Fontaine de NIMES

 

Nemausa VII


Mai 1980 - B. Léger

 


(Cliche J.PEY)

 

Sur invitation de l'Association Spéléologique Nimoise, qui travaille depuis prés de trente ans sur ce ma-gnifique réseau, nous avons réalisé trois plongées dans la Fontaine de Nimes les 2, 3 et 4 mai 1980. C'est le rapport de ces plongées que le lecteur trouvera ci-dessous ainsi que des considérations sur le matériel et les techniques employées.

Ont participé aux plongées

François AUBERT (A.S. Nimoise) Jean-Yves BOSCHI (A.S. Nimoise) Marceau LACROIX (A.S. Nimoise) Bertran LEGER (G.Se la Tronche) Frédéric POGGIA (Individuel)

Vendredi 2 mai 1980 : première pointe au réseau Nord, B. LEGER, F. POGGIA.

A 19 h 33, bardés de bouteilles de relais, nous disparaissons dans la vasque après y avoir entreposé un sca-phandre supplémentaire destiné aux paliers de décompression. But de la plongée : poursuivre l'exploration du puits noyé atteint en septembre à 795 mètres de l'entrée de la Fontaine, à l'extrémité du réseau Nord. Descendu jusqu'à 30 mètres, vu jusqu'à - 40 mètres ce puits nous promet assurément une plon-gée profonde avec longue décompression à la clef. Mais nous sommes bien équipés, pourvus d'un important stock d'air et habitués à plonger ensemble après de nombreuses explorations
communes. Le parcours du début du collecteur Ouest, jusqu'au carrefour avec la branche Nord, achève de nous motiver: c'est du très beau siphon où nous rencontrons, par place, des épa-ves des grands pompages de 14A.S.N. : fûts métalliques, frag-ments de tuyaux, scellements dans les parois, etc ...
Une fois engagés dans la branche Nord, la visibi-lité devient médiocre : trois à quatre mètres tout au plus ; cette laitance est certainement due à une crue récente. A environ 150 mètres du départ du réseau Nord, nous effectuons notre premier relais de bouteille ; à partir de ce point l'as-pect du conduit noyé est très spectaculaire : c'est une haute diaclase se stabilisant vers la cote - 9 mètres et dont les parois recèlent de nombreux lits de chailles qui saillent en relief. Nous passons rapidement trois poches d'air et, après deux brusques décrochements vers l'est, le siphon change bru-talement de direction de 180o et repart plein sud. Second relais de bouteille que nous abandonnons, mousquetonnés sur le fil d'ariane ; à partir de ce point l'exploration sera ré-alisée uniquement avec nos scaphandres dorsaux.
L'approche du puits noyé est impressionnante : un carrefour de fils d'ariane se présente à nous : l'un d'eux, détendu, plonge vers la lèvre d'un trou noir ; l'autre par
une galerie latérale circulaire nous amène à l'aplomb du puits. C'est une imposante diaclase subverticale de 2 mètres de large pour 6 mètres de longueur environ. Flottants en apesanteur au dessus de cette masse d'eau, nous amarrons notre cordelette et nous laissons basculer dans le puits. A 38 mètres de profon-deur, nous atterrissons sur un talus de sable pentu qui marque la fin du puits. Frédéric, qui a de sérieux problèmes avec son inflateur de volume depuis le début de la plongée, doit renon-cer la rage au coeur à poursuivre plus loin. Pour moi, je franchis une étroiture en joint à - 40 mètres et débouche dans une confortable diaclase noyée de 6 à 7 mètres de haut pour 2 à 3 mètres de large. Un coup d'oeil rapide au compas : le si-phon a de nouveau obliqué de 180° et file maintenant plein Nord. De grandes dunes sableuses tapissent le plancher de la galerie. Sans hâte, savourant pleinement ce moment de joie intense, je parcours 150 mètres de conduit pratiquement rectiligne. A 955 mètres de l'entrée de la fontaine, après un examen des mano-mètres de plongée, je décide d'en rester là pour aujourd'hui.
Au terminus la galerie accuse une légère remontée : cote - 34 mètres. J'amarre le fil d'Ariane sur un bloc et fait demi--tour. Dix minutes de paliers à - 6 mètres, au sommet du puits noyé puis je retrouve Frédéric qui m'attend dans une poche d'air. Ensemble nous entamons le long retour avec une visi-bilité meilleure qu'à l'aller, l'eau ayant décantée dans les passages argileux du réseau Nord ; nous récupérons au passage nos scaphandres relais et parvenons dans la vasque après 2 h 34 minutes de plongée. Il nous faudra effectuer encore 20 minutes de paliers avant de pouvoir annoncer les résultats à tous nos collègues de l'A.S.N., avides de nouvelles...

