Grotte du Coutal

Plongée du 2/10/2004


preparatifs dans les gorges du tarn, par Marc Sahuquet

 

La grotte du Coutal, sous le Causse de Sauveterre, en Lozère, développe 7700m.
Elle débute par un petit puits suivi de 150m de progression repto-quadrupédiques généreusement engluées d'argile.

De splendides galeries spacieuses, variées et labyrinthiques conduisent au lac "de la pissette", à environ 1500m de l'entrée. C'est le S.1 (95m;-10) plongé en 1980 par P.Barthas et Patrick Rouillon sur 80m.

Jean-Charles Chouquet et Patrick Penez le sortent le 19/04/1981 et explorent dans la foulée 350m de splendides galeries actives jusqu'au siphon suivant.

Le 13/06/1981, ils franchissent ce siphon (55m;-5), remontent quarante mètres de rivière écumante au-delà et plongent le dernier siphon sur 130m (-48).

Jeannot avait prévu entre deux et quatre heures de progression jusqu'à « la pissette ». Après 2h30 de cheminement, dans l'ambiance à la fois irréelle et grandiose d'amples galeries éclairées par un feston d'une vingtaine d'éclairages acétylène, nous voilà à pied d'œuvre.


brelage des bi bouteilles, par Marc Sahuquet

Le temps de déballer les onze sacs de matériel de plongée, d'assembler les scaphandres, d'équiper les bouteilles, de se parer des oripeaux et autres coquetteries de plongée assorties, le tout en avalant un ou deux sandwiches, et nous partons dans le S.2 (le S.1 est un autre siphon, situé dans la galerie des Ceps de Vigne).

L'ambiance y est assez austère. Eau laiteuse (on aurait presque l'impression de s ‘immerger dans un bassin de décantation), roche aux aspérités torturées, section indéfinissable, pas de morphologie distincte. Il faudra plusieurs essais pour trouver le bon fil (nos prédécesseurs ont du en découdre aussi, vu le nombre de ramifications et de culs-de fil), puis raccorder le dévidoir à un terminus de fil déchiqueté, pour remonter dans le conduit salvateur.

A –2 sous la surface, l'eau sale le dispute un temps à une onde translucide, transition pour l'air libre. Un lac diaphane baigne une galerie aux curieuses parures murales.

Ces enchevêtrements de sombres excroissances rocheuses friables, assez proches des sculptures de l'art décoratif portugais « manuelin », ont été baptisés, dans une autre partie de la cavité, « les ceps de vigne ».
La galerie qui suit, ponctuellement méandriforme, au niveau du bassin où confluent les deux conduits dans lesquels émerge le S.2, arbore ensuite une section toujours supérieure à 3 x 4m. Un filet d'eau ténu la parcourt de part en part.
Elle alterne redans verticaux, biefs, crapahuts en permanente ascendance jusqu'au lac précédant le second siphon.

Celui-ci assure une fonction particulière dans le fonctionnement de la cavité. La quasi-totalité de l'écoulement issu du S.4 s'y perd, à l'endroit où le siphon forme un brusque coude à 90°.
On le retrouve en aval, dans la cavité (S.1 dans la galerie des Ceps de vigne).

Ce S.3 est splendide. Assurément. Section quadrangulaire (4 x 5m), de l'eau claire, un parterre de sable froissé par le courant. Au sortir, l'ambiance change radicalement. La galerie prend de l'ampleur, le vacarme des cascades (au moins 300 l/s) envahit l'espace, un concrétionnement massif agrémente le plafond et les parois, le courant puissant nous drosse contre les berges.

Elevés sur la rive droite, nous progressons jusqu'au S.4, sur une quarantaine de mètres. La roche, particulièrement friable, cède souvent sous les pas pesants.


la delegation feminine de l'equipe, par marc sahuquet .

La vasque du S.4 est particulièrement impressionnante. Une vingtaine de mètres de large, une bonne dizaine de long, avec un déversoir immédiatement prolongé par une série de cascades, surplombé d'une dizaine de mètres par une voûte austère.

Le fil est amarré en rive gauche, à l'autre extrémité du déversoir. Après une périlleuse traversée ponctuée d'une chute heureusement sans conséquence, l'équipement est bref.

