Plongée à la

Fontaine de Nîmes

février 2002


Marc Bernard

Serge Gilly

 

par Marc Bernard

 

Février 2002 ; profitant d’une météo favorable ainsi que des vacances scolaires de nos chers petits, nous décidons de «reprendre » la Fontaine de Nîmes.

Depuis plus de 15 ans, notre équipe constituée de 3 à 5 plongeurs réguliers s’est focalisée sur cet impluvium avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de motivation et plus ou moins de régularité ; il est vrai que par sa modicité la dimension de notre groupe est un facteur limitant majeur à une exploration soutenue dans le temps ; par ailleurs force est de constater que ce réseau (exceptionnel par son implantation au coeur de la ville) ne paraît cependant pas très attractif aux plongeurs, il n’est ni très profond ni très lointain, nul besoin de trimix, de penta-blocs, de loco ; par contre son profil très diversifié offre de nombreuses typologies de progression : conduites forcées de toutes dimensions, laminoir sévère, grosse trémie, diaclase, galerie de boue, siphon suspendu, galerie de chailles, émergences, puits et toujours accompagné d’une visibilité plutôt médiocre.

Aucune source n’est banale, encore moins la Fontaine de Nîmes qui à plus d’un titre est mystérieuse et digne d’intérêt. Ses attraits sont multiples.

- Historiques tout d’abord. En effet la ville de Nîmes est née de et par ses eaux qui l’irriguent, elle lui a emprunté son nom et ses «jardins de la Fontaine » lui font un écrin que nulle autre source ne possède.

- Culturels ensuite. Depuis 150 ans des explorations s’y succèdent avec plus ou moins de bonheur. En son sein perdure l’empreinte de populations depuis longtemps disparues. Des plongées spécifiques furent dédiées à la récupération de vestiges archéologiques, poteries romaines ou moyenâgeuses et d’autres traces anciennes qui y abondent.

- Scientifiques encore, car presque toutes les disciplines s’y expriment et collaborent :

géologues, hydrogéologues, sédimentologues bien sur, mais aussi historiens, architectes, biologistes, physiciens, paléontologues (de nombreux ossements représentatifs de la bio diversité des 100.000 dernières années ont été mis à jour, bovidé, suidés cervidés datés de la dernière glaciation et même rhinocéros daté lui d’environ 600.000 ans).

- Journalistiques enfin, depuis les années soixante toutes les explorations qui se sont succédées ont été abondamment relayées tant par les médias locaux que nationaux, enflammant ainsi l’imaginaire nîmois et générant des motivations, décennies après décennies.

L’exploration de la Fontaine est donc le creuset où tous ces aspects se concentrent et enrichissent le «pecus Vulgaris » qui s’y plonge.

Quatre grandes phases jalonnent l’exploration de la Fontaine de Nîmes :

- Avant 1950, nous assistons à la «préhistoire » de la spéléo, des sondages et des pénétrations limitées aux abords de la vasque jettent la base des explorations futures.

- Autour des années 60, le développement technique autorise des pompages importants baptisés »opérations NEMAUSA » ouvrant ainsi aux regards des Nîmois, près de 700 de mètres de galeries habituellement noyées, les réseaux Nord et Ouest sont alors partiellement reconnus.

- A partir de 1980, l’essor de la plongée spéléo repousse les limites d’un pompage classique. PENEZ & CHOUQUET en franchissant la trémie Ouest, accèdent à la continuité du réseau, ils repoussent le terminus à 1.100 mètres et buttent sur un laminoir infranchissable.
Les deux branches du réseau totalisent alors 2.800 mètres.

- A la fin des années 80 et au cours des quelques années suivantes, les galeries étant encombrées de très nombreux fils, nous décidons tout d’abord de sécuriser le réseau en le ré-équipant dans sa totalité, puis dans un second temps de reprendre l’intégralité de la topographie qui laisse à désirer, lorsqu’elle est faite.
De nombreuses plongées effectuées le décamètre à la main précisent l’implantation des galeries et permet d’en répertorier quelques autres (galerie des poteries, galerie PEIGNEY, salle des ossements, shunt). la Fontaine approche alors les 4.000 m.
En parallèle et avec l’aide des plongeurs, Némausa XII puis Némausa XIII permettent de tester, avec un franc succès, de nouvelles techniques de pompage, ouvrant un accès facile à la trémie Ouest, et in fine de découvrir le passage haut de la trémie, la salle Coste ainsi la galerie qui lui succède en surplomb de la rabassiére qu’empruntaient Penez et Chouquet. Ces deux opérations préfigurent tous les pompage ultérieurs et permettent de répertorier quelques nouvelles galeries (galerie des poteries, galerie PEIGNEY, salle des ossements, shunt).

La Fontaine de Nîmes dépasse alors les 3500m.


Le puits poubelle -18m
Photo : Yann DERBOVEN
- En 1994, sur la route d’Ales, la découverte d’un puits artificiel, appeler depuis Puits poubelle, datant du début du siècle et donnant directement sur le réseau principal, permettra des explorations plus facile car moins longue.


- En 1998, le report en surface de la topographie, permet de réaliser une série de 5 forages à l’aplomb exact de la galerie principale, à plus de 1km de l’entrée naturelle (sur 1.100 m topographiés la dérive, très faible, permit ainsi cette précision) assurant ainsi un pompage de très grande envergure effectué, cette fois, par l’amont et non plus par l’aval. Ce pompage amont libéra de nombreux seuils et ouvrit encore plus le réseau, l’opération baptisée Némausa XIV, porta le développement total de la fontaine à plus de 4.500 mètres, dont 700 reconnus en plongée au-delà du précédent terminus, grâce à un shunt contournant le trop fameux laminoir terminal sur lequel nous buttions tous depuis plusieurs années.
- Au cours de l’été 2000, une nouvelle série de 3 forages placés toujours plus en amont, permit d’assurer un pompage encore plus conséquent. Nous reconnûmes alors, à pieds secs, le laminoir et son siphon d’accès (L: 100 x l: 25 x h: 0,6) sur lequel nous avions échoués et de découvrîmes trois nouvelles galeries parallèles qui se développent sur un peu plus de 300 mètres et re-jonctionant en amont au niveau de la grande cascade et de la déviation.

