deux derniers ne franchiront pas la chatière et je décide de partir seul. L’air que je respire a un drôle de goût, pour tout dire, il a franchement mauvais goût (d’huile) au point de me donner quelque peu envie de vomir… J’émerge dans la diaclase post S.1 puis je palme en direction de la petite galerie conduisant au S.2 bis. Devant moi, la galerie principale semble plonger assez vite vers le S.2, ce qui témoigne du fait que les eaux sont encore assez hautes. La vasque d’entrée n’est donc pas significative pour jauger de l’état général du réseau.
La progression est moins facile que la fois précédente où toute la galerie était noyée. Après 2 ou 3 passages siphonnants, dont un dernier d’une vingtaine de mètres, j’atteins le terminus du week-end dernier. La visibilité est toujours bonne. Devant moi, la diaclase remonte en forte pente jusqu’à un éperon rocheux qui semble donner départ à une galerie horizontale.
Mais la vision sous l’eau est toujours très optimiste et si le passage semble évident, la réalité est tout autre. Je dois une nouvelle fois décapeler pour parvenir au départ de la galerie entrevue. Devant moi, une diaclase plongeante vient se greffer perpendiculairement sur un conduit beaucoup plus important que je m’attends à voir revenir vers le S.2 principal.
J’endosse mon scaphandre et, me penchant au-dessus de la diaclase haute de 7 à 8 m, j’aperçois tout au bas (visibilité supérieure à 10 m) un fil d’Ariane. La jonction entre le S2 bis et le S.2 est donc confirmée, le S.2 bis n’étant en fait qu’un shunt du réseau principal et dont la longueur totale avoisine les 80m. Après être descendu jusque vers –15, au départ de la salle caillouteuse menant à la belle Galerie des Illusions, je rebrousse chemin en prenant le S.2, largement plus confortable. La très mauvaise qualité de l’air que je respire commence à sérieusement me mettre mal à l’aise et ce qui en surface n’est qu’un désagrément, avec un détendeur en bouche… J’émerge du S.2 puis replonge dans le S.1, franchis la chatière et émerge après 45 minutes de plongée. Retrouvant mes collègues qui ont renoncé à franchir l’obstacle, je les informe de la jonction réalisée.

Même si je suis un peu déçu de l’explo du S.2 bis, il me reste la possibilité d’atteindre l’extrême amont où, en 1989, je n’avais pu « sortir le siphon » dont je voyais la surface quelque 6m au-dessus.
Ce sera le but de ma deuxième plongée de ce jour.
Sorti du S.1, je dépose mon relais sur le fil remontant et continue ma progression vers le S.2 dont la visibilité est excellente, ce qui me permet d’apprécier les différentes formes de creusement et les profils de galeries superbes. Arrivé au laminoir où Jean-Louis avait fait demi-tour, je remarque que les dernières crues ont eu pour effet de d’entraîner les petits galets et les graviers tapissant le fond de la galerie pour les entasser à l’entrée du laminoir. Après plusieurs tentatives, je parviens à forcer le passage pour retrouver la belle galerie corrodée « pointée » en 89. Le fil d’Ariane est sectionné en plusieurs endroits et ce en raison des nombreuses arêtes tranchantes servant d’amarrage. Encore une centaine de mètres et j’atteins l’extrémité de mon fil de 89, soit approximativement l’actuel terminus du Bial.
Au-dessus de moi, la fameuse diaclase étroite et quelques mètres plus haut, le miroir de surface. Mon dévidoir à la main, je m’engage de profil, progressant par coincement dans cette espèce de faille-diaclase pas tout à fait verticale, et parviens à grimper jusqu’à la surface, les derniers mètres s’effectuant dans la « touille » (aucun courant dans cette zone).
J’émerge au sommet de ma diaclase, mais déception… La diaclase exondée forme une petite cloche de 3 à 4 m de large pour 1,5 à 2m maximum de haut. Elle se pince de part et d’autre, sans continuation possible si ce n’est un tout petit boyau creusé aux dépens d’une cassure perpendiculaire à la diaclase. La suite, si suite il y a, n’est pas ici !
Rebroussant chemin, après le carrefour du S.2 bis, je remarque un départ de galerie sur main gauche : une belle ouverture de 1,5 x 1,5 m situés en paroi. Cette petite galerie plus ou moins en conduite forcée semble se développer parallèlement au conduit principal. Je m’y engage sur 10 à 15m pour finalement retomber dans la galerie principale.
J’émerge après 45 nouvelles minutes de plonge, un peu déçu que l’exsurgence du Bial se termine ainsi, sans avoir trouvé de continuation. Cependant, un espoir subsiste : d’où vient l’eau ? Il y a probablement un départ que nous n’avons pas vu, peut-être à la base de la diaclase terminale où une arrivée d’eau pourrait expliquer les ruptures de fil dans cette zone. A voir prochainement, si l’entrée reste ouverte.
S.1 (75m ;-6) S.2 bis (50m ;-4) S.2 (340m ;-18) Galeries exondées : 80m

Le Bial atteint maintenant un développement de 545m.