Fébrilité, impatience, toujours les mêmes démons avec lesquels il faut composer, desquels il faut se prémunir.

Traditionnels rituels d'équipement, ultimes vérifications. Changement progressif d'élément. Romuald fait passer les bouteilles-relais et, sans plus musarder, j'emboite la palme au fil d'Ariane, apparemment en bon état.

Celui-ci traverse la vasque jusqu'à la paroi opposée, en passant sous un plafond argileux.
Un amarrage à –3, puis on dégringole verticalement à –13, sur un sol sableux affecté d'un gros bloc. Là, le fil est rompu. J'amarre le dévidoir et largue la première bouteille (du nitrox 80) de décompression. Romuald, depuis la surface, confiera plus tard qu'il voyait parfaitement tous mes faits et geste, et que l'intégralité de la vasque, à peine ridée par les bulles, était illuminée par l'éclairage.

Un « sons et lumières » de roche, d'eau et de bulles en quelque sorte. Au bas du bloc, à –16, un conduit en très forte pente coule au nord-ouest, sur une descente de sable fin.

A –23, la galerie s'oriente radicalement au sud-ouest, recoupant un puissant miroir de faille. On évolue alors dans une fracture (5 x 10m), à mi-hauteur d'abord, puis en rejoignant progressivement le sol de sable, incliné au nord-ouest.

Grandeur, démesure, puissance des éléments. L'évolution en « pleine eau » est rarement de mise sous terre. Ici, l'ambiance rappelle les « tombants » marins, ces falaises immergées qui dégringolent vers les abysses, le long desquelles on évolue, à la manière d'un drosophile contre une baie vitrée.

Brusquement, les murs se referment. Plus rien devant, l'impasse totale.Vers l'ouest, le sable s'incline sérieusement vers l'embase de la paroi, jusqu'au contact rédhibitoire qui annihile toute possibilité de continuation.
Il faut revenir sensiblement sur ses palmes, jusqu'à un roc plat, à –40. Je laisse là la seconde bouteille-relais (trimix 30/20). L'ancien fil, rompu ici aussi, serpente sur le sol, disparaissant ça ou là sous les sédiments, dans la pente. Pourtant, apparemment rien d'engageant dans cette voie-là.

En apparence seulement, car une concavité ponctuelle au plafond (h=1m) autorise le passage vers un élargissement dans lequel le conduit retrouve des dimensions conséquentes (10 x 4m). On glisse ensuite jusqu'à –48, l'amarrage terminal du fil.
Comme à l'accoutumée, toutes les indications communiquées par Patrick Penez sont justes. Pas de développement surestimé, pas de profondeur exagérée, ni de difficulté particulière fantasmée.

Effectivement, le conduit amorce une remontée, mais ponctuelle. A –43, dans une galerie de 5 x 5m, la galerie, encombrée de dalles rocheuses massives, s'infléchit au sud-ouest à –45.
Après une cinquantaine de mètres à cette profondeur, un décrochement plein ouest amorce une remontée régulière le long d'un chaos.

En revenant au sud-ouest, les chiffres s'affolent en décroissance, sur le profondimètre, jusqu'à une subite confrontation avec une arête sableuse très effilée. En rive gauche, une véritable falaise remonte vers une voûte que j'évalue à huit mètres. Idem pour la distance à l'autre côté du conduit. En revenant vers la rive droite, pour progresser au-dessus des blocs plutôt que du sable, je jauge cette salle perchée à 8 x 8m.

Le cadran du profondimètre se stabilise à –33. Ensuite, on replonge brusquement, toujours à l'aplomb d'un décor minéral fracassé, jusqu'à –40. Le dévidoir est à bout. J'en ai un second à la ceinture. Rapide coup d'œil aux manomètres : la pression dans les bouteilles approche la limite prévue. J'aurais bien de quoi avancer encore de quelques dizaines de mètres, mais la pente qui s'accentue à perte de vue, au-delà de –45, ainsi que la morsure du froid (le mélange que je respire, enrichi en hélium, est grandement responsable de ce rafraîchissement, cumulé à la diminution de l'épaisseur de la combinaison en profondeur – donc de ses capacités isolantes – et à la staticité imposée par le rééquipement en fil d'Ariane sur toute la longueur du siphon) qui devient plus vive, n'incite pas à progresser « pour la gloire » de quelques mètres plus avant, vers le sud-ouest.