- Malgré tout leur intérêt et les réussites passées de tels pompages se révèlent alors insuffisants pour libérer des réseaux de telles dimensions, tout du moins avec les technologies dont nous disposons dans l’immédiat.

L’exploration de la Fontaine de Nîmes appartient donc à nouveau aux seuls plongeurs.

A partir 1992, la reprise de l’exploration en plongée est assurée tout d’abord par Claude GILLY, Marc BERNARD et Jérôme MARTIN , plus tard Serge GILLY et Richard HUTTLER se joindrons à l’équipe. Ils continuent la topographie du réseau jusqu’à l’aplomb d’un P42 verrouillant la galerie à 700 mètres du laminoir (1800m de la vasque); puis ces mêmes plongeurs assurent la reconnaissance du « puits » en fait une diaclase qui plonge en deux ressauts successifs jusqu'à - 42 m, et réalisent une toute petite pointe dans la galerie basse (50 m plein nord dans la zone comprise entre - 42 et - 39 m).

- Sur ces bases, Serge et Claude GILLY ainsi que Marc BERNARD poursuivent l’exploration en février 2002.




 
Sortit du matériel après la pointe
Photo : Yann DERBOVEN

- Une première plongée à pour but de faire passer l’oxygéne, nos 4 relais Nitrox à 50% ainsi que les 2 bi-bouteilles gonflés à l’air au-delà de la galerie dite « galerie des chailles » qui sépare le réseau aval du réseau amont et shunt le fameux laminoir. La galerie n’étant que moyennement gazée, il n’y a pas de grosses difficultés à assurer ce portage, sinon que d’y passer le temps nécessaire. Serge en profite pour porter 2 relais au point B10 à 300 m de là, histoire de se faciliter la vie pour la plongée du lendemain car si la visibilité est correcte en raison de l’apport d’eau du à un bel orage quelques jours auparavant, le courant est encore très présent.

- Le lendemain, Serge et moi avançons rapidement jusqu’à la galerie des chailles. Au point B10 nous échangeons nos relais et continuons vers le « P42 », Les 700 mètres de progression se négocie bien malgré le courant, grâce sans doute à la consommation des mélanges suroxygénés. En haut du puits nous déposons les relais et plongeons vers la galerie basse, celle-ci orientée au Nord oblique entre 30 et 60° (Nord / Nord-Ouest) toujours à -40. Nous dépassons bientôt le précédent terminus, Serge déroule alors 180 mètres de fil toujours Nord / Nord-Ouest, le pendage reste très faible sur les 100 premiers mètres puis la galerie remonte à -10 mètres où Serge s’arrête sur limite d’autonomie ; pendant ce temps que je kaouetche allègrement derrière.

- Notre retour s’effectue très rapidement (courant oblige) jusqu’au puits où nous effectuons nos premiers paliers à l’air puis au Nitrox (20 minutes à -42 m quand même) nous continuons et sécurisons ensuite notre dé-saturation en pompant allègrement nos relais nitrox sur les 700 mètres du retour.

- Arrivés aux chailles nous décidons ramener nos blocs plutôt que de revenir le lendemain, ce qui nous prend encore une paire d’heures pour tout transbahuter, replonger et acheminer au puits d’accès ou Claude nous attend.

Bilan de la plongée : 185 mètres d’acquis, maintenant le réseau de la Fontaine de Nîmes atteint les 5 kilomètres, des progressions ultérieures semblent possibles en raison du pendage qui s’accentue, il est même possible que nous arrivions sur une partie émergée (la géologie ne contredit en rien cette possibilité).


Matériel utilisé pour l’expédition.
photo : Yann DERBOVEN
Matériel utilisé : 2 bi-bouteilles de 9L gonflés à l’air, 1 bi-bouteille de 12L et 1 bi-bouteille de 18L (air) ; 4 relais Nitrox 50%(2x10 L, 1x 9L et 1x12 L) + 1 bouteille de 5L d’oxygène médical (pour le cas ou !).

Conclusion :

La conjonction des explorations réalisées en plongée et des pompages assistés par plongeurs à permis une très bonne connaissance du réseau de la Fontaine de Nîmes, les évolutions technologiques ont parfois favorisé l’une ou l’autre méthode, mais aucune prise séparément n’aurait réussi de si éclatante façon.

Des galeries ont été découvertes par des «spéléos terriens » d’autres par des plongeurs, chaque fois un regard différend y était porté, à chaque fois l’approche était différente et un regard complémentaire y était porté, chaque fois l’aide de l’autre équipe était nécessaire pour une meilleure compréhension.

Des plongeurs (certes moins performants que ne l’étaient PENEZ & CHOUQUET) ont refait en toute sécurité ce que leurs prédécesseurs avaient réalisé puis ont plus que doublé les longueurs parcourues tout en réalisant des topographies exactes.

Des spéléos ont repris les travaux de leurs aînés, utilisés et adaptés de nouvelles techniques et sont capables de réaliser en l’espace de 3 jours un pompage cinq fois plus conséquent que ceux réalisés en presque 15 jours il y à déjà plus de 30 ans !

That's all folks !