Grotte du Barrage

2003


par Jean-Louis Galera

Compte-rendu de la plongée du 7/09/03 dans la grotte du Barrage (30).

A environ 800m de l'entrée, le niveau du siphon est inférieur de 4m à celui de la dernière plongée (P.Penez et JC Chouquet, début des années 80), ce qui économise une trentaine de mètres de progression dans le siphon.

Tout le matériel est arrivé en état au siphon (on est plus vieux, on va moins vite et on casse moins ;-)).
Après une séance déshabillage-déguisement en batracien, sous le feu nourri de Jean-Louis le paparazzi, mise à l'eau dans un cloaque infâme malgré des précautions d'usage (équipement complet et chaussage des palmes hors de l'eau).

préparatifs par JL. galera

La touille règne en maître dans les premiers mètres du siphon. En butant sur la paroi de gauche, j'atteins un premier coude bien marqué à 15m du départ. Comme la galerie est en pente, l'eau trouble, plus lourde, m'a précédé. Un replat a ralenti sa progression, et en me redressant, j'aperçois, dans une tranche d'eau claire, la suite de la galerie.
Je fractionne avec un "quercyrail", puis, vers 30m du départ, à -10, je sors du nuage, plus proche du Banania des petits déjeuners de mon enfance, que des siphons céladons où vagabondent les rêves des ultra-tek divers.

La morphologie du siphon est ensuite régulière : 3m de large pour autant de haut. Le plafond est très sombre, le sol, recouvert de limon, est recreusé au centre et bordé de talus gadouilleux.
Finalement, en progressant léger sur les palmes et en équipant, quand c'est possible, sur la paroi, on arrive à conserver une visibilité acceptable. L'ancien fil d'Ariane est volontairement solidarisé avec le neuf, pour éviter un emmêlage désagréable.

A l'aller, la visibilité dépasse 6m. Le sol et le fil sont ponctuellement jonchés de déchets (fragments de sacs plastique, plaquettes de médicaments). Je progresse régulièrement en levant la topographie afin de bénéficier de conditions de visibilité optimale.
Après un point bas à -30, une remontée passe sous une salle au plafond magnifique malgré sa noirceur. J'ai déjà laissé trois de mes "Quercyrails", et je conserve le dernier pour la fin, étant donné l'indigence des points d'amarrages naturels (forcément, quand une galerie est partiellement comblée par de l'argile, il y a surtout du matériau "fluide" dans l'espace d'évolution).


Au détour de la galerie, l'extrémité du vieux fil est posée sur l'argile, marqué par une grande boucle. Le conduit continue à angle droit.
205m du départ, à -36. Avec mon 2 x 7l, j'ai de quoi progresser juste un peu, histoire de voir comment se présente la suite.
Le dernier Quercyrail est sacrifié pour fractionner dans ce virage, puis la galerie s'enfonce progressivement en conservant une section de 3 x 3m. Je stoppe à 233m (-41), sur autonomie.
L'amarrage terminal est plus que sommaire, sur un ergot rocheux en paroi de gauche.

Cette plongée aura permis de reéquiper et de topographier intégralement le siphon, de le reconnaître en vue d'organiser une plongée d'exploration, et de faire 28m de première, ce qui est toujours agréable.
Température de l'eau : 14°C


Participants : Jean-Marc Belin, Valérie Carrère, Guillaume Coerchon, Jean-Louis Galera, Kino Passevant, Catherine Perret, Martial Trauchessec, Frank Vasseur.