Je préfère stopper là (et envisager un retour avec un équipement mieux adapté) au privilège de la qualité de la topographie, levée lors du retour. Arrêt à 230m du début du S.4, dont 105m de première. La visibilité est toujours très bonne, et les stations s'enchaînent, cumulées aux paliers de décompression à partir de –20. Le froid devient une réelle torture, à peine plus soutenable avec le mélange 40/20, qui contient toujours de l'Hélium.

Ce n'est qu'à –9, en repassant sur la bouteille de nitrox 80 (80% d'oxygène) que les tremblements s'atténuent, puis cessent enfin. La position, en pleine eau sous un surplomb argileux, n'est guère confortable. Les bulles expirées s'envolent ramoner la roche, dégageant des avalanches opaques qui réduisent considérablement la visibilité.

Emersion après 61 minutes de plongée.
Romuald a fureté dans tous les recoins. Il n'a pas vu le temps passer, n'a pas souffert du froid.

Nous enchaînons immédiatement vers le S.3, contaminé par l'eau argileuse du S.4, et y plongeons sans transition. Au détour d'un brusque coude à 90°, nous retrouvons brusquement l'eau pure. Là se trouve la diffluence qui dévie la quasi-totalité de l'écoulement vers le S.1 de la galerie des Ceps de vignes.

Nous parcourons tranquillement la galerie jusqu'au S.2, en prenant le temps de la contempler. Avec une bonne heure d'avance sur l'horaire prévu, nous faisons durer le plaisir. A revenir ici, il serait opportun d'emporter un appareil photo.

Romuald s'est chargé de la bouteille de 10 litres. Gourmand, je « sèche » sentencieusement la bouteille la plus chargée en oxygène. Y'a pas de mal à se faire du bien.
Transition pour le conduit orné de « ceps de vignes », puis jonction avec la vasque splendide du S.2.

Retour sans encombres, toujours dans cette espèce d'infusion jaunasse, puis retrouvailles avec les copains au lac de la Pissette, après trois heures post-siphon. La seconde équipe a rejoint la première, et les sacs s'égrènent vers la sortie. Les soupes chaudes nous ragaillardissent. Quelques barres et autres rations de riz au lait, puis le paysage s'enchaîne à contresens, vers la sortie.

Tout le monde sort après 10h30 passées sous terre.

Déjà s'échafaude une nouvelle plongée, avec de nouveaux moyens techniques adaptés.

Un grand merci à tous ceux qui ont permis la concrétisation de cette exploration, organisée de main de maître par Jean Bancillon et le Spéléo-Club de la Lozère.

Participants :

S.C.Lozère (48)
- BANCILLON Jean et Yohann
- BOULOT François
- FANDARD Alain
- GAUTHIER Fabrice
- GRAIA Serge
- GRAIA Sylvie
- PONOMAREFF Nicolas
- ROQUES Bernard, Sylviane, Cédric et Fabien
- VIDAL Serge

Taupes Palmées (30)
- Romuald Barré

Le Beluga (34)
- Frank le cancre

Spéléo Club de Meyrueis (48)
- ANDRE Daniel
- CLUZEL Francis
- SAHUQUET Marc

SC RESSAC (07)
- Hélène Vermont
- David Brillot

GS TNT (48)
- Cécile Dufort
- Gilles Dufort
- Olivier Blanc
- Chalvet Laurent

 

 


10 kits de matos plongee, par Marc Sahuquet

 

 

 

 


concentration, par Marc Sahuquet

 

 

 

 


depart dans le lac de la pissette, par Marc Sahuquet

 

 

 

 


portage des bis jusqu au lac, par Marc Sahuquet

 

 

 

 


françois boulot et jean bancillon dansle point chaud par marc sahuquet

 

 

 

 


montage du point chaud, par marc sahuquet

 

 

 

 


portage des bis jusqu au lac,
par marc sahuquet

 

 

 

 


Romuald Barre,
par marc sahuquet