LE SIPHON TERMINAL DE FAGNOULES EST FRANCHI !

29 juillet 2003... une tranche d'histoire est écrite.


Jos Beyens, SC Avalon
- www.speleo.be/avalon

 

 

 

Aujourd'hui Michaela, Annemie, Annette et moi nous nous rendons au chantoir des Fagnoules. Michel Pauwels plonge le siphon terminal et nous sommes les sherpas de service. Lestés de six sacs et d'un petit bidon nous pénétrons dans la cavité. Nous connaissons bien le cheminement au travers des blocs et chacun sait précisément comment il doit se placer. Le parcours des sacs se déroule donc sans le moindre problème et nous atteignons rapidement le fond. En dépit d'une sécheresse qui perdure depuis des mois, il semble qu'il n'y ait pas beaucoup moins d'eau qui s'écoule dans la grotte. Il doit certainement y avoir encore quelque chose à trouver en amont...

Devant le siphon Michel étale son matériel comme un vrai pro. On dirait la brocante d'Awagne, tout un tas de bazars plus ou moins bricolés. Cerise sur le gâteau : s'il y a bien une bouteille à 300 bars le raccord du narguilé, lui, est prévu pour 200. Pas vraiment fait pour s'accorder, mais malgré une fuite bien audible Michel semble pouvoir s'en accommoder.

Il enfile ensuite sa combi, s'attache une ceinture de plombs, une petite bouteille de sécurité équipée d'un détendeur et démarre. La grosse bouteille reste près de nous : un tuyau de 25 m. y est raccordé, muni d'un embout côté plongeur. Voulons-nous bien être assez bons pour faire suivre le tuyau et en même temps garder un œil sur la pression de la bouteille ?

Nous voyons Michel disparaître dans le siphon. A côté de nous nous pouvons entendre le bruit lugubre de la bouteille qui ''respire''. Nous respirons sans aucun doute plus vite que notre plongeur. La tension est palpable. Annemie essaie de suivre la respiration tranquille de Michel. C'est incroyable à quel point son rythme est contrôlé. Nous ne le voyons pas, mais la régularité des bulles qui éclatent en surface nous rassure. Enfin nous voyons réapparaître ses lampes : il n'y a pas d'obstruction de blocs dans le siphon, mais bien une grande quantité de gravier.

Il doit s'y creuser un passage, et vérifie après chaque mètre d'avancée s'il lui est toujours possible de faire marche arrière. Nous le voyons ainsi réapparaître par trois fois. A la troisième il nous annonce être parvenu à un point où cela s'élargit nettement avant de remonter. Il y a une sorte de coude en Z, pas très large, mais il va essayer quand même. Nous essayons de faire suivre le tuyau du narguilé aussi bien que faire se peut. Avoir la vie qui ne tient qu'à un fil prend ici une signification concrète. Et soudain la bouteille cesse de respirer...!

Nous retenons notre souffle. Nous n'entendons plus rien. Nous supposons qu'il est passé, mais n'avons aucune certitude. Il est 12 h. 10. Dix minutes plus tard, toujours rien. Puis soudain le chuintement longtemps attendu de la bouteille. Nous poussons tous un soupir de soulagement et une même exclamation nous échappe spontanément : le siphon doit être franchi ! Encore quelques instants de tension et Michel réapparaît à la surface. Il semble fort satisfait, et nous plus encore…

Après un premier siphon (15 m., -3) et un petit lac (4 m. de long), le narguilé s'est avéré trop court. Il a continué sur sa bouteille de réserve dans un second siphon, très court, à peine un peu plus d'un m., et a parcouru ensuite 30 m. de galerie facile. Michel s'est arrêté uniquement parce qu'il ne voulait pas continuer en solo tout en nous laissant plus longtemps dans l'incertitude. La galerie continue sans problèmes…

Après qu'il ait éprouvé quelques difficultés dans le siphon 2 pour en retrouver l'issue, nous avons à nouveau entendu respirer la bouteille… et savions donc qu'il était encore en vie.

Notre sentiment est ambivalent. Nous sommes bien sûr heureux que la grotte continue mais sommes aussi un peu tristes, cela n'est plus pour nous. A première vue il n'existe pas de possibilité de shunt.

Cet hiver Michel reviendra avec un équipier. Ils pourront alors examiner les lieux plus en détail. Et, qui sait, peut-être trouveront-ils tout de même un passage pour shunter le siphon…

Au chantoir des Fagnoules, il y a du nouveau : le réseau post-siphon que j'avais visité en première avec Jacques Petit a pu être parcouru par des non-plongeurs après pompage. L'estimation minimaliste que nous avions donnée (200 m. de développement) passe à 500 m. au moins, ce qui en Belgique représente un sacré gros morceau, et un des plus importants développements post-siphon explorés à ce jour. L'originalité de la manip réside dans le fait que les siphons sont alimentés par un ruisseau permanent qu'il a fallu barrer, puis capter dans un tuyau que les plongeurs ont fait fait déboucher en aval des
siphons. Un raccord sur le tuyau permet d'évacuer l'eau pompée par le même chemin. Bel exemple donc de collaboration plongeurs/spéléos.
Compte rendu détaillé sur www.speleo.be/avalon (en néérlandais et anglais seulement, sorry). Suite de l'explo (siphon 4 que l'on atteindra maintenant à pied sec) ce WE ...

mai 2004 par Michel Pauwels :
le débit était tel que le pompage n'a pas été possible. Résultat : nous (2 plongeurs : Jacques Petit et moi-même) avons dû repasser les deux premiers siphons (avec le tuyau dedans, c'était déjà pas large avant....) et porter nous-mêmes un matos jusqu'au siphon 4 (je ne me suis pas trompé dans les comptes, le S3 se shunte par un passage supérieur).

La vasque est très chouette, cela ressemble à un bain de mousse mais c'est pas la même odeur... Après une demi-heure de désob dans la merdouille, j'ai passé ce siphon de dix mètres, suivi de dix mètres de voûte mouillante extra-plate et de 30 mètres de galerie à taille humaine, avant de m'arrêter sur un cinquième siphon. Apparemment plus vaste que le reste, mais encore plus mousseux si faire se peut...

Vu que j'avais laissé mon matos après la voûte mouillante, je n'ai même pas voulu mettre ma tête dedans : il vaut mieux sortir couvert, nous dit-on.

Suite au prochain numéro...