LE PEYROL DE CHADOUILLET

Par Denis Lorain - 1972

 
photo grps - aoüt 1972

 

Denis Lorain a rédigé ce texte en 2004, soit 32 ans après la plongée. Nos nous sommes juste permis d'actualiser les cotes (distances et profondeur) en fonction de la topographie.

Chadouillet est une petite ville à coté de Saint André-de-Cruzières. Nous sommes en août 1972. Notre expédition a été préparée de longue date comme toujours. Nous savons qu'un départ de siphon se trouve vers la droite, pas très loin de l'entrée. Une autre reconnaissance nous avait appris qu'un lac souterrain existait à 100m de l'entrée. Très bien !

Nous tentons une première plongée dans le siphon de droite. Je plonge avec Mickey. Le siphon est d'une très grande beauté, car l'eau y est très claire. La profondeur moyenne de notre plongée est, au plus, seulement de 10 mètres. Nous parvenons à faire une distance de 40 à 50 mètres, mais très vite nous devons renoncer, on n'insiste pas. Une étroiture assez sévère empêche notre progression. Il va falloir réfléchir pour voir ce que nous pouvons faire ici. Demi tour et nous rejoignons notre équipe de soutien. Le lendemain, cette fois c'est la grosse expédition, nous allons explorer ce lac souterrain.

Pas facile d'atteindre ce lac. Pour bien comprendre, il faut savoir que nous sommes équipés de nos tenues de plongée, sur laquelle nous avons passé des combinaisons type aviateur pour ne pas déchirer nos néoprènes sur des rochers coupants. Henri P. sera notre plongeur de sécurité, tandis que Mickey et moi serons les plongeurs de pointe. Nos scaphandres sont lourds sur notre dos, avec aussi nos ceintures de plombs à la taille. Ce n'est guère mieux pour les copains. Nous avons, bien sûr, nos casques avec sa flamme acétylène pour nous éclairer. En plus, tout le monde, y compris nous les plongeurs, trimballons des sacs de matériels. Dans ces sacs, des cordes, des échelles souples en acier, des pitons pour fixer notre matériel sur la roche, des outils tels que marteaux, massettes. Nous avons notre téléphone pour assurer la liaison avec l'équipe restée à l'extérieur et nous déroulons un fil téléphonique. Bien sûr, notre dérouleur est là aussi, avec ses 300 mètres de fil d'Ariane. Enfin vous pouvez bien comprendre toutes nos difficultés dans ce milieu hostile. Pas étonnant que l'on entre, parfois, un matin et que l'on n'en ressorte, complètement épuisé, que le lendemain !! Quoique des spéléologues, qui eux ne plonge pas, mais font une exploration du gouffre du Berger, par exemple, descendent a 1000 mètres de profondeur. Si tout va bien, ils ne ressortent qu'une semaine après, ou voir, un peu plus !!

Ceci étant, après presque deux heures de progression dans ce dédale chaotique, nous sommes arrivé au bord de ce lac inconnu. Tout le monde préparait son matériel, chacun sachant ce qu'il devait faire. Il y avait quelques coups de gueules du fait de l'agacement à mettre en œuvre notre équipement dans cet endroit difficile.

Mais dans l'ensemble, la bonne humeur régnait. Une grosse difficulté nous attendait et on le savait d'avance pour être venu déjà voir. Ce lac, sans être vraiment circulaire devait faire 10 mètres de diamètre. Le problème est que nous étions 2 mètres au dessus du niveau de l'eau et les parois étaient couvertes de glaise dangereusement glissante. Tout le monde s'affairait, branchait le téléphone pour communiquer avec les copains et copines à l'extérieur. Le dérouleur était en place ainsi que le boîtier de signalisation. Henri B., notre spécialiste en spéléologie a entrepris de faire fixer échelles et cordes. Nous ne pouvions pas sauter à l'eau comme cela, trop dangereux, on ne savait ce qu'il y avait sous l'eau. De plus, pour revenir, nous n'aurions pas pu remonter. Nous, les trois plongeurs, avons déposés nos scaphandres et, avec marteaux et massettes, nous creusions des points d'ancrages dans la roche, pour fixer des « spits ». Voici à quoi l'on ressemblait. Ce brouillard, visible, est du, en partie, à la condensation produite par nos respirations et aussi par la combustion de nos flammes acétylène.