Compte-rendu de la plongée du 16/11/2003

" Tiens, je vous ai apporté la topo du Barrage, vous voulez jeter un œil ? "
Le (deuxième ou troisième) verre de pastis à la main, les odeurs de grillades dans les narines, on s'en foutait presque un peu, de sa topo, au père Jean-Louis.
Et puis, le lascar sachant y faire, nous avions fini par nous intéresser à son rouleau. Galerie des ours, shunts, escalades, excentriques, siphons, c'est qu'il y avait matière. Tant et si bien qu'on s'était laissé prendre, pendant que les côtelettes saisissaient sur le barbecue.
Il y avait même un siphon, mais ce que Jean-Louis ne savait pas, nous le savions. Un coup d'ordinateur, nous étions fixé : 230m ; -40, arrêt sur rien.
" Mais alors, il va falloir le plonger ! "

Il est terrible, le père Jean-Louis. Et quand il veut quelque chose… C'est ainsi que nous nous retrouvions à la mi-novembre à ramper dans la grotte du Barrage avec 8 kits-plongée et quelques menus apparats d'escalade, photo et culinaires.

Une reconnaissance début septembre avait permis le rééquipement et la topographie intégrale du siphon, et luxe, suprême un peu plus de 20m de première.


la cheminée par jean-louis galera
Aujourd'hui aussi, l'équipe avance bien, malgré ses origines diverses et variées. Jugez donc : des Gardois (of course), des Lozériens et des Héraultais, des jeunes et des seniors, des poilus et des charmantes, des marins et des caverneux, des gros et des maigres, des novices et des Vetus Reptator, des épicuriens et des mangeurs de graines, des disciples de Bacchus et des suceurs de glaçons. Bref, onze paires de pattes et autant d'épaules chargées comme il se doit.
La cavité est sympathique, et c'est flânant, devisant, conversant nous arrivons en masse à la base de l'escalade de 10m.

Judicieuse stratégie de groupe, qui occasionne 45minutes de bouchon convivial. La caravane s'étire ensuite, qui fonçant au siphon pour se libérer au plus vite de la charge, qui profitant des excentriques et de la présence de Michel pour un cours de concrétionnologie, qui faisant de son mieux pour arriver à bon port avec sa cargaison associée.
J'ai pour ma part écopé d'un sherpa tant pondéreux (il est chargé de plombs) que volumineux (il y a aussi le vêtement étanche dedans), et il faut négocier un tantinet les passages étroits précédant le siphon.

Arrivés à la vasque, force est de constater que le niveau du siphon est bel et bien remonté de 5m, comme l'avait annoncé Jean-Louis. On ne bénéficie pas tous les jours une canicule pour assécher les garrigues.

Les copains n'ont pas chômé, les bouteilles sont toutes sorties des sacs, fichées debout, robinets loin de l'argile omniprésente en ce coin de la caverne.
Alors que le reste de l'équipe arrive (les concrétionophiles), les autres se restaurent. Pendant qu'ils font bombance en de bacchanales agapes, je m'astreins à la sobriété. Tant en qualité (de l'eau, seulement de l'eau), qu'en quantité. Je constate en effet que le " Penilex ", ustensile destiné à uriner en-dehors de la combinaison, est resté à la maison (Ben oui, j'ai du interrompre la préparation pour cause de bébé qui pleure à cause des dents qui poussent …)

guillaume et michel font la haie d'honneur par eric petit.

Bravement soutenu par les copains, je suis rapidement prêt à partir, avec mes cinq bouteilles, les plombs et le dévidoir.
Comme le niveau est plus haut que lors de la dernière plongée, il faut doubler l'ancien fil d'Ariane copieusement ensablé par endroits, sur les 24 premiers mètres.
" Serre au maximum à gauche " disait Jean-Louis. Je voudrais bien l'y voir, tiens ! Avec des bouteilles dans tous les sens, dans une eau totalement trouble, à essayer de progresser dans une section réduite de la galerie.
Tant pis, je me décale vers le centre du conduit et sacrifie un des cinq " clous " largables pour positionner le fil au sol et à l'endroit le plus large de la galerie.
Je progresse ainsi nettement mieux, sans ramoner les parois. L'amarrage initial du fil installé lors de la plongée précédente est atteint juste au sortir du nuage de " touille " soulevée lors de la mise à l'eau. Raccord des fils-guides, rangement du dévidoir, et largage de la première bouteille, celle d'oxygène, réservée uniquement à la décompression, à -6m.

