La Doux de Coly (Dordogne)
1969-1970

Par Pierre-Jean Debras (21/07/1970)

Groupe Spéléologique Auvergnat Article publié dans « Spéléo-Dordogne » Bull. du Spéléo-Club de Périgueux n°39 – 1971


 

Description

Située sur la commune de Coly, la Doux jaillit directement à l'extérieur dans une vasque de 8m de profondeur et de 30m de diamètre. Elle donne naissance à un ruisseau qui se nomme le Coly… on pourrait s'en douter.

L'eau de la vasque est très limpide, à l'exception des périodes de crue. La visibilité tombe alors à 0 et le débit passe de 300l/s à 4 m 3/s, la surface de la vasque bouillonne violemment et il est hors de question, pour un plongeur, de s'y aventurer. Par contre, en temps normal, le spectacle est un émerveillement surtout pour le plongeur. Le fond est tapissé de galets et de plantes aquatiques et tout le paysage alentour se reflète à la surface de l'eau.

Le départ de la galerie s'amorce au fond même de la vasque. Cette galerie ne change pas d'aspect pendant les 285 premiers mètres : elle suit le même joint de stratification entre 7 et 12m de profondeur. De larges méandres, tapissés de sable, nous conduisent jusqu'à un magnifique puits circulaire de 3 à 4m de diamètre, qui débouche, à –46m, dans une immense galerie. Le sol y est, là aussi, recouvert d'une épaisse couche de sable ondulé et descend en pente douce. Notre exploration se termine à 80 mètres du bas du puits et à 52 mètres de profondeur. La galerie y semble encore plus vaste (sans doute, 20m de large et 10 mètres de haut). Elle se prolonge à perte de vue et continue à descendre vers les profondeurs.

Il semble que nous nous trouvons en présence d'une fontaine vauclusienne. Il est possible cependant que ce réseau communique par des fissures avec un réseau supérieur fossile, ce qui expliquerait l'existence de la galerie débouchant 400m en amont, dans la vallée, et qui débite en période de crues.

L'exploration

5 juillet 1969 :

Reconnaissance.

Observations :

  • Température de l'eau : 11°
  • visibilité très bonne : 10 à 15 mètres.
  • débit faible : 100 à 200 l/s
  • courant très peu sensible : non mesurable.
  • végétation abondante en surface.

Participants :

Plongeurs : P.-J. Debras et P. Pierret.
Autres…. : P. Vidal, E. Debras, etc…

C'est donc après deux séances de reconnaissance (la première fois la Doux n'était pas prête, la deuxième fois c'était les plongeurs), que nous avons pu réunir, à deux reprises, toutesles conditions : suffisamment de plongeurs, suffisamment de matériel et surtout une eau limpide et calme.

21 et 22 mars 1970

Le samedi 21, les 3 plongeurs sur les lieux s'affairent à préparer le matériel et effectuent une brève plongée de reconnaissance.

Le dimanche matin, nous sommes enfin au complet.

Une équipe de trois (Jérôme, Franck et moi) se prépare, pleine d'espoir : en effet, sur nos combinaisons de plongée, nous enfilons celles de spéléo pour continuer l'exploration une fois le siphon franchi.

Premier faux départ : Franck souffre à la fois des sinus et d'une dent. Bien déçu, il devra céder la place à Bernard.

Deuxième faux départ : Jérôme, qui n'a jamais plongé dans la Doux, s'enfile dans la première galerie sur la gauche, magnifique cul-de-sac rempli de vase. Nous ressortons à tâtons et on devine les jurons étouffés par l'embout du scaphandre.

Enfin, la troisième tentative est la bonne, et c'est presque avec un soupir de soulagement que nous reconnaissons la galerie active. Le courant est imperceptible et la visibilité ne semble limitée que par la portée de nos lampes. De ce fait, la progression est très rapide. En 20 minutes, Jérôme a déroulé les 250m de cordelle. Le retour s'effectue encore plus vite et 35 après le départ, nous refaisons surface.

C'est terminé pour le week-end, les bouteilles sont déjà bien pompées et nous n'avons pas le compresseur. L'équipe se disperse en se jurant bien de se retrouver pour régler le sort de la Doux de Coly.

12,13 et 14 avril 1970

Cette fois-ci, nous sommes bien décidés à en finir. Nous disposons de huit bouteilles et d'un compresseur, et toutes les conditions sont réunies.