Encore deux heures d'efforts, c'est fini, les échelles en aciers et les cordes sont jetées à l'eau, bien arrimées dans les rochers. Nous nous préparons, Henri remet son équipement, Mickey et moi en faisons autant. Tout le monde est près. Dans l'instant on sent l'émotion générale, Marcel, « pépé » Yves, Guy, Daniel, sont là. Deux seront au dérouleur pour suivre notre plongée et nos signaux. Les autres, au téléphone, pour correspondre avec l'équipe de soutien à l'extérieur. Dehors les voitures sont prêtes pour le cas où des ennuis de météos surviendraient! Bref, cette fois, tout le monde est prêt :

- Bon Mickey tu es devant, dit Marcel, essaye la signalisation !

Mickey a envoyé quelques signaux avec notre boîtier étanche, combiné téléphone et bouton poussoir. « Ça va, cela fonctionne ».

«  - Bon au dérouleur on est prêt, disent Daniel et pépé

- Je suis prêt, dit Henri P., notre plongeur de sécurité.

- Et vous, Mickey et Denis, ça va ?

- Pour moi, c'est tout bon ! répond Mickey

- Moi aussi, ça marche, on peu y aller !!

- Allez les gars, faite bien attention !! »

Voilà, tous nous étions bien concentrés, il n'y avait pas vraiment d'angoisse, mais un peu de stress, c'est normal. Petit problème, nous descendons chacun sur une échelle, Mickey et moi, mais ce n'est pas simple. Nos échelles sont plaquées sur la glaise, il faut faire très attention, car nos palmes sont sur un mousqueton accroché à notre ceinture de plomb. Nous avons, par sécurité, fait une petite boucle coulissante sur nos cordes respectives à coté de nos échelles et nous avons commencé à descendre, tout était glissant et avec le poids de notre équipement, c'était une phase délicate. Il ne fallait surtout pas que l'on tombe à l'eau sans palmes, car, ici, nous n'avions pas nos Fenzy pour nous équilibrer, trop dangereux avec les risques d'accrochages des sangles, de Fenzy, dans les rochers en siphon. Parvenus près de l'eau, délicatement, on ouvrait nos mousquetons et parvenait à chausser une palme et ensuite la deuxième, toujours en gardant notre sécurité avec nos cordes.

On était mal avec notre scaphandre et notre ventral de secours sur ces échelles. Enfin, nos palmes aux pieds, nous nous sommes laissés glisser doucement dans ce lac inconnu, car si nous avions sautés, on pouvait se faire très mal sur des roches qui auraient pu être près de la surface. On ne savait vraiment pas comment c'était dessous !! On était dans l'eau et cela allait beaucoup mieux !! Ouf, on ne sentait pratiquement plus le poids de nos équipements ! Marcel a envoyé notre fil d'Ariane et Mickey s'est saisi du boîtier de communication, a mis la ganse à son poignet. Personnellement, je faisais une ganse à environ 4 mètres de Mickey. On a ajusté nos masques et allumé nos projecteurs de lumière. Un dernier essai de signalisation, mise de notre détendeur en bouche et un petit signal « tout va bien » aux copains. Nous étions prêts. On s'est regardé et on s'est fait le signal « tout va bien » et le pouce dirigé vers le bas, le signal « on y va ». Un canard et nous sommes partis, encore une fois, dans l'inconnu !!

C'est une plongée que je n'oublierai jamais.Vous allez comprendre pourquoi par la suite.

L'eau de ce lac était très claire et un peu bleutée, vraiment très beau et on s'enfonçait en profondeur, pour chercher une solution, afin de pouvoir continuer notre exploration. Ici, pas de végétation et pas de faune sous-marine. De la roche partout, mais recouverte de tonnes de terre glaise. Nous avons approché prudemment le fond de ce lac. Entre 10 et 15 mètres nous pouvions le voir ce fond.

Tranquillement nous nous sommes approchés et avons commencé à chercher un ou plusieurs départs de galeries, pour découvrir d'où pouvait bien arriver l'eau en période de crue. Comme toujours, pas simple, on n'osait pas trop s'approcher du fond avec toute cette glaise et nous avons fait quelques tours et trouvé ce que l'on cherchait. C'était difficile à détecter, mais quelques mètres plus bas on apercevait un départ de galerie, complètement envasé dans la glaise.