Fiche technique de la plongée du 2 mai

Scaphandres utilisés : F. POGGIA, 4 bouteilles 12 1 à 210 bars.
B. LEGER, 4 bouteilles 10 1 à 300 bars.
Relais de bouteille : à 450 m et 600 m de l'entrée.
Fil d'Ariane déroulé : 180 mètres.

Durée totale de la plongée : 2 h 55 mn. Décompression : 30 mn.
Parcours total effectué sous l'eau : 1910 m.
Vitesse moyenne de progression : 13 mètres/minute (vitesse anormalement lente due au portage des deux scaphandres relais).

Consommation : 6500 litres pour B. LEGER sur 11900 litres emportés dont 3200 litres pour la pointe.
Vêtements : étanches, volumes constants néoprène Jetsuit et Comfort.
Palmes : fibre de verre.
Eclairage : frontales halogènes de 2 fois 12 W, phares à main de 20 W et 50 W, lampes secours Tekna et Aquaflash.


Samedi 3 mai seconde pointe au réseau Nord, F. AUBERT, M. LACROIX, B. LEGER, F. POGGIA.

cette seconde exploration aurait été pratiquement irréalisable sans l'aide spontanée de nos collègues nîmois F. AUBERT et M. LACROIX qui ont accepté le rôle ingrat de sherpas porteurs de relais de bouteille ; qu'ils en soient encore vivement remerciés ici. La fin de la matinée et une bon-ne partie de l'après-midi sont un véritable gymkhana démentiel navette pour le gonflage entre la caserne des pompiers et le compresseur de Frédéric installé sur les gradins de la Fontaine (qui tourne à plein rendement 1 ), discussion avec Guilhem des
possibilités hydrogéologiques du réseau, repas pris à la sau-vette au café de la Fontaine, préparation fébrile du matériel...
Enfin, François et Marceau peuvent plonger em-menant avec eux deux monstrueuses bouteilles de 15 litres qu'ils ont mission de porter le plus loin possible dans le réseau Nord. Frédéric et moi avons aussi notre comptant de bouteilles : scaphandre dorsaux de 4 m3, bouteille de 12 litres à la bretelle, petit mono de 8 litres à la ceinture au total 170 kilos d'équipement à nous deux 1 C'est avec soulagement que nous nous immergeons à 19 h 30 sous le regard curieux d'une bonne centaine de personnes.

photo J. Pey
Au palier nous croisons les collègues qui nous font signe que tout va bien. L'eau est restée claire dans le Grand Collecteur Ouest mais dés l'embranchement Nord nous rencontrons une eau très chargée et une visibilité d'environ un mètre. Trio lente progression, toute au fil d'Ariane, jusqu'au premier re-lais de bouteille à 450 mètres de l'entrée. Nous abandonnons là nos 12 litres et empoignons les grosses 15 litres ; ainsi chargés, et avec cette visibilité réduite, le parcours jusqu'au puits est pénible. Second relais de bouteille sur la margelle du puits à - 6 mètres, car nous prévoyons une longue décompres-sion à cet endroit. Avec mon détendeur, je purge et remplis d'eau une bouteille d'échantillon pour Guilhem ; deux autres prise seront effectuées par François et Marceau dans le Collec-teur Ouest.
Nous nous laissons glisser dans le puits : descente rapide jusqu'à - 40, passage de l'étroiture ; avec soulagement nous retrouvons dans la diaclase qui fait suite une bien meil-leure visibilité.