Malgré une bouteille en moins, je suis encore déséquilibré. Je m'accorde un arrêt pour remettre le tout " au clair ". Desserrer les bretelles pour redescendre le bi sur le dos, repositionner la " gueuse " (ce délicat bloc de 3 kg de plomb), ajuster les bouteilles-relais.
La touille a de nouveau gagné du terrain, et il faut à nouveau avancer pour doubler le nuage. J'y parviens juste à temps pour reprendre un cap, dont la fiabilité était plus que relative à cause des conditions de relevé (dans le noir total) la dernière fois.
340°. Effectivement, 70° d'erreur, ce n'est pas négligeable.

Passé le premier virage, je retrouve la visibilité et les quelques détritus qui jonchent le sol. Ici une pile électrique en décomposition, là des sacs plastique déchiquetés, des plaquettes de médicaments. Ceci reste cependant en proportion anecdotique sur la globalité du siphon.
Dégagé de l'équipement du fil, réalisé lors d'une plongée antérieure, j'embrasse du regard le conduit. Toujours une section à peu près régulière, avec un plafond concave, une largeur de 2 à 3m et une hauteur irrégulière, liée au degré de remplissage de la galerie.


Au sol, l'argile a colmaté la partie inférieure de la coursive. Le remplissage est parfois entaillé d'un chenal d'écoulement, parfois lissé lorsque un replat précède un cran de descente plus accentué.
On descend assez régulièrement sur un pendage généralement homogène.
-30m. Déjà 160m parcourus depuis la vasque. Largage de la première bouteille-relais de mélange 40/20 (40% d'oxygène, 20% d'hélium et le reste d'azote), à la profondeur limite imposée par la concentration en oxygène. Plus bas, la pression partielle de ce gaz, trop élevée, aurait de graves effets sur l'organisme.
On ne va pas digresser sur les considérations techniques, mais certains plongeurs " techniques " considèrent qu'en plongée, l'air ambiant n'est bon qu'à gonfler les pneus des véhicules et les boudins des canots pneumatiques.
Bien qu'arborant un début de bouée, je ne la gonfle pas avec de l'air et me rallie aux " teks " dans ce domaine.
Les bouteilles ne contiennent que des mélanges appropriés aux profondeurs de la galerie. Ils ont été composés en connaissance de la topographie, afin d'optimiser le ratio composition / temps d'utilisation durant le trajet.
Approvisionné par la seconde bouteille-relais, du mélange 30/20, j'arrive au premier point bas de -35, précédé un long virage vers le nord-ouest. Le plafond se rabaisse. Ca frotte un peu, puis un abrupt talus d'argile remonte à -30. Là, la tête dépasse d'une couche d'eau sale pour profiter d'une couche d'eau translucide, bloquée sous une rotonde couleur d'ébène. Quelques instants privilégiés, et puis il faut retourner à la dure réalité. De l'eau sale, avec quelques petits mètres de visibilité.
-36, 240m du départ environ, je largue le second relais, et passe sur le scaphandre dorsal (un mélange 20/30). Malgré le niveau supérieur de 5m à la plongée précédente et la visibilité un tantinet moins bonne, j'ai sur les épaules de quoi faire un petit bout, en fonction de la profondeur.
Deux virages successifs, le terminus du fil de Patrick Penez, une jolie ligne droite s'annonce. 260m : raccord du fil avec le dévidoir, et c'est parti. La section de la galerie a diminué, malgré une morphologie grossièrement analogue. Le remplissage doit être plus important. Effectivement, à chaque arrêt pour équiper le fil, c'est l'avalanche de touille, l'annulation de la visibilité. Un bref replat à -51, puis la descente continue, toujours sur le même pendage. A -60, un point bas est agrémenté de ripple-marks dans les limons sableux.
Sensible remontée à -56,6, puis un retrouve le pendage général. Le plafond se relève nettement, à la faveur d'une cheminée en rive droite. La coulée de limon volatile qui en provient décourage illico toute volonté d'explorer cette voie-là.
Un net virage plein ouest, et le conduit reprend ses dimensions modestes, où l'argile le dispute avec succès à l'espace d'évolution.
360m, -62. le conduit se réoriente brusquement au nord. J'enfonce le dernier clou dans le limon fluide. J'ai à peine le temps d'entrevoir la suite, deux mètres plus bas. Une galerie horizontale, plus basse, avec des rognons d'argile dressés.
J'aurais bien de quoi faire quelques mètres de plus, mais le rideau d'argile dégringole sur l'artiste, avant la fin de la représentation. Hésitation.
Sans amarrage pour fixer le fil plus loin, avec une visibilité nulle, à cette profondeur et avec une limite d'autonomie proche, le jeu n'en vaut pas la chandelle.
101m découverts aujourd'hui, avec la partie explorée la dernière fois, cela porte à 130m le " neuf " dans le siphon.
On peut considérer que c'est bien peu en rapport aux efforts, au matériel et au temps consacré à ces plongées.
Mais en plongée, surtout dans ces conditions (plongée en fond de grotte, en profonde et avec une mauvaise visibilité), les valeurs sont à reconsidérer.
Coup de sécateur, nœuds sur l'amarrage et sur le dévidoir, prise de cap.
Retour en relevant les mesures nécessaires au tracé futur de la topographie.
Avec une visibilité réduite à quelques rares décimètres, le relevé s'effectue sur le fil. Le retour n'est qu'un monotone cheminement dans un épais brouillard. J'éteins le phare le plus puissant qui a tendance à réfléchir sur les particules en suspension. Il éblouit plus qu'il n'éclaire.
Récupération des deux bouteilles, changement de gaz et arrivée à -21, au premier palier, avec deux minutes d'avance sur le temps le plus court des tables customisées pour l'occasion (avec un logiciel de décompression).
Les minutes s'égrènent, monotones dans cet exil solitaire. Les stations prolongées sont propices à la flânerie intellectuelle comme à l'observation des détails. Sur le sable, des crevettes dépigmentées caracolent.
Heureuses d'avoir de la compagnie ? La gaieté est réciproque. Nous croisons un temps les arabesques de leur danses désordonnée avec les faisceaux des éclairages.