On savait ce qui nous attendait et nous nous sommes regardés. Le signe « tout va bien » et le signe avec l'index « on y va ? ». Encore un signe « tout va bien » et nous sommes descendus pour nous engager dans cette galerie et surtout cette glaise qui nous gênerait et allait « poudrer » l'eau du fait de palmer trop près.

Forcement on allait soulever tout les sédiments de cet endroit et après, bonjour la visibilité !! Mickey devant moi, je ne me tenais pas trop près de mon copain, avec mes 4 mètres de marge j'avais de la place ! On s'est engagés dans ce monde bizarre. L'entrée de la galerie n'était pas très grande, un mètre cinquante sur un mètre cinquante. Ça pouvait aller, pas de problème, le principal étant de faire attention à pouvoir se retourner pour faire demi-tour en cas d'ennui. Nos consignes de sécurités : ne jamais s'engager dans des étroitures qui nous forceraient à faire marche arrière pour revenir. Trop risqué et dangereux, nous avions connaissance d'équipes qui ont perdu l'un des leurs en commettant ce genre d'erreur.

On cognait un peu sur la roche et on soulevait des nuages de glaise en entrant, Mickey et moi, mais tout allait bien. La galerie descendait avec une pente de 30° environ. Elle restait toujours aux mêmes dimensions et encore et toujours de la glaise que l'on remuait avec nos palmes, à notre passage.

En attendant, c'était génial, dans cette eau très pure je découvrais un monde mystérieux et magnifique. Nous avions du parcourir une cinquantaine de mètre en distance, profondeur 20 mètres. Plus loin la galerie restait de même dimension : 1,50 mètre en hauteur, mais soudain elle pris des proportions d'au moins 5 mètres en largeur, alors que sa pente se faisait plus douce. Depuis le départ, cette galerie nous obligeait à faire, entre autre, un parcours sinueux,

avec des changements de direction, vraiment difficiles, à droite ou à gauche, parfois très sévères. Les seules choses qui ne changeaient pas, elle descendait toujours et puis ce brouillard de glaise qui nous poursuivait. Comprenez qu'il faudrait des heures et des heures, voir même plusieurs jours, pour que les eaux redeviennent claire après notre passage. On avançait toujours assez vite pour éviter de se faire rattraper par cette panade !! Tout était recouvert d'énormes quantités de glaise, les parois, le fond bien sûr, et même au dessus de nous. Je me suis toujours demandé pourquoi cette terre argileuse n'était pas chassée par les crues violentes qui devaient se produire ici. Une chose est sûre, c'est que sur cette progression sinueuse, nous n'arrêtions pas de nous cogner un peu partout, voir même de nous enfoncer un peu dans cette glaise. La galerie était devenue très large et on continuait. Puis une petite surprise, une étroiture sévère s'est présentée. Un passage étroit mais faisable. Il fallait que l'on fasse vite pendant que nous y voyions encore dans cette eau très claire. Derrière nous, il ne vaut mieux pas en parler pour l'instant, c'était infernal !!

Nous nous sommes vite concertés. Ce passage faisait 2,50 à 3 mètres de long et tout juste 1 mètres en dimensions. Et, bien sûr, toujours la glaise ! Nous somme passés rapidement en croyant plonger dans de la boue ! Incroyable, c'était vraiment impressionnant. Puis à nouveau cette galerie très large, 1,50 mètre de haut environ pour 15 à 20 mètres de large et toujours cette glaise. Plus loin, une descente brusque avec un coude à presque 80°. On peu évaluer notre distance parcouru à 50 mètres en distance et une profondeur de 25 mètres à ce moment là. Notre temps de plongée est aussi très important et nous en étions entre 5 et 10 minutes.