Mon unique passage d'hier n'a pas troublé l'eau. A 915 mètres, nous effectuons notre troisième et dernier relais de bouteille et bien vite nous arrivons au terminus pré-cédent. Pendant que j'amarre le nouveau fil, Frédéric commence à dévider dans la galerie. La diaclase continue, toujours rectiligne, et la monotonie de son fond sableux est seulement rom-pue de place en place par des amas de gros blocs où je peux fixer le fil d'Ariane. Mais la galerie remonte doucement suivant un pendage infime. A 1055 mètres, nous avons regagné la c8te - 20 mètres et bient8t la pente s'accentue mais dans le bon sens. Des amas de graviers et cailloutis commencent n faire leur ap-parition. Bruits familiers de décompression dans les oreilles, purge du volume constant, nous remontons toujours ; à 1100 mètres environ nous sommes à - 6 mètres, direction Nord-Nord- Est. L'idée du franchissement commence à nous effleurer, je la réfrène en songeant à tant d'autres siphons où un plongement brutal du conduit noyé a mis fin à toue les espoirs d'émersion.
Brusquement, la diaclase que nous suivions jusqu'ici prend fin colmatée mais quelques mètres en aval un nouveau conduit noyé s'offre à nous de direction Ouest et de section totalement différente : c'est une galerie elliptique qui se pince à chaque extrémité. Nous parcourons 100 mètres dans ce couloir où, après quelques décrochements Est et Ouest, nous reprenons la direction générale Nord. Nos consommations en air sont négligeables car toute cette portion du siphon, nous navi-guons entre - 6 et - 3 mètres.
Bientôt je vois Frédéric ralentir ; levant la tête j'aperçois un reflet argenté : c'est le miroir de la surface, agité par un léger courant. Encore quelques coups de palme et nous émergeons : le siphon Nord est franchi 1 Coup d'oeil au dévidoir : nous avons déroulé 320 mètres de fil d'Ariane et le siphon mesure donc 1275 mètres.
Une cascatelle tombe du plafond, devant nous, nous apercevons sur une vingtaine de mètres la rivière qui coule en diaclase. Nos décompressimètres sont dans la zone rouge des paliers et il nous faut faire vite : un dernier regard sur l'amont vierge de la Fontaine et nous replongeons.
Retour émaillé d'incidents : après un palier de dix minutes à - 6 mètres au sommet du puits, nous nous installons au palier de 3 mètres peu avant la première poche d'air ; Fré-déric a un de ses détendeurs qui fait l'eau : je le démonte, la membrane d'expiration est hors d'usage. Sous l'eau, nous permutons deux détendeurs. Au dernier relais, nous hésitons un moment à revenir avec les trois scaphandres ; finalement une bouteille à la ceinture, une autre à la bretelle et une autre à la main nous ressortons très lentement. A 21 h 50, nous som-mes au fond de la vasque dans une myriade de petits poissons affolés par nos phares. Palier - 9, - 6 mètres, Jean-Yves nous rejoint et commence à évacuer nos bouteilles relais. Sur ma plan-chette, je lui montre les résultats obtenus, il lève vigoureusement le pouce et file vers la surface. Palier - 3, j'avale un tube de Rescap dans un nuage noirâtre. A 22 h 20, après 3 h 50 d'immersion, nous achevons cette plongée mémorable. A coté du de la Fontaine, dans un immense chapiteau, ces messieurs du Rotary Club écoutent sagement Leprince Ringuet mais pour nous la joie est complète...

Fiche technique de la plongée du 3 mai

Scaphandres utilisés:

Bi 2 fois 12 1 à 200 bars,
Mono 15 1 en relais à 220 bars,
Mono 12 1 en relais à 220 bars,
Mono 8 1 en relais à 220 bars.
Relais de bouteilles : à 450, 750 et 915 m.

Fil d'Ariane déroulé : 320 mètres.
Durée totale de la plongée: 3 h 50 mn. Décompression 55 mn.
Parcours total effectué sous l'eau : 2550 mètres.
Vitesse moyenne de progression-: 14 m/mn (même remarque que pour la précédente plongée).
Consommations : F. POGGIA 10860 l sur 13450 1 emportés.
B. LEGER 8340 l sur 12980 l emportés.
Matériel-: identique à celui de la plongée du 2 sauf pour Frédéric qui a réalisé cette deuxième pointe en vêtement humide !



Dimanche 4 mai 1980 : Collecteur Ouest, visite de la trémie ; M. LACROIX, B. LEGER, F. POGGIA.