J'émerge après 90 minutes de plongée. Pendant ce temps, les copains ne sont pas restés inactifs. Jean-Louis et Guillaume ont grimpé plusieurs cheminées, les autres ont été fouiner des étroitures et admirer le concrétionnement.

Eric mitraille avec l'appareil numérique de Jean-Louis, Guillaume et Michel me délestent prestement de tous les gadgets pondéreux.
Pendant que je soulage ma vessie, tous s'activent à démonter le matériel et tout est vite remballé, en un ballet actif et efficace où presque tout retrouve sa place. En un temps record.
J'ai rarement vu ça, ça fait plaisir.

Au fur et à mesure, nous nous égrenons vers la sortie par petits groupes de 2 ou 3. En moins d'une heure, nous retrouvons l'air de la garrigue.
Sous nos pieds, le Gardon a pris quelques rondeurs et s'est teinté d'une pigmentation assez proche de celle subie dans le siphon.
Impression de déjà vu, de vécu…proche.

Les jarrets sont encore mis à contribution pour remonter sur la crête, et nous terminons sous la pluie par un pot au bistrot de La Calmette.
Martial pourra ainsi apprécier les mamelles fraîchement siliconées de stars éphémères de la télé-proximité, sur l'écran qui doit plus souvent attirer des footeux alcooliques ou des amateurs de tauromachie que des bouseux lubriques.

Grand merci à tous pour ces deux sorties aussi efficaces que conviviales.

Participants : (photos de jean-louis Galera)


Jean-Marc. Belin

Valérie Carrere

Guillaume Coerchon

Jean-Louis Galera

Eric Petit

Catherine Perret

Kino Passevant

Eric Leroy

Martial Trauchessec

Frank Vasseur

Michel Wienin