Nous avons eu une surprise formidable ! La galerie nous amenait au sommet d'un puits incroyable. Tout était noyé, aucune possibilité de trouver de poche d'air, on arrivait là, au dessus d'un trou presque circulaire de deux mètres de diamètre et tout se terminait là, sinon faire un retour, ou alors descendre dans ce trou inconnu. Mickey et moi n'avions aucune angoisse, mais beaucoup d'émotion en découvrant cette configuration qui nous permettrait d'aller voir plus loin ! Ici, c'était plus propre, la glaise se trouvait quelques dizaines de mètres derrière nous. Ce trou, ce puits, nous intriguait et nous avons palmé un peu au-dessus pour voir. Il fallait que l'on se dépêche. Le signe « tout va bien » puis le pouce vers le bas pour se dire « on y va ?? » nouveau signe « tout va bien » et c'est parti, pas de temps à perdre !! Réellement j'en garde un souvenir inoubliable. Nous avons commencé notre descente, tête en bas, Mickey devant moi j'avais une vision superbe avec la lumière de son phare plus celle du mien. C'était vraiment très beau. Il n'y avait plus de glaise, mais de la roche colorée de bleu, de vert, un peu de jaune et d'autres nuances de couleurs. Ceci donnait à l'eau cette couleur un peu bleutée cristalline. Tout en descendant je regardais ce magnifique spectacle en me faisant quelques réflexions. Déjà nous étions à 30 mètres de profondeur et ça continuait. Je me disais que ce puit, pour avoir une forme presque circulaire comme celle-ci avait du mettre des siècles pour ce former. Surtout qu'il était totalement vertical et c'est très impressionnant de descendre à la verticale !! Pendant des milliers d'années, les crues violentes qui devaient sévir en cet endroit on du faire remonter des milliards de m 3 d'eau en charriant des roches et des galets. C'est ce qui avait du donner cette forme à ce puit au fil du temps. Phénomène d'érosion !!

En tous les cas je voyais Mickey devant moi dans ce monde féerique et je revenais aux réalités. Nous étions loin de tout, ma montre mémorisais 15 minutes de plongée et mon profondimètre 38 mètres de profondeur et on descendait toujours ! Nous avons trouvé le fond de ce puits vers 45 mètres de profondeur.

Incroyable, on c'est agenouillé sur un fond de sable et de pierre (à genoux, sur un fond, c'est la position la meilleure pour des plongeurs). Comme le temps passe vite, il fallait que l'on fasse… Vite !!

Nous tournions sur nous même Mickey et moi pour voir s'il y avait une ultime solution, et on l'a trouvé pour continuer. C'est drôle, vous voyez ces dessins animés ou il y a un chat qui court après une souris. Au bas du mur de la pièce dans la maison, il y a toujours un trou de souris ou elle peu ce réfugier, ce petit trou un peu arrondi !! Je me faisais rapidement cette réflexion en me disant que c'est ce que l'on voyait. Un passage de ce genre au ras du fond de la paroi du puits. Nous nous sommes vite concertés Mickey et moi, avec un signe « tout ça bien » et l'index tendu pour ce dire « on y va ?? ». On s'est engagés, c'était étroit mais faisable. Notre trou de souris nous permettait de continuer un peu, mais ça descendait toujours et il fallait vite arrêter. Ce n'est pas notre fil d'Ariane qui nous manquait, on aurait pu aller beaucoup plus loin. Mais là on était arrivé à 35 mètres de profondeur. Nous étions à 20 minutes de temps et nos 3200 litres d'air dans notre scaphandre ne seraient pas éternels !! Nous devions vite repartir, des paliers obligatoires nous attendaient avant de refaire surface dans le lac souterrain, ou nous attendaient les copains. De plus, on ne se faisait plus d'illusions, aucune solution de cheminée remontante ou de départs de galeries nous donnant un accès à un réseau supérieur, pour déboucher, n'était possible. Notre exploration se terminait bel et bien ici, il n'y avait aucune possibilité, du moins, avec nos moyens de cette époque, des années 1970.

Mickey s'est retourné vers moi, un signe « tout va bien » et je me retournais aussi. Il fallait vite que l'on se barre d'ici. Cette fois c'était moi le premier. Nous avons vite retrouvé le puits et fait une remontée splendide, de toute beauté. Retrouvé la galerie et nous en avions pour quelques minutes à ressortir d'ici. Seulement voilà, c'était une vraie panade, il n'y a pas d'autre mot !! Je n'y voyais strictement rien. Ma main à 20 cm de mon masque était à peine visible, c'est vous dire. Comme à mon habitude je tenais mon phare le bras tendu et avec mon autre main, placée en visière sur mon front, je protégeais mon masque pour éviter qu'il ne soit brisé par un rocher. Je sentais les douces tractions, sur le câble, à mon poignet, que les copains, au dérouleur, me faisaient sentir doucement. Ce fil d'Ariane était le seul guide que j'avais dans cette poisse ! Sans lui, on était perdu, dans tous les sens du terme !