Nous avions réservé cette exploration pour le dernier jour car nous étions assez pessimistes quant aux possibi-lités de découvrir du nouveau dans ce secteur L'expédition de septembre avait sondé la trémie terminale en tous sens, y effectuant un remarquable travail de prospection.
Mais nous ne voulions pas quitter la Fontaine sans avoir visité dans son intégralité le Grand Collecteur Ouest. Frédéric optimiste , emmène en supplément un petit monobouteille de 8 1 au cas où...
A 15 h 19, une fois n'est pas coutume, nous nous mettons â l'eau. Marceau, indisposé, fait demi-tour à 80 m de l'entrée. Frédéric abandonne son petit bloc au carrefour Nord ; la galerie plongeant vers la trémie est de toute beauté : c'est une conduite forcée en joint qui descend brusquement à - 20 mètres et vient mourir sur un amas dantesque de gros blocs. Quatre fils d'Ariane rayonnent à partir du fond attentant l'acharnement des plongées de l'été dernier.

Nous nous glissons dans une étroite diaclase en rive droite de la trémie qui remonte par crans successifs à - 6 mètres, puis replonge. Ce conduit avait déjà été exploré par Daniel en septembre et Frédéric s'arrête comme lui sur une étroi-ture impénétrable. C'est dommage car un très faible courant est perceptible dans la diaclase. Une fois ressortis de ces étroitures, je laisse mon phare 50 Watts à Frédéric et fais demi tours car j'arrive à la limite de sécurité en autonomie.

Frédéric continue à inspecter la trémie, minutieu-sement, mais sans rien découvrir de nouveau ; une seule étroiture lui résiste car il ne peut la franchir avec le bi 4 m3 capelé. C'est vraisemblablement celle franchie par Christian et Jean-Luc et elle reste à revoir, scaphandre décapelé.

Je revient en "ballade", visitant toutes les poches d'air du réseau Ouest ; Frédéric me rattrape au niveau de la galerie Mazauric et nous achevons ensemble la plongée. Une vision de toute beauté nous attend au fond de la vasque : sortant, pour une fois, en plein jour nous assistons au jeu féérique des ra-yons de soleil dans l'eau de la Fontaine. Pour notre palier de 3 mètre, pendant au bout d'une corde, nous attend notre ultime bouteille... de Champagne !

Fiche technique de la plongée du 4 mai

Scaphandres utilisés :

F. POGGIA, bi bouteille 2 fois 12 l plus mono bouteille de 8 l.
B. LEGER, bi bouteille 2 fois 12 1. Relais de bouteille : Une à 230 mètres.

Durée totale-de la plongée-: 1 h 11 mn. Décompression : 5 mn.

Parcours-total-effectué sous-l'eau-: 700 mètres.
Consommation-: 2700 l sur 4740 l emportés.

 


BILAN DES PLONGEES, AVENIR DE L' EXPLORATIONS A LA FONTAINE DE NIMES

La campagne de plongées du 1er mai aura vu un point positif :le franchissement du siphon du réseau Nord. Côté Col-lecteur Ouest, nous avons marqué le pas. Tout espoir de conti-nuation n'est pourtant pas perdu de ce côté, il réside pour nous en deux points. D'abord par plongée, revoir l'étroiture "MASIA" en réalisant cette tentative scaphandre décapelé. Techniquement, cette opération ne présente pas trop de dangers ; en effet, l'existence d'une poche d'air au droit de la galerie plongeant vers la trémie offre une sécurité. La présence d'un plongeur en soutient au niveau de l'étroiture serait toutefois souhaitable.
Quant à la désobstruction en plongée, compte tenu du volume de blocs à évacuer, elle semble plutôt utopique (mal-gré la tentative "héroique" de Marceau au Tirefor). Il ne s'agi-rait plus d'exploration mais d'un véritable chantier de travaux publics sous-marins. Hors d'eau, après pompage, une opération de cet ordre parait plus réalisable mais sans pouvoir augurer des résultats et surtout de la durée de l'entreprise.
Coté siphon Nord, les perspectives sont nettement plus favorables. Les tableaux de consommations des plongées montrent clairement qu'une nouvelle exploration au delà du si-phon est possible en utilisant uniquement deux relais de bouteil-le. Les plongeurs auront vraisemblablement un palier de 5 minutes à 10 minutes avant de pouvoir émerger côté amont. Quand à l'ex-ploration post-siphon, c'est l'inconnu... Livrera-t-elle un impor-tant réseau exondé ou butera-t-elle sur une nouvelle zone noyée rapidement ? Les paris sont en cours...
Quoiqu'il en soit, nous garderons un excellent sou-venir de ce week-end nîmois. En dehors des plaisirs de l'explo-ration elle mime, un accueil et une organisation hors pair, des spéléos passionnés par les découvertes réalisées dans la Fontaine, une gentillesse de tous les instants, tout cela aura contribué à faire de ces trois jours une réussite. Non, Nîmes ne nous a pas déçu et nous reviendrons très vite continuer l'ex-ploration de ce réseau noyé hors du commun.

