Burles

 

Causse de Sauveterre

 

Commune de Sainte-Enimie (Lozère)

Coordonnées GPS = 685,578 - 3230,210 - 480 (Lambert III)

 

Développement cumulé : 465m

Profondeur maxi. : 39m



 

Localisation

Coupe Plan

Récit

 

 Mise à jour Avril 2018 R Bouchard F. Vasseur

 

 

 


daniel andres 1977 par alain vieilledent



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Situation

Nichée dans un méandre du Tarn, dominée par les habitations du village relayées par le causse de Sauveterre, la source de Burle constitue une attraction chère aux riverains, prisée des touristes. Lesquelles, de ses vertus curatives présumées ou la vertigineuse translucidité de ses eaux suscitent cet engouement ? Sûrement un peu des deux. Ajoutons à ces atours enjôleurs un puissant potentiel d’exploration, les ingrédients sont réunis pour stimuler le plus casanier des batifoleurs aquatiques.

 

Géologie

 

Historique des explorations

Réputée depuis toujours, ou presque, pour ses vertus curatives et son influence dans la guérison de la sœur du bon roi Dagobert, la source de Burle fut plongée la première fois durant l’été 1967. Les plongeurs du G.E.P.S. de Marseille, emmenés par Jean-Louis Vernette et guidés par Jacques Pomié, reconnaissaient la vasque sans parvenir à franchir l’éboulis qui l’obstruait. Ce privilège reviendrait à Claude Touloumdjian quelques années plus tard, qui annonce 200m de développement (-39).

Le 2/02/1980, Jean-Charles.Chouquet et Frédéric Vergier progressent jusqu’à 270m, arrêt à –28 sur une trémie. A partir de 1993, Christian Thomas réalise plusieurs plongées avec son équipe. Une branche latérale est découverte, la topographie est levée, le développement atteint 400m. Au printemps 2009, le GRIMP de Lozère, dirigé par le Commandant Robert entame une campagne de désobstruction mécanisée de la vasque. Des blocs de plusieurs tonnes sont treuillés et évacués par camion benne, des mètres cubes de galets roulés extraits. En 2011, la vasque redevient pénétrable avec un scaphandre dorsal et, luxe suprême, par deux itinéraires. Après accord avec la municipalité, l’Equipe Plongeesout effectue plusieurs plongées pour lever la topographie de l‘intégralité des conduits, réaliser une couverture photographique et un film. Une douzaine de mètres de première sont effectués dans un laminoir étroit sans parvenir à passer la trémie terminale de la branche de droite.


Description

La célèbre vasque émissive est aménagée et valorisée par la commune, comme patrimoine culturel et ressource naturelle. Le bassin oblong orienté nord-nord ouest / sud sud-est baigne

-          une falaise sur laquelle passe la route à l’est ;

-          un mur de soutènement à l’ouest.

 

La reculée, fermée au nord, s’élargit au sud après un seuil bâti, à la faveur du cours aérien du ruisseau. Il conflue rapidement avec le Tarn, après quelques centaines de mètres à peine.

L’eau, généralement translucide, révèle la pente de galets qui s’incline à contresens du courant, vers le chaos qui encombre la source. 4m sous la surface, un enchevêtrement de rochers ajouré donne l’illusion d’un colmatage. Il n’en est rien, car deux passages subtils mais confortablement pénétrables traversent l’obstacle pour receler un beau volume, à –6m. Le méat situé à proximité de la falaise est vertical et direct. Une solide corde, amarrée là, file jusqu’au bas du puits.

Sous le chaos, une magnifique fracture détermine le puits d’entrée, dominé par quelques lucarnes impénétrables au travers desquelles filtre la lumière du jour. La fracture s’évase à l’est sous un surplomb bordé d’alcôves. La paroi ouest est verticale, lisse, le mur parfait.

A –22, un sol de galets finement roulés matérialise la fin de la verticale. Le drain, décalé vers l’ouest par rapport à la base du puits, se prolonge d’un décamètre vers l’aval jusqu’à un colmatage de galets.

