La mystérieuse grotte du Cholet

 

par Xavier Meniscus


La grotte du Cholet se situe au dessus de Saint Laurent en Royans, dans les gorges de Combe Laval. Pour y accéder, nous empruntons la D239 jusqu'au monastère orthodoxe, puis un chemin forestier, accessible uniquement sous autorisation et en véhicule tout terrain. Une longue marche conduit sur un chemin chaotique, et difficile, avec tout le matériel de plongée qu'il nous faut emporter à chaque fois pendant presque une heure, en suivant la rivière du Cholet jusqu'à son exutoire temporaire, en paroi sud du cirque de Combe Laval, à 25 m au dessus d'un lac, qui constitue la voie d'accès principale au réseau souterrain de plus de 2 km connus, toujours de direction plein sud, qui se trouve sous la foret de Lente. Des colorations à la grotte du Brudour, ont montré la liaison avec le Cholet


Les différentes explorations, depuis plus d'un siècle, ont montré le fort potentiel de ce réseau. L'accès difficile et un cheminement souterrain très technique, en plongée, comme en galerie exondée (cheminée, escalade, puits, opposition, portage) ont limité les explorations, et seule une équipe très aguerrie a pu s'y aventurer. Plusieurs tentatives infructueuses, ces dix dernières années, ainsi que l'historique, le compte rendu et la topo détaillée de Maurice CHIRON, nous ont décidé, cet été, à tenter cette expédition. Et pour cela plusieurs sorties devront être réalisées.

® Le 23 juillet 2001 : Première sortie, pour Jo FAVRE, David BIANZANI, Stéphane ROUSSEL et Xavier MENISCUS pour reéquiper la paroi, en remplacent la corde, pour monter à la grotte. Plus de 3 heures d'escalade et de travail pour Stéphane, le grimpeur de la bande, et à Jo seront nécessaire pour installer une nouvelle corde et de nouveaux points d'amarrage, pour sécuriser l'accès. Nous plongeons le S1 et découvrons une eau très froide (5°C), mais cela n'entame en rien notre motivation, et malgré nos combinaisons trop fines, nous réaménageons sommairement sa sortie sur 50 m de puits et de ressauts verticaux, dans le bruit assourdissant d'une cascade, par des points amarrages naturels, grâce à un niveaux d'eau encore très haut, sans lequel cela n'aurait pas été possible, et nous entamons notre première exploration jusqu'au S3.

Nous sommes gelés, mais les escalades qui se succèdent, et la beauté des lieux, nous réchauffent très vite. Nous explorons les moindres départs, passons plusieurs voûtes mouillantes en apnée, nageons dans des lacs souterrains avant de retrouver le fil qui plonge dans les eaux cristalline du S3, mais un incident sur un des détendeurs de Xavier, nous pousse à rebrousser chemin. Nous redescendons jusqu'au S1 prudemment, car tous les amarrages, cordes, et mousquetons sont bien usés, et nous savons qu'il faudra tout reéquiper pour nos prochaines sorties, et surtout nous habiller plus chaudement.

® Le 26 juillet 2001 : Nous équipons la sortie du S1 par de nouvelles cordes et de nouveaux points d'amarrages, et pendant que Gaby HUDE fait une Topo du S1 et de la partie exondée jusqu'au S3, Stéphane et Xavier plongent et rééquipent le S3. Après 150 m, ils sortent enfin la tête de l'eau, et tout en nageant dans le lac souterrain qui alimente le siphon, nous poussons des cris de joie et nous nous congratulons en pensant que peu de personnes, ont pu voir ce que étions en train de découvrir.

Malgré les différent récits que nous avions pu lire, c'est toujours un émerveillement de découvrir un réseau souterrain aussi grand. Sur plus de 1,5 km, la rivière souterraine du Cholet a sculpté la roche de façon très diverse, et les reliefs et concrétions se succèdent très rapidement. Nous découvrons successivement des roches très érodées par le passage de l'eau, des lames d'érosions très coupantes (nos vêtements néoprènes s'en souviennent encore), des coups de gouges, des marmites de géant, de la mousse de crue, des dents de cochon, des planchers stalagmitiques, des draperies et fistuleuses ; enfin tout ce que le monde souterrain et l'eau peuvent créer. Nous avançons en suivant la rivière, parfois, nous la voyons disparaître sous nos pieds nous traversons des salles gigantesques ( salle Julie : + de 50 000 m3), et des galeries plus de 10 m de diamètre, mais parfois nous rampons lors des passage étroits , nous nageons souvent, nous passons des voûtes mouillants en apnée lors cela est nécessaire, et après plusieurs heures, nous retrouvons enfin le fil de Fredo POGGIA qui plonge dans les eaux limpides du S4, et frustrés, nous faisons demi-tour, et pensons déjà à l'organisation d'une plongée pour passer le terminus

® Le 30 juillet 2001 : David, Stéphane et Xavier continuent le rééquipement des siphon jusqu'au S3, en prévision du portage des bouteilles pour le jour de la pointe.