 


Fontaine de NIMES

 

Nemausa VIII


Juin 1980 - B. Léger

 


(Cliche J.PEY)




" ....Ainsi un siphon théorique, de quarante mètre, formé de deux branches en V inclinées à 45°, constitue déjà un obstacle presque infranchissable et par la suite, il sera trés difficile de passer un siphon naturel de trente mètres de profondeur et à peu prés impossible de poursuivre l'exploration au-delà." Guy de LAVAUR, 1954.

EXPLORATION DU RESEAU NORD, AU-DELA DU SIPHON 1 (1275 mètres, - 4O) Bertrant LEGER, Frédéric POGGIA, NUIT DU 14 AU 15 JUIN 1980


Aprés le franchissement du grand siphon du réseau Nord de la Fontaine lors de l'expédition Némausa VII, nous n'avions qu'une envie : explorer la rivière et la galerie au-delà. Nos amis de l'A.S.N. ayant fait le nécessaire avec diligence, nous nous retrouvions sur place le week-end du 14 juin.
A l'origine, nous comptions franchir le siphon à trois plongeurs mais des ennuis matériels sérieux ont contraint Jean-Louis Camus à renoncer et à faire demi-tour à 650 mètres de l'entrée.
Comme lors de nos explorations précédentes, George Bernieu, Jean-Yves Boschi et Marceau Lacroix nous ont prêté main forte pour acheminer nos bouteilles relais. Afin de gagner du temps dans la partie de collecteur jusqu'au carrefour avec la branche Nord, nous avons utilisé deux scooters sous-marins.
Commencée le samedi 14 à 22h 38, l'exploration s'achevait le dimanche 15 à 6 h 50 soit après 8 h 12 passées dans la Fontaine dont 4 h 04 d'immersion. A notre connaissance, c'est la première fois qu'une exploration spéléo est réalisée derrière un siphon de quarante mètres de profondeur.

1. LE RESEAU DE GALERIES AU-DELA DU SIPHON 1.
Il débute par un lac de 65 mètres de longueur, possédant quel-ques hauts fonds créés par des blocs et dalles effondrés. A l'extrémité de ce plan d'eau, nous franchissons une voûte mou-illante de 12 mètres de long amorcée sous un mètre d'eau (S.2). C'est à nouveau un lac, de 90 mètres de long celui-ci, qui vient mourir sur une pente de dalles. L'eau circule en sous écoulement dans un éboulis qui occupe une salle assez vaste : une dizaine de mètres de largeur pour cinq à six mètres de haut. Une fois redescendus de l'autre coté de ce chaos de blocs instables nous retrouvons le ruisseau qui coule sur un seuil ; ceci nous permet d'évaluer pour la première fois son débit : environ 2 à 3 litres/ seconde. Quelques mètres plus loin, un bief profond précède le troisième siphon.
Ce S.3 est long de 65 mètres, avec un point bas à - 6 m ; dans l'ensemble ce siphon est bas, tortueux et encombré de blocs épars. L'émersion s'effectue dans une rue d'eau profonde, beaucoup plus sympathique où la progression à la nage est aisée. Pas pour longtemps, car après 80 mètres de bassin, nous butons sur un nouvel éboulis, à la base duquel le ruisseau provient d'un joint bas incliné, encombré de blocs et impénétrable. Une remontée dans une salle chaotique, une descente par ressauts et nous parve-nons à l'orée d'une galerie fossile confortable, présentant de forts beaux témoins d'érosion : marmites de géants, lames d'éro-sion saillant des parois. Très vite, nous entendons puis re-trouvons le ruisseau qui s'est enfoncé par un surcreusement mini-ature dans le plancher de roche en place de la galerie. Un moment, nous croyons que la partie est gagnée et que nous avons atteints la fin de la zone noyée. Après un passage bas sur quelques mètres, le conduit redevient spacieux et file en direction N.N.W.