Un redan de 2m rejoint la galerie principale à –24. Ce conduit, effilé en hauteur s’infléchit en pente douce vers le nord-est. Les parois gris clair veinées de rognons sombres abrasifs, le sol recouvert de galets roulés bleu-gris clairs confèrent à ce conduit une esthétique remarquable, célébrée par la couverture d’un manuel technique, un documentaire télévisé et des publications techniques.

Rapidement, le conduit s’étire en hauteur et à –28, une fracture perpendiculaire s’impose. En plafond, deux conduits plus intimes sinuent jusqu’au volume suivant qu’ils recoupent en partie haute. Au sol, un passage plus large que haut, sur des blocs hérissés de pointes rocheuses, donne le ton de ce que sera la progression dans la cavité : technique et calculée. Le conduit principal se prolonge dans des dimensions modestes (3 x 1,8m) pour, à 70m de l’entrée, rejoindre une salle développée en hauteur, trépanée par les galeries supérieures repérées précédemment. Un point haut ponctuel, affecté d’un virage à 90° calqué sur la fracture et imposé par un chaos, augure le décrochement en profondeur. A –34, débute la partie profonde de la source, spacieuse, abrasive, esthétique. Avec ses 3 à 4 m de large pour un peu plus de 2m de haut, ses strates apparentes, ses blocs anguleux ce conduit s’oriente résolument nord-est.

A la cote 70m, une fracture tronçonne le plafond dans la largeur. De là, la galerie du shunt, amorcée à même le plafond, rejoint le carrefour de la dalle par un chemin de traverse plus court et plus direct, un itinéraire bis intime dédoublant la galerie principale.

Passé cet embranchement vertical, la galerie principale poursuit sa descente régulière jusqu’au point bas de –39.

Un brusque redan vertical interrompt le parcours et met fin à la partie spacieuse de la cavité. A 100m,  on remonte à –33. En rive gauche, un diverticule derrière une lame décollée livre une alcôve irrémédiablement impénétrable à –29. On évolue brièvement autour de 30m, jusqu’à ce qu’une lame d’érosion effilée s’impose en proue au sol. Cette arête minérale annonce l’embranchement, à 125m (-31) entre les deux branches majeures de la cavité.

Dans l’axe de la galerie, « la branche de gauche » s’amenuise en largeur jusqu’à un virage au nord-ouest. En rive droite, un bloc massif décollé de la paroi autorise un by-pass intime. Ce bref tronçon, haut de 2,5m pour 1,5 de large est copieusement cupulé. La clarté de la roche renforce son esthétique.

A la faveur d’une courte remontée, une pièce de roche massive est posée verticalement contre la paroi de gauche, laissant apparaître un jour. Le carrefour de la Dalle (-28) marque une nouvelle bifurcation. Au sud, le shunt, hérissé de lames rocheuses, va en se réduisant vers l’aval jusqu’à rejoindre le conduit principal à –35, en aval du point bas. Au nord-ouest, tout le débit, ou presque, est canalisé dans une sublime galerie dont les parois s’agrémentent de cupules d’érosion de taille réduite, attestant de la puissance du courant au moment où elles furent sculptées. Une fracture détermine un décrochage modéré vers le bas et l’ouest-nord-ouest, qui annonce la trémie terminale, fin de la progression à 210m de la vasque. Il s’agit d’une fracture étirée en longueur, encombrée de rocs entre lesquels filtre le courant. Il est possible de louvoyer jusqu’à –22, où des interstices proscrivent le passage avec le scaphandre sur le dos. En période de hautes eaux, le courant est perceptible jusqu’à –25, beaucoup moins en partie haute, jusqu’à –22.