® Le 08 août 2001 : Stéphane, Xavier et sa femme Hélène montent dans la grotte, toutes les bouteilles et le matériel, pour le jour J, qui approche.

Le 12 août 2001 : Gaby, Stéphane et Xavier portent, jusqu'à la salle Julie, les 4 bouteilles de 9 litres pour notre future plongée de la semaine prochaine et montrent à Gaby le départ du S4. Nous aurions pu plonger ce jour-là, mais nous avons préféré ne pas prendre de risques, à cause de la fatigue du portage des 4 bouteilles sur une telle distance, nous faisons donc demi tour une nouvelle fois.

å Au total plus de 47 heures de travail ont été nécessaires, dont 28 passées sous terre pour arriver à ce jour.

MENISCUS Xavier


Le jour de la pointe
Nous sommes le samedi 18 août 2001, il est 9 h 25 mn du matin. Gaby vient de finir sa garde de 24 heures aux pompiers de Valence, et il entame son petit déjeuner lorsqu'il entend le bruit de moteur du 4x4 à Stéphane.
Après avoir chargé son matériel dans son coffre ils partent chercher Xavier, qui les attend toujours au même endroit et vers la même heure. Depuis quelques semaines nous faisons la même route pour arriver à notre objectif : passer le terminus POGGIA dans le S4 et voir la suite.
Après un parcours en tout terrain, nous commençons la marche d'approche qui s'annonce toujours aussi difficile par la charge que nous supportons sur le dos. Pour accéder à cette mystérieuse grotte, il nous faut suivre le cours de la rivière, pendant presque une heure avec tout notre matériel, où l'escalade est de rigueur et où les rochers y sont très glissants. Lorsque nous arrivons au pied du " Cholet " nous faisons tous les 3 notre habituelle pose casse-croûte car nous savons qu'aujourd'hui plus que les autres jours qu'il faudra puiser dans nos réserves.

Après une montée sur corde de 25 mètres pour accéder à l'entrée et monter tout le matériel, nous nous équipons de nos combinaisons néoprène et de tout notre " attirail " qui nous permettra de faire face à toutes les difficultés. Il est 13 heures et nous descendons par l'échelle dans la vasque de départ, et traversons le S1 rapidement malgré l'eau froide (5°C) qui nous glace, notre visage protégé par le masque et le détendeur. Pour sortir du S1 il nous faut gravir 2 escalades consécutives dans le bruit assourdissant d'une cascade et de la rivière souterraine.


Puis une marche dans les rochers et dans l'eau nous mène jusqu'au S2 où nous nageons tout en admirant le plafond éclairé par nos jeux de lumière. Nous continuons notre progression lente mais sûre pour arriver jusqu'au S3. Ce magnifique siphon, large de 3 à 4 mètres et d'une profondeur de 11 mètres nous fait palmer sur plus de 150 mètres pour stopper à notre 1er point de rendez-vous. Au menu : bananes séchées, lait concentré sucré, crème de marron et nous sommes repartis pour plus de 1 km pour rejoindre la salle JULIE où nous attendent les 4x9 litres que nous avions posé précédemment.
Notre déplacement est par moment ralenti par la forme des rochers érodés par l'eau et aussi coupants que des lames de couteaux. Dans l'effort nous ne réalisons plus que très peu d'hommes ont eu la chance de découvrir ses couloirs remplis de stalagmites et de stalactites d'une rare beauté. De plafonds bas décorés par des coulées stalagmitiques, aux marmites remplies de petits cailloux aussi lisses et ronds que des billes, nous continuons notre difficile parcours. Enfin, il est 17 heures, et nous arrivons à la salle JULIE où nous récupérons les bouteilles pour rejoindre le départ du S4 : notre 2ème point de rendez-vous. Nous profitons de ce moment calme pour goûter le thé chaud que nous à préparé Stéphane avec " Amour ".
Il est 19 heures et nous savons tous les trois qu'à partir de ce moment nous sommes proches du but tant convoité. Après un petit repos, Xavier aide Stéphane à s'équiper de manière à lui rendre la tâche plus facile et de lui laisser le temps de se concentrer. Stéphane est à la fois plein d'enthousiasme et de volonté mais il reste méthodique de manière à ne rien oublier qui compromettrait cette plongée. Nous l'accompagnons jusqu'au départ du S4 et d'un geste rapide, il commence à pénétrer dans ce boyau si transparent et attirant avec une cadence de palmage sûre et énergique.
Pour Xavier et moi, l'attente sous les couvertures de survies a commencé dans une ambiance humide et silencieuse.

Au bout d'1h45 mn, un grand cri de joie traverse nos pensées, Stéphane vient de sortir du S4. Il a déroulé 300 mètres de fil de première et parcourue 150 mètres env. en exondé pour arriver dans une salle bouchée par des grands blocs (Trémie S4 420 mètres env.)