La progression continuai et je me cognais sur la roche en haut, en bas et sur le coté, surtout le coté gauche. Cette vacharde de galerie faisait des angles vraiment serrés et comme je n'y voyais rien, il était inévitable que je me tape un peu partout. Soudain je rencontrais un mur de roche ! Bon ben voilà, c'était nouveau, bonjour la rencontre !! Mon phare ne me servait à rien et je le laissais prendre lamentablement à mon poignet. Des deux mains, je tâtonnais la roche et sentais Mickey dans mes palmes. Il ne pouvait comprendre pourquoi j'avais stoppé l'avance. Lui aussi n'y voyait rien !! Bon là, ce n'était vraiment pas drôle. J'essayais de trouver le passage, en palpant ce mur dans toutes les directions.

Ma problématique était grave, car après une plongée pareille et le temps passé, il ne fallait vraiment pas traîner. De plus le temps passe trop vite dans ces moments là ! Je devenais un peu inquiet en me disant qu'il pouvait y avoir eu un éboulement, auquel cas on était très mal. Je n'y comprenais rien et c'est terrible de ne rien voir dans ces cas là ! Je sentais Mickey dans mes palmes et les petites tractions des copains sur le fil d'Ariane, mais impossible d'avancer. Nous étions bien entraînés et savions garder notre sang froid.

On s'était toujours dit « tu ne doit jamais avoir peur, si tu as peur tu paniques et si tu paniques… c'est la mort ». Pas plus compliqué, c'était notre devise. Bon en cet instant grave je me heurtais toujours à ce mur, le temps passait, l'air de nos scaphandres aussi. Je me demandais quels signaux Mickey envoyait aux autres. Je me disais aussi qu'Henri pourrait intervenir, mais s'il y avait eu un grave problème, tel qu'un éboulement, il n'aurait jamais pu nous rejoindre et il serait trop tard pour nous. Je ne pouvais pas communiquer avec Mickey dans cette « soupe » Aucune communication possible avec personne. J'étais le seul à pouvoir prendre une décision et vite. Je suis dit «  Denis on est passé tout à l'heure, forcement le passage est quelque part » Il vaux mieux positiver dans ces cas !

Que faire ? Et puis, j'ai eu une idée. Je tirais sur notre fil d'Ariane. Les copains l'on laissé venir, ils ne devaient rien comprendre à ce que je faisais. Je savais qu'Henri devait se préparer sérieux car, eux aussi, pouvaient évaluer notre quantité d'air restante. Je devais chercher depuis 15 minutes devant ce mur. Vraiment grave, on était mal !

Je tirais notre fil d'Ariane doucement et faisant de grandes boucles que je tenais dans une main. Dangereux ce genre de choses en siphon, mais je n'avais pas le choix, le temps pressait. J'ai pu ramener, à moi, entre 10 et 12 mètres de câble. Muni de ce qui me donnait une plus grande liberté de mouvements, je suis parti à la recherche de ce foutu passage, en priant pour qu'il n'y ait pas eu vraiment un éboulement. Comme je n'y comprenais rien, je suis parti sur ma gauche, Mickey toujours dans mes palmes. Il devait être inquiet lui aussi, il savait ce qui allait nous arriver dans un moment : les détendeurs qui durcissent par manque d'air, tirer la réserve qui nous donnerait quelques minutes de chance ! Et après, se servir de notre ventral de secours.

En tous les cas, manque de chance pour l'instant. Je cognais contre la paroi et en haut sur la voûte et en bas dans cette chiennerie de glaise. Bon, tout ce câble que j'avais pris sur moi, m'a permis de partir loin sur ma droite. Je heurtais l'autre coté de la galerie, à droite, me cognais encore en haut et toujours dans ce mur. Puis j'ai pensé à cette étroiture que nous avions passée. Elle devait ce trouver vers le bas dans la glaise. Complètement aveugle, je tâtonnais en descendant doucement et j'ai trouvé notre passage dans la glaise. Ouf ! c'était temps !! Il ne me restait qu'un problème à régler très rapidement, pourquoi notre fil d'Ariane nous avait conduit dans le mur ? Et j'ai compris ! Il s'était incrusté dans les failles et les fentes de ce mur qui faisait tout de même presque 3 mètres d'épaisseur.