 

Revenu au carrefour de 125m, la branche « de droite » s’engage plein nord durant 25m, avec une section plus modeste. Elle bute rapidement sur un chaos avec deux options possibles. A droite, plein est, on contourne l’amas rocheux en remontant jusqu’à un plafond incliné proche d’une dalle. Cette étroiture est coriace et si un fil y transite, mieux vaut choisir l’autre option. A la base du chaos, un passage ébouleux et corrodé remonte franchement au nord-ouest. Le rétrécissement sommital est ponctuel, il rejoint à –27 le conduit en amont de l’étroiture entrevue précédemment par l’est du chaos. La section s’agrandit et passé un redan descendant, une jolie galerie stratifiée se prolonge jusqu’à un nouveau chaos, sous une lame rocheuse en rive gauche. Un modeste élargissement en rive droite fait face à un passage sensiblement restreint. Immédiatement après, un cran vertical débouche dans la première des deux salles qui s’enchaînent. Il s’agit d’un joli volume ascendant jonché de blocs erratiques. Un court tronçon horizontal bas de plafond rejoint un second élargissement du même acabit, tout aussi esthétique. Le sol s’y dérobe pour, passé un point bas, remonter sensiblement jusqu’à buter sur une trémie non franchie. Un peu en retrait, en rive gauche, un laminoir a été remonté sur 15m jusqu’à une paroi sur laquelle est accolée la trémie sus-citée. Cette branche est parcourue par un courant des plus modestes par rapport à la branche « de gauche ».

 

Hydrogéologie

 Le débit de cette venue d’eau karstique est très variable, entre 500  et 630 l/s. L’étude des isotopes du strontium implique que la zone noyée de l’aquifère principal se situe dans le Bathonien supérieur dolomitique. Sa température moyenne est de 11,2°C.

 

Karstologie (par Daniel André)

L’accès au réseau profond se fait par un puits, noyé dès le départ, d’une vingtaine de mètres de verticale, le réseau descend grosso-modo à la cote - 40 m. Cette disposition indique que le réseau souterrain s’est sans doute raccordé, par un conduit vertical, à un niveau de base du Tarn, surélevé par aggradation de sédiments dans le lit même. Cette disposition n’est pas courante dans le cas de rivières du versant atlantique, alors qu’elle est légion dans celles relevant de la Méditerranée (à cause de la crise de salinité messinienne). Dans les Grands Causses, les plus notables conduits noyés sous le niveau de base des rivières atlantiques sont : le Durzon, l’Esperelle, le Rouverol, la Sorgues. En ce qui concerne les Gorges du Tarn, il y a lieu de souligner que l’on rencontre rarement le bed-rock dans le lit de la rivière, la zone d’affleurement la plus notable est dans la portion du méandre de Tchamoungras, court-circuitée souterrainement par la capture souterraine du Ron-de-Gotti. Presque partout ailleurs, le lit est fait d’alluvions, dont l’épaisseur n’a jamais été sondée, que je sache (sauf au niveau de Saint-Chély-du-Tarn = 20 m de sédiments).

Sur un cliché du « carrefour de la Dalle », on voit sur cette « dalle » ce qui semble être des anneaux de Liesegang. On voit des filons en réserve, et deux types d’anneaux, un gris, et un autre roux directement calqué sur un filonnet (calcite ?) et formant un signe en « boomerang ». Le gros intérêt de Burle, c’est que ces anneaux sont en régime noyé, et ce depuis la nuit des temps, mais peut-être pas depuis toujours ; en effet, cette galerie a pu être libre, jadis, avant aggradation du lit du Tarn. Sinon, cela voudrait dire que ces anneaux ne sont pas produits par migration de sels minéraux vers une paroi exondée, mais qu’ils résultent de la proximité de filons.

 

Bibliographie

 

Accessibilité

La source est captée pour l’alimentation en eau potable de la ville. Les pompes puisent directement dans la vasque, à l’air libre. De ce fait, l’accès au plan d’eau est interdit. A terme, la municipalité souhaite ouvrir la cavité à la pratique de la plongée souterraine. Cette ouverture est subordonnée au déplacement des pompes à l’intérieur de la cavité, à un chantier d’envergure.

 

 

Merci à Daniel André et Jeannot Bancillon pour les informations karstologiques et hydrogéologiques, à Jean-Louis Galera pour la mise au propre de la topographie, à la Mairie de Sainte-Enimie de nous avoir, à titre exceptionnel, autorisé l’accès à cette cavité, à Cédrik Bancarel, Mehdi Dighouth, Frédéric Robert et Dominique Victorin pour leur contribution aux prises de vues.