H.uenti'l Cuelebre :
une plongée à l'anglaise sous les Asturies.

Par Frank Vasseur (Golosson Aguaron)

Photographies : Xesus Manteca (Teca)

El Pareaon, par Richard Huttler

 

2 Août 2003, Massif des Picos des Europa. Un nom magique qui sonne juste.

Nous débarquons avec Guillaume hagards, après une longue journée de route à surfer sur les bouchons. Un plongeur asturien devrait nous rejoindre dans l'après-midi. Finalement, l'équipe « Ensame Aguaron » presque au complet nous accueille. Il s'agit d'un groupe d'une demi-douzaine de membres, qui repose sur la collaboration et la mise en commun des moyens de plongeurs issus de clubs différents. Ils nous entraînent illico festoyer au « Paréon », une sacrément bonne adresse. La glace est rompue, pulvérisée.

3 août
La résurgence de Cuelebre se jette dans le Rio Deva, sous le massif oriental des Picos.
H.uenti'l Cuelebre, avait été plongée par André Pahud et Cathy Loumont en 1978 jusqu'à –44, puis dernièrement jusqu'à –55 par Javier Lusarreta.

Aujourd'hui nous plongeons ensemble, dans une source où ils travaillent depuis plusieurs années. Nos collègues occidentaux attestent là d'un sens de l'accueil, d'une conception de l'exploration spéléologique et de la collaboration entre équipes, dont on gagnerait à s'inspirer de ce côté-ci des Pyrénées.
Au bord du Rio Deva, à l'aplomb d'une haute lézarde exhalant un filet d'onde pure, s'étale une vingtaine de bouteilles et autres menus accessoires associés.
Juanjo et Oscar plongent en premier. Ils inspectent les deux cloches d'air situées en amont et en aval d'une étroiture, à 60m de l'entrée. Ce passage, bien que ponctuel, impose la configuration latérale (bouteilles le long du corps).

Ils reviennent bredouille. On ne shuntera pas ce passage par une galerie supérieure.
Teca emporte deux bouteilles d'oxygène à 100m de l'entrée, là où se dérouleront les derniers paliers.

Javier est en faction, à l'aplomb du ressaut qui domine l'étroit méandre, baigné par la vasque du siphon. Il fait passer les bouteilles aux collègues, assure les prises pour la descente, tend une main salvatrice pour la remontée. C'est lui qui a été le plus loin dans ce siphon. Il nous a expliqué la configuration de la zone terminale, montré son croquis d'exploration, détaillé le déroulement de sa dernière plongée.

Avec Guillaume nous fermons la marche pour une première approche de la caverne. La journée de route d'hier, cumulée à la soirée au « Paréon » impose un minimum d'humilité dans la définition des objectifs.
La source est sympathiquement surprenante. Nous visualisons enfin ce que les informations et la topographie transmises par Josep Guarro, avaient permis d'imaginer.
Le méandre d'entrée malcommode mais esthétique, l'étroiture verticale mais négociable, le profil en « yo-yo » mais de faible ampleur.

100m de l'entrée, terminus topo. Raccord du fil métré. A cet endroit, la section diminue. On évolue dans un haut méandre. Guillaume préfère ne pas encombrer cet espace réduit et sinueux, et fait demi-tour.

Effectivement multiplier les plongeurs présenterait uniquement des inconvénients. Le conduit se réduit à une circonférence d'un petit mètre, abruptement surcreusé sur deux à trois mètres, au-delà desquels on devinerait un volume inférieur. Tourne, tourne, tourne, tourne encore, toujours du même côté, jusqu'à déboucher en tête d'un ressaut de 4 mètres.

Teca baptisera ce passage « el caracol » (l'escargot). Le fil d'Ariane se prolonge dans la partie supérieure réduite encore et hérissée de lames d'érosion.

Plus ça va, moins ça va !
Peu enclin à s'engager par cette voie, j'opte pour le fond. Un petit plongeon, pour atterrir à –32 sur une dune de sable inclinée. Vers le fond, c'est plus que confortable. Vers l'amont, ça pince un peu, mais plus avenant que la voie supérieure.
On verra ça une autre fois. J'abandonne la bouteille relais sur le dévidoir en tête du ressaut, puis retour en topographiant la partie équipée aujourd'hui.

4 août
Nous ne sommes aujourd'hui que deux. Guillaume apporte un précieux et sérieux coup de main au portage. L'objectif consiste à trouver un passage inférieur pour shunter le « caracol » et toute la partie supérieure du méandre noyé.