Pas facile à le sortir de là et il fallait que je fasse vite. Toujours ce temps qui passait trop rapide ici et l'air qui allait nous manquer. Je dégageais notre câble par petites secousses pour le faire venir sur la droite, en prenant soin de faire en sorte qu'il ne se coupe sur des roches acérées. Sinon on était perdus pour toujours. Je sentais mon pote Mickey dans mes palmes, lui aussi aveugle, comme moi ! J'ai réussi à dégager ce fil et j'envoyais le signal «  retour » aux copains. En fait nos signaux sont un peu comme le morse. Pour le retour c'était un trait et un point lumineux, envoyé à deux reprises. Tous nos signaux étaient répétés deux fois, pour éviter toutes ambiguïtés. Là, je ne pouvais pas envoyer de signaux lumineux, je ne pouvais rien faire d'autre que tirer sur le fil en lui infligeant une secousse assez longue, puis une très courte. Au dérouleur, ils ont vite compris et je sentais le câble repartir. Je laissais filer toute la longueur de fil que j'avais prise avec moi, pour éviter un risque d'accrochage dans les roches. Cela aurait été le comble !! Enfin, j'ai senti la traction très douce directement sur mon poignet. Un vrai plaisir je peux vous le dire. Je me laissais guider dans cet endroit infernal. Enfin on revenait !! Et de loin !!! Plus de problème, nous avons débouché dans le lac souterrain et fait deux paliers. Un à 6 mètres, l'autre à 3 mètres de profondeur. Nous les avons écourtés, ces paliers, l'air commençait à nous manquer et nous avons tiré nos réserves. Tant pis, le principal était sauvé : nos vies ! Nous avons refait surface en plein milieu du lac. Henri était dans l'eau au bas d'une échelle et dans toute cette angoisse, il s'était préparé à intervenir. J'étais « crevé » et Mickey aussi. Henri est remonté vers les copains et nous nous sommes approchés des échelles. Personne ne disait rien. On avait encore un petit effort à faire Mickey et moi. Se sortir de l'eau en grimpant sur le premier barreau de nos échelles, s'assurer sur nos cordes et déchausser nos palmes. Nous avons fait ces gestes lentement, il n'aurait plus manqué qu'on retombe à la flotte sans palmes !! Nos palmes accrochées à nos mousquetons et avec notre équipement assez conséquent en poids nous avons gravi les barreaux des échelles. C'est dur et pourtant ce n'est que deux mètres à faire, mais avec nos 30 kg de matériel, gênés par notre ventral et notre scaphandre. C'est tout bête mais difficile. Surtout que les échelles sont « collées » dans cette glaise, réellement glissante, à la paroi du lac. Vers le haut de nos échelles, les copains ont saisi les poignées qui servent au portage de nos scaphandres, pour nous aider à finir de revenir vers eux. Enfin ont était arrivés cette fois !! Personne ne parlait encore et Henri avait déposé son scaphandre. Mickey et moi avons fait la même chose, enlevé notre ceinture de plomb et on s'est assis sur des rochers en mettant notre casque pour s'éclairer avec notre flamme acétylène. Bon, c'était bien, on était définitivement arrivés !! On s'est tous regardé en souriant.

« - Comment ça va ? demandait Marcel

- Pas trop mal, répondait Mickey, juste une petite fatigue !!

- Il c'est passé quoi Denis ? demandait Henri, j'allais partir vous chercher !Un truc sûrement très rare ! »

Tous les copains nous regardaient.

«  - Notre câble s'est faufilé dans des failles du fait de courbes sévères que la galerie faisait et de plus il y a des tonnes de glaise. Au retour, on y voyait rien et le fil nous a amené droit dans un mur !  De plus, nous avions passé une étroiture, à moitié enfouie, dans la glaise !
C'est ce passage que je n'arrivais pas à retrouver, c'est pour ça que j'ai tiré du câble à moi, pour avoir plus de mobilité !

- On à bien compris ce que tu faisais Denis, me disait Daniel, mais on ne savait pas pourquoi !

- J'ai aussi pensé à un éboulement en rencontrant ce mur de roche !

Henri, si tu étais venu, notre fil d'Ariane te conduisait droit dans le mur toi aussi et il ne nous restait pas beaucoup de temps !

- Denis tout va bien, reposé vous un peu tous les deux, nous on vas commencer à replier le matériel ! Tu as bien réagi Denis !

- On vous dira comment c'était, disait Mickey, moi je n'y comprenais rien et je n'arrivais pas à communiquer avec Denis ! »

C'était bon de retrouver les copains et j'ai mis mon visage entre mes mains.

