Réseau noyé de la rivière souterraine des Robots  

Travaux des Plongeurs Spéléologues de Paris


présentés par Joël Endewell et Joël Rodet
Article publié dans « Siphon 78 » p.117-121

 


 

ASPECT SCIENTIFIQUE DE LA RIVIERE DES ROBOTS à Caumont (Eure)

Les réseaux de Caumont appartiennent à l'ensemble crayeux du Bassin de Paris. La craie est une roche carbonnatée poreuse. Carbon­ natée, elle est soluble comme un calcaire ; poreuse, elle se comporte un peu comme un sable mais sans son pouvoir filtrant. Cette porosité explique la présence d'une nappe phréatique sous tous les plateaux. Cependant la présence d'un niveau de base, en relation avec le niveau marin, permet dans les zones de détente des rebords de massifs, l'établissement de circulations concentrées donnant le karst crayeux, lequel s'établit sur le toit de la nappe.

Durant le Quaternaire, la Normandie crayeuse a subi les influences des variations du niveau eustatique, de par sa position maritime, et les terrasses du Val de Seine en sont les témoins. Le karst a lui aussi, ressenti ces variations, lesquelles ont pu permettre des rennoiements du continent de plus de 50 m d'altitude, ou des abaisse­ ments du niveau marin pouvant atteindre 250 m (la Manche n'étant plus qu'une simple vallée).

Ainsi à Caumont, la Rivière des Robots porte les témoignages d'une période à niveau marin légèrement plus élevé que l'actuel (0 à + 5 m) - galerie de la salle 0 à la salle 22 -, suivi d'une phase d'ennoiement donnant les salles qui ne sont en fait que des ébauches de cheminée d'équilibre. L'exploration de la partie noyée par la G.S. du Havre puis surtout par les Plongeurs Spéléologues de Paris a mis en évidence une phase de cavernement située à au moins 8-10 m sous le niveau actuel. De ce niveau rennoyé par la dernière transgression marine, seules quelques cheminées émergent donnant les cloches-relais des plongeurs. L'intérêt de l'exploration en cours de cette zone noyée est de savoir si le creusement est en relation avec la topographie de surface actuelle ou s'il est hérité d'une paléogéographie en liaison avec la mise en place de la Vallée de la Seine.

Le Havre, le 17 avril 1978.
Joël RODET,
17, avenue Foch, 76600 LE HAVRE.

RESEAU NOYE DE CAUMONT (Eure)

SITUATION

Commune de Caumont (Eure), lieudit Le Bas-Caumont ; carte I.G.M. 1/25000, Rouen Ouest, n ,, 7-8 : 496,287 x 187,067 X 10 m.

DESCRIPTION.

Au fond d'une galerie artificielle creusée au x éme siècle se situe la rivière blanche dite des Robots. Elle est constituée d'un boyau variant de 2 à 0,50 m de haut sur une longueur d'environ 1 km au trois quarts à demi-noyée et entrecoupée de diaclases qui permirent la formation de nombreuses salles (hauteur 6 m, largeur 5 m, longueur 15 à 20 m).

A environ 550 m de l'entrée de la rivière, une diaclase siphonne. Ce siphon fut plongé pour la première fois par des plongeurs du Havre mais ne fut jamais franchi.

Dans l'hiver 76-77, le P.S.P. entreprit de nombreuses expéditions.

I. - Connaissant mal les techniques de plongée souterraine, la ligne d'Ariane déroulée de la surface se coince au bout de 30 m et le plongeur doit faire demi-tour.

II. - Un nouveau dévidoir est fabriqué. Après avoir dévidé 67 m de ligne d'Ariane, le plongeur débouche dans une salle comportant une nappe triangulaire, un éboulis et de très belles concrétions d'argile. Craignant que ses camarades d'explo s'inquiètent et partent à sa recherche, il rentre.

III. - Le matériel ayant donné toute satisfaction, nous décidons de continuer l'exploration. Nous plongeons à deux afin de faire des photos du siphon, des concrétions et de la salle. Arrivés dans la salle de Joël, le plongeur de pointe se glisse dans l'étroiture. Il réapparaît bientôt après une désobstruction légère sur le côté gauche de l'éboulis. Une bonne nouvelle : de l'autre côté la galerie resiphonne. Le passage de l'équipement dans la chatière ne pose que des problèmes d'équi­ libre. La structure de la salle apparaît clairement : elle avait une longueur de 20 m et a été coupée en deux par l'éboulis. Sa largeur maximale peut être évaluée à 8 m de même que sa hauteur. Déroulant la ligne derrière lui, le plongeur parcourt 170 m et arrive après avoir traversé cinq cloches dans une salle légèrement plus importante que la première. A l'autre bout un nouveau siphon.