Je retourne au terminus d'hier, descends le dévidoir et la bouteille-relais au sol et visualise le passage. Puis, retour en amont au début du méandre pour fouiner la partie inférieure. Effectivement, après un rétrécissement rocheux, une pente de sable augure un élargissement et … bingo ! bientôt le faisceau révèle la bouteille et le dévidoir.

La plongée se termine par l'équipement jusqu'au terminus de 1978, à –40 et le complément topo.

5 août
Cette fois ça y est, la première partie de la cavité est « maîtrisée », les passages-clés sont connus, les bouteilles de décompression installées, le fil reéquipé, le tout topographié, les tables de décompression recalculées en fonction de la topographie.

Christian, Guillaume et Kino sont là pour assister la mise à l'eau. Teca fera l'assistance et prendra des photos.
Après un rituel d'équipement torride et malaisé dans l'étroit méandre de départ, l'immersion devient agréable. A – 40, une dizaine de mètres à l'horizontale, puis un conduit fortement incliné dégringole jusqu'au terminus du fil. On poursuit dans le même ton jusqu'à un brusque virage au-dessus d'une profonde marmite. Glissade en douceur jusqu'à une fracture, à –65, le point bas du siphon.

Parti pour une profonde planifiée pour –80 mètres maxi, voilà qu'il faut négocier un passage étroit à –65 pour …. remonter ensuite régulièrement, progressivement. A –54, le siphon change à nouveau de section. Je domine une profonde marmite. Circulaire, elle se déforme à l'extrémité opposée, mais rien de pénétrable.

La suite est au sol. A –58, un lit de blocs glisse dans une étroite fracture. A l'égyptienne, ça passe. Encore un petit mètre et l'horizon s'évase en remontant sensiblement. Ce sera tout pour aujourd'hui, car les manomètres flirtent avec la pression-limite.

Retour sans encombres. Le paysage défile dans l'autre sens, les relevés topos garnissent l'ardoise. Les premiers paliers débutent dans la purée de pois, puis s'enchaînent dans un univers plus cristallin. La variété du conduit égaie ces longues stations solitaires.

A –6, Teca fait « la jonction ». Echanges de signes, approfondis par des schémas et quelques lignes sur l'ardoise, quelques éclairs de flashes. Il se charge de deux bouteilles et effectue une navette jusqu'à la sortie.
Lorsqu'il revient, les tables m'ont libéré de leur contrainte, nous sortons ensemble.

Le passage de l'étroiture des 50m, pieds devant avec deux relais à traîner n'est pas d'une extrême subtilité. Teca en prend son parti et termine sa pellicule. Sur le coup j'émets des réserves sur la qualité des images, vu les particules en suspension. Mais au final, nous sommes très agréablement surpris.
Retour aux voitures, portés par les flots de la Deva, puis dégustation de turron en échafaudant les projets futurs.

Assurément, les Picos et leurs autochtones ont un goût de reviens-y.

 

initiation a la sidra par teca et javier
par Richard Huttler

 


apres l'etroiture, on reprend ses esprits

 

passage de l'etroiture

 


guillaume et oscar dans le porche d'entrée

 

jonction au palier de -6

 

passage de l'etroiture des 50m

passage remontant à 90m


preparatifs dans le porche

sous la cloche des 40m


Equipe Ensame Aguaron : Juan-José ALONSO (Juanjo), Oscar CUADRADO MENDEZ, Javier et Mercedes LUSARRETA, Xesus MANTECA (Teca).

Equipe Golosson Aguaron : Christian et Delphine Deit, Denis Grammont, Richard Huttler, Nadir Lasson, Laurent Mestre, Kino Passevant, Guillaume Tixier, Frank Vasseur, Damien Vignoles.

Merci à la société Holcim pour sa contribution financière, aux sociétés Baeur, Beal, Stradal Topstar et Torro pour les réductions consenties à l'achat de matériel, au magasin « Le Vieux Plongeur » pour son soutien matériel, à la F.F.E.S.S.M. (C.N.P.S. et C.R.P.S. LRMP) et à la CREI pour le parrainage et la contribution matérielle et financière.

Merci aussi au groupe « Ensame Aguaron » pour son accueil, sa participation active et son amitié, à Josep Guarro pour l'aide à l'organisation et les informations, au Spéléo-Club de l'Aude pour les autorisations et à Christophe Bes pour les renseignements fournis.