« -Ca va Denis ? » me demandait notre « pépé » Yves.

Je relevais la tête et remarquais Mickey un peu dans le même état que moi. Je répondais affectueusement :

« - Ca va mon Pépé, juste un coup de petite fatigue !!

Et j'ajoutais pour mettre un peu d'ambiance :

- C'est super, pour une fois tu ne gueules pas !!! »

J'ai déclenché un éclat de rire général ! Bien sur j'ai aussi déclenché le courroux de notre « pépé » Yves !

« - Allez, tais toi et prenez un peu d'énergie tout les deux au lieu de raconter des conneries ! »

L'émotion passée, Pépé était redevenu lui-même et ça me faisait plaisir !! Dans nos sacs nous emmenions toujours des aliments énergétiques qui ce présentaient sous forme de biscuits ou dans des tubes qui ressemblaient à ceux du dentifrice. Pour protéger ces aliments fragiles et autres matériels, d'ailleurs, que l'on pouvait aussi emmener derrière siphon, il fallait les protéger de l'eau. Nos sacs ne sont pas étanches ! On avait une solution très rudimentaire, mais je peux affirmer, des plus efficaces.

Selon se que l'on voulait protéger de l'eau, on se fabriquait des étuis étanches en découpant des chambres à air de voitures ou de camions selon la grosseur de ce qu'on voulait protéger. On glissait tout cela dans nos morceaux de chambre à air, qu'on avait pu récupérer dans des casses automobiles. Ensuite on repliait les extrémités des notre « container » et on serrait les plis entre deux fer plat, serrés par des vis papillons !! Ça allait super bien !

Les copains on enlevé échelles et cordes, tout replié pendant que l'on se « nourrissait » Mickey et moi. Ensuite il a bien fallut remettre nos scaphandres sur le dos, nos ceintures de plombs et repartir vers la sortie du Peyrol de Chadouillet.

Tous, avec nos sacs de matériel en ré enroulant le câble téléphonique. L'équipe de soutien extérieure avait été prévenue que tout allait bien et que l'on revenait. Ils avaient été inquiets eux aussi !

Progression difficile, avec la fatigue, mais nous sommes ressortis. Quel plaisir de revoir tout le monde et le soleil. Nous étions là depuis des heures et l'après-midi était bien entamé ! Le soir un bon feu de bois et un bon repas composé par les copines.

Bien sur on a discuté des conclusions de notre exploration et des décisions pour le lendemain. Une bonne nuit, je vous garantis que j'ai bien dormi !! Même pas de cauchemars, trop crevé pour çà !!

Le lendemain nous avions prévu une expédition bien moins lourde, toujours au peyrol de Chadouillet. Nous voulions replonger le siphon de droite, près de l'entrée de la grotte. Comme je connaissais déjà les lieux, pour y avoir plongé avec Mickey l'avant veille, j'y retournais avec Henri P. cette fois. Je passais devant, car on voulait savoir si l'on pouvait forcer cette étroiture que nous avions découverte. L'étroiture, cette chatière, était jonchée de galets et de morceaux de roches, amenés ici par les crues. Nous nous sommes engagés en déblayant ce qu'on pouvait. Mais ça n'allait pas, car au terme de 30 mètres de progression, tout devenait trop étroit et dangereux. Signal retour aux copains et nous sommes revenus.

L'exploration du Peyrol de Chadouillet s'arrêtait là pour nous tous. Mais nous ramenions toutes sortes de renseignements que nous avons édité dans le magazine mensuel des fédérations de plongée et de spéléologie. Je garde un très fort souvenir de cette exploration.

Bien sûr, je ne peux oublier se que nous avons risqué, Mickey et moi, ça c'est sûr. Mais je garde surtout le souvenir de la grandiose beauté de ce puits par exemple ! Dommage que l'on n'ai pas pu aller plus loin !! Dommage, aussi, que l'on n'ai pas pu prendre de photos !

 

 


photo grps - aoüt 1972

 

 

 

 

 

 


Daniel

 

 

 

 

 

 

 

 


Denis Lorain en ardèche entrée du tibirou première plongee

 

 

 

 

 

 

 

 


Henri P., dit le peintre

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Mickey

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Yves, dit pépé

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Puits du vertige - 24 mètres, par Richard Huttler