A 335 mètres de la sortie du S.3, nous nous heurtons à une nouvelle zone d'éboulis ; à cet endroit la galerie en section à la forme d'un joint plat incliné à main gauche et dont la partie supérieure est encombrée de gros blocs. Dans le fond du joint de strate, un nouveau conduit noyé nous attend : le S.4. Retour à la vasque du troisième siphon, portage des scaphandres, équipe-ment plongée ; le S.4 n'offre guère de résistance : 10 mètres de long pour 2 mètres de profondeur. Nous émergeons dans une diaclase étroite avec un plafond à fleur d'eau, franchement sinistre. Une étroiture entre blocs semble être la seule continuation. Déséquipés, nous nous y étirons laborieusement et parvenons à la fran-chir : comme il fallait s'y attendre, quelques mètres plus loin, le conduit repique vers l'Ouest et siphonne à nouveau. Il est 3 heures du matin ; transporter un des gros bi-bouteille et tout l'équipement plongée à travers l'étroiture nous demanderait encore plusieurs heures d'efforts ininterrompus. Nous renonçons : pour nous ce cinquième siphon sera le terminus du réseau Nord de la Fontaine, à environ 1920 mètres de la vasque extérieure dont 1360 mètres de siphons.

Au retour, nous évaluons au pas les distances des galeries entre siphons et à la brassée les longueurs de fil d'Ariane dans les conduits noyés. Nous éprouvons une gêne respiratoire crois-sante car depuis la sortie du 5.1, le gaz carbonique est présent dans le réseau avec une assez forte concentration : maux de tête, essoufflements lors des portages. Dans l'enthousiasme de la premi-ère, nous n'avons pas réfléchi à un danger très grave inhérent à la présence de ce C02. Lors du retour dans le grand siphon, dans la partie profonde à - 40 mètres, la pression partielle du dioxyde de carbonne dans nos organismes pouvait entraîner une bruta1e syncope au C02, sans signe précurseur et irréversible. Mais il y a un dieu pour les plongeurs spéléos...


Temps passé sous terre-: 8 h 12 mn.
Durée totale des plongées : 4 h 04 mn.
Décompression : 54 mn.

Réseau découvert au delà du S.1 : environ 670 mètres dont 87 mètres de siphons.

Consommations en air :

Frédéric 9580 litres sur 13100 litres emportés.
Bertrand : 8900 litres sur 14200 litres emportés.


BILAN DE NEMAUSA VII ET VIII, AVENIR DU RESEAU NORD.

Nos trois plongées dans la Fontaine de Nîmes auront permis une progression importante dans la connaissance du réseau Nord puisque celui-ci est passé de 795 mètres connus à environ 1900 mètres explorés. Nous n'avons toutefois pas levés la topographie de la nouvelle partie et il reste là une tache importante, mais ingrate, à accomplir. Si les distances annoncées pour les conduits noyés, données par les longueurs de fil d'Ariane métré, sont relativement précises, il n'en est pas de même pour le réseau exondé entre siphons où la longueur a été simplement estimé au pas dans les parties sèches et évalué dans les passages à la nage ; la "précision" pour cette partie doit être de l'ordre de 20%.
Pour nous l'exploration du réseau Nord est terminée ; mais il est certain qu'il est possible de poursuivre au-delà en em-menant des petites bouteilles (2x6 l ou 2x4 l par exemple) de l'autre coté du grand siphon. En raison de la concentration importante du C02 au-delà du S.1, il est vital d'emporter égale-ment des scaphandres à régénération d'oxygène pur sans lesquels toute tentative de pousser plus loin serait du suicide.

Une exploration de cette envergure demandera donc de très gros moyens en hommes et en matériel et il serait à notre avis plus raisonnable d'essayer auparavant de jonctionner avec la tête du réseau Nord par les cavités connues dans ce secteur Puits des neuf arcades, Aven de Roquemaillère. Le terminus atteint lors de l'expédition du 14-15 juin doit en être tout proche.
Pour terminer, nous renouvellerons ici tous nos remerciements à toute l'équipe de l'A.S.N. dont le soutient moral (et matériel !) a été exemplaire et a largement contribué aux résultats de nos plongées. Sans vouloir polémiquer, nous tenons toutefois à formuler un regret concernant l'expédition Némausa VI : une dizaine de plongeurs engagés, plus de deux semaines de camp de plongée, une intendance et un accueil qui n'ont à notre connaissance jamais été égalé dans une expédition de plongée souterraine et bien peu de résultats. Il nous semble que lorsque l'on vous apporte autant de facilités et de possibilités, sur un plateau, on devrait avoir à coeur de se montrer à la hauteur de l'entreprise...