Mais la Doux se défend bien. Le samedi 12, Jérôme et Pierre-Jean plongent avec 150 mètres de cordelle. Les 250m premiers mètres sont très vite franchis, mais, à 285 mètres de l'entrée, la galerie s'arrête brutalement. Pour continuer, il nous faut descendre dans un puits circulaire de 3 – 4 mètres de diamètre qui n'a rien d'engageant, car la lumière de nos lampes s'y perd.

Nous tombons d'abord lentement, puis la vitesse s'accélère. Jérôme s'arrête à –30, Pierre-Jean touche le fond à –46m. Il est temps de penser au retour.

En effet, le polystyrène expansé qui équilibre nos scaphandres s'est comprimé et nous devons nous hisser à la cordelle pour remonter. Mais tout se passe bien et, après 55 minutes d'exploration, les deux plongeurs peuvent enfin rassurer l'équipe de surface en racontant leurs exploits.

Dimanche matin, Serge et Gilbert, chargés comme des baudets, s'essoufflent à transporter deux scaphandres de secours jusqu'en haut du puits, à 285m de l'entrée. Tous les deux plongent depuis peu en siphon, mais ils se tirent très bien de cette délicate mission.

L'après-midi, Bernard et Pierre-Jean s'équipent pour l'ultime pointe. Chaque plongeur ressent en lui un pincement comme avant une bataille… et ça en sera une.

Le bas du puits est atteint en 25 minutes et sans problèmes. Il nous reste alors 80 mètres de cordelle à dérouler. Malgré nos précautions, nous sommes encore trop lestés et nous devons marcher. Le sol est sablonneux, à l'exception de quelques blocs, manifestement tombés du plafond, que nous enjambons. Les 80 mètres de cordelle sont dévidés, le profondimètre annonce –56 mètres.

L'impression est fantastique. Le sol sablonneux descend toujours doucement à perte de vue, les parois et le plafond se noient dans une sorte de brouillard. Nous entendons distinctement le claquement du détendeur et les battements de notre cœur. Comme on se sent alors vulnérable et loin du reste du monde !

Une légère narcose nous envahit. Il est temps de penser au retour. Bernard part en tête. Un débit constant se déclenche sur le détendeur de Pierre-Jean, en haut du puits. Heureusement que des bouteilles de secours nous attendent en haut. Il en sera quitte pour une bonne trouille.

Le lundi 14, Gilbert et Bernard récupèrent, non sans mal,les scaphandres vides laissés en relais. Il a plu la veille et la Doux commence à se fâcher. L'eau se trouble et la surface de la vasque frémit.

Les plongeurs

Le problème majeur de ces deux sorties a été le rassemblement d'un nombre suffisant de plongeurs. Le Groupe Spéléologique Auvergnat a dernièrement perdu (provisoirement) 4 de ses plongeurs spéléos : «  sont partis comme plongeurs professionnels et un autre est sur le point de se marier. Heureusement que deux parisiens, ainsi que deux plongeurs non spéléos (qui ne savaient pas ce qui les attendait), ont bien voulu renforcer l'équipe.

Si bine que nous avons atteint le nombre inespéré de 6 plongeurs : Serge Duprat, Jérôme Dubois, Gilbert Brethe, Pierre-Jean Debras, Franck Chubel, Bernard Egoux.

Le matériel :

Matériel collectif :

  • 1 compresseur, 8 scapahandres
  • 1 bobinot de 250 mètres et un autre de 150 mètres.

Matériel emporté par chaque plongeur :

  • 2 scaphandres complets (2 bouteilles, 2 détendeurs, lestés par du polystyrène)
  • 2 lampes (une lampe Marès et une lampe Spirotechnique de secours)
  • 1 montre
  • 1 poignard
  • 1 profondimètre
  • 1 boussole
  • 1 élingue de corde (dont un bout est mousquetonné à la ceinture et l'autre au fil d'Ariane).

Nous avons supprimé toute liaison entre les plongeurs à l'équipe de surface pour des raisons d'économie et aussi, ce qui peut paraître contradictoire, pour des raisons de sécurité.

Conclusion

Pour l'instant, nous considérons que l'exploitation dépasse nos possibilités. Pour aller plus loin, il faut pénétrer nettement dans la zone des paliers et disposer d'un matériel beaucoup plus important que le notre.

Dans une prochaine sortie, nous nous limiterons à dresser une topo aussi exacte que possible.