IV. - Après examen des cartes géologiques et d'Etat-Major de la région, nous décidons de faire une pointe de 800 m. Etant donné la distance à parcourir, il n'est pas possible d'y aller à plus de deux plongeurs.

Pour tirer les neuf blocs (2,1 m 3 ), les deux mini (0,8 m 3 ) et les deux sacs dans le réseau difficile, étroit et boueux, nous sommes aidés par une équipe importante de spéléos de la région jusqu'à la voûte mouillante. Les deux plongeurs font deux voyages pour acheminer les « colis » jusqu'au siphon.

Les essais de sustentation du train de blocs que nous devons tirer derrière nous ne sont pas concluants ce qui nous conduit à prévoir une pointe de 400 m seulement. L'équipement se réduit à deux 2,1 m 3 sur le dos et une 0,8 m 3 à la main. ils gagnent la salle et découvrent une salle annexe à cette dernière beaucoup plus petite. Le troisième siphon est plongé. Après 1 h 10 de plongée, le plongeur de pointe revient ayant déroulé 344 m de ligne d'Ariane d'un seul jet dans un parcours de montagnes russes allant jusqu'à - 6 m ; à 110 m, il a rencontré une petite salle noyée. La dernière cloche d'air, la cloche Monique, fut le terminus 77. Au total 581 m de réseau noyé pour 12 heures d'exploration et il y a encore un départ.

Reprise des travaux pendant l'hiver 77-78.

Après une séance de topographie peu concluante, nous avons décidé de continuer les plongées de pointe.

Un relais est installé dans la salle Magma (deux Spiro 1,6 m 3 ) à 340 m. Au bout des 581 m, un siphon de 27 m est franchi après avoir passé deux étroitures capelées. Il débouche sur la salle Christiane. Un nouveau siphon de 49 m est plongé dans la foulée et débouche sur une gigantesque salle (50 m environ). Devant l'étendue de cette salle, le plongeur solitaire se résigne à rentrer après s'être assuré que la galerie resiphonne.

Le temps de plongée : 4 h 45 dont 3 h 20 d'immersion totale en solitaire. Volume d'air consommé : 3,6 m 3 .

Longueur réseau noyé : 636 m. Longueur salles exondées : 153 m. Siphon : largeur 1,70 m environ ; hauteur 1,80 m environ.

MATERIEL UTILISE.

Bouteilles

  • Spiro 1,6 ml;
  • Spiro 2,1 m 3 177 bar ; - Spiro 2,4 m 3 200 bar ;
  • Scubapro 0,8 m 3 200 bar.

Détendeurs

  • 4 Scubapro MK 4 ; - 2 Aquilon ; - 1 Spiro 8 ; - 1 Star France.

Dans ces siphons très boueux, il est très difficile de maintenir propre les détendeurs. Les Scubapro MK 4 nous ont donné entière satisfaction. Cependant quelques petits problèmes au niveau du rac­cord tournant du manomètre (la pièce laiton comportant deux joints toriques est fragile, une modification s'impose) et lorsque l'on emploi un détendeur Scubapro sur une robinetterie Spiro on doit changer fréquemment les joints de bouteille (siège premier étage Scubapro légèrement inférieur au Spiro ce qui entraîne une mauvaise compres­sion du joint).

TECHNIQUES DE PROGRESSION.

Dans ces difficiles réseaux, il est préférable de ne pas porter le matériel mais de le traîner avec une longe. De nombreux « tireurs » ont été usés à cette difficile tâche. Grâce à eux, les plongeurs ont pu garder des forces pour la pointe.

Les siphons sont équipés de lignes d'Ariane de diamètre 4 mm en permanence. Ils sont très clairs à l'aller mais au retour c'est une véritable « purée de pois ». Il est impossible de lire une montre ou un manomètre.

PLONGEURS.

  • Pointe : Joël ENNDEWELL ; Pierre MOREL.
  • Assistance : Alain GUIOT ; Pascal GUIRAUTON ; Daniel SAIM.

La poursuite de l'exploration nous demande maintenant un matériel très important et du temps. Elle sera poursuivie dès que possible.