Pour continuer cette aventure avant de faire demi tour, Xavier retourne plonger dans le S4 pour rééquiper le fil sectionné au retour de Stéphane et fait demi tour après avoir parcouru 250 m env.

Puis vers 22 heures nous commençons à rebrousser chemin, et nous déposons 2x9 litres dans la salle JULIE et gardons les 2 autres de façon à ce que Gaby plonge un siphon situé après le S3 (40m de fil + 60 m de galerie voir +++) susceptible de rejoindre la galerie principale.

Ce n'est qu'à 4 h 30 mn du matin que nous sortons à l'air libre le corps épuisé mais l'esprit remplie d'images et de bonheur, pour finalement arriver sur Valence vers 6 heures du matin pour nous coucher, vidés. Nous retournerons chercher les 2 dernières bouteilles et déséquiper, un mois plus tard, avec David.

- TPST : 16 heures - Distance total parcourue sous terre : + de 5 Km
- 350 m de fil déroulé

Gabriel HUDE


La plongée du S4
Après un repos de quelque minutes et un thé chaud soigneusement préparé par Gaby et Xavier, je m'équipe lentement, concentré sur ma plongée, et à ce que je vais trouver après les 250 mètres de Frédo. Je suis prêt, Xavier et Gaby me donnent un dernier coup de main, pour m'avancer avec mes 4 X 9 litres, et je pars dans le S4, avec 2 bouteilles en dorsal et 2 en ventral. Gaby prend une dernière photo. Motivé et la rage au ventre, je m'engage dans le siphon tant espéré, et je me rends compte que ceci et l'aboutissement de plusieurs jours de travail.

C'est grand, presque circulaire (6 m par 4 m), je suis bien. Le froid de l'eau (5°c) ne me gêne en rien. Mon volume est très appréciable, malgré quelques infiltrations sur l'un de mes bottillons. Je suis le fil de Frédo, tout en contemplant le décor, avec une visibilité d'environ 15 mètres. Je me régale…..A environ 150 mètres du départ du S4, le fil de Poggia et coupé, je m'en doutais, mais cette surprise reste amère. Mon dévidoir, sur lequel sont enroulés 330 mètres de fil métré, entre en action. La jonction des deux fils fut rapide, et me voilà reparti dans cette faille (10 par 2 m). En dessous se trouve un ressaut de 8 mètres et au dessus une cloche d'air (" Cloche LISA " :L=25 m, l= 2 m, H= 3 m), j'en profite pour la visiter, la tête hors de l'eau, je fais un tour d'horizon à 360°, mais rien me débouche, ce n'est pas la suite. Je replonge, le dévidoir reprend sa fonction, mais de temps en temps, le fils vient se prendre dans la robinetterie de mes bouteilles relais, je positive….Zen


Arrivé à un point bas, -17 m, à 300 m du départ, me voilà face à une grenouille terrestre. Je doute, et en la regardant bien, je me demande par où a-t-elle bien pu arriver jusqu'ici. Cela annoncerait il la fin du Cholet, vais je déboucher à la surface ? Je reprends ma plongée, à 400 m du départ du S4, je me trouve devant une faille qui remonte. A 450 m, au dessus de moi, le miroir. Une poussée d'adrénaline me pousse à accrocher le fil autour d'un bloc et à sortir.
Devant moi, un couloir aquatique d'une trentaine de mètres. Je nage jusqu'à avoir pied et sort péniblement de l'eau pour progresser sur un plancher percé de marmites d'érosions. Je pose mon scaphandre juste après un petit lac peu profond. Derrière, je découvre une galerie (" Galerie de la Grenouille " : 6 m x 5 m) d'une longueur de 100 mètres. Une trémie obstrue mon parcours ; avec déception, je ne trouve aucun passage à travers les blocs. En redescendant, je vois sur la gauche un petit boyau (1,50 m x1 m). En y entrant, de la mousse de crue attire mon regard. Je décide de continuer par là. Je progresse sur une dizaine de mètres, ça continue ! Mais il est temps de faire demi tour, car cela fait bientôt 1 h 30 que je suis parti, Xavier et Gaby doivent m'attendre impatiemment, dans le froid et l'humidité de la galerie post S4. Ce passage me laisse perplexe. Cela est il la fin du S4 et la fin du Cholet ? J'en doute. Le retour se passe sans trop de problèmes, content de cette première et aussi de retrouver Xavier et Gaby autour d'un thé chaud, qui m'assaillent de questions. Trop Heureux, Xavier retourne plonger le S4 pour rabouter le fil, cassé lors de mon retour, que je n'ai pu raccrocher, avec deux de mes bouteilles à moitiés pleines.

Je tiens à remercier Gaby, Xavier et David pour leur portage et leur soutien moral, sans eux, le première n'aurait pas pu être envisagée ainsi que Jo et le club spéléo des pompiers de Grenoble pour leur aide matériel.

Stéphane Roussel