PLONGEES SOUTERRAINE
1961

SIPHON DE FONTGRAND

Le 11 mars 1961, l'équipe pongée se retrouve en Ardèche, près de Saint-Montant. Là, une résurgence, abondante même en saison

sèche, et le pendage horizontal des couches nous engagent à tenter une plongée.

L'entrée en est très étroite et ne permet pas de passer avec les bouteilles sur le dos. Capieu part équipé du Narguilé qui passe aisément. Martin complètement équipé est prêt à partir en secours sur un signe de Letrône qui surveille la respiration du plongeur sur les manomètres de la bouteille d'air. Nous laissons filer 15 mètres de tuyau et stoppons. Capieu a compris et revient. Nous reprenons le tuyau à mesure.

Il a trouvé une étroiture au départ, puis une seconde, mais franchissable avec des bouteilles. Il repart, et nous lui laissons cette fois les 35 mètres de tuyau. Capieu est arrivé, à cet endroit, à l'entrée d'une galerie toujours noyée, mais aux dimensions plus vastes. Martin, puis Letrône vont examiner les lieux et décident de reprendre la plongée une autre fois. Nous avons en effet repéré une cloche naturelle, et avons imaginé de la transformer en relai.

Le 1er avril, Fourquet remplit cette " cloche à plongeur " avec le tuyau du Narguilé, et Allard y installe le téléphone. Minute émouvante que celle où nous entendons la voix de notre camarade perdu dans le noir du siphon.

Le lendemain 2 avril, Letrône, Fourquet et Martin s'équipent devant la vasque d'eau. Fourquet plonge le premier avec le Narguilé, rejoint la cloche artificielle et s'assure que la liaison téléphonique fonctionne bien. Allard reste en équipe de surface. Ils surveilleront tous les deux, chacun de leur côté, que Martin et Letrône franchissent sans ennuis avec leurs bi-bouteilles les deux étroitures. Ce qui est fait, avec des raclements désagréables. Martin raconte : " Tour à tour, nous annonçons par téléphone notre arrivée. L'impression ressentie par le plongeur - dont la tête seule émerge de l'eau, le crâne frolant la voûte - est indescriptible. Dans ce petit espace froid, humide, hostile, où tout n'est que danger, le fait d'entendre une voix amie qui s'inquiète de notre sort, est rassurant, apaisant. Nous avons l'impresssion d'entraîner à notre suite, dans le noir du siphon, l'équipe entière, de vivre ensemble la même dangereuse aventure.

Nous laissons Fourquet et nous nous engageons clans la partie vierge de la galerie. L'eau est claire, la roche devient plus tourmentée. Par relais successifs, l'un rejoignant l'autre, nous progressons sur une cinquantaine de mètres ; la galerie conserve sensiblement la même orientation et la même pente. Nous nous intéressons surtout à la voûte, car si nous voulons trouver une galerie non novée, il nous faut absolument monter au-dessus du niveau de l'eau. Nous abandonnons donc la galerie principale : Letrône vient de découvrir une sorte de cheminée ascendante qui, théoriquement, devrait nous mener au succès. L'un derrière l'autre, nous nous infiltrons dans ce boyau que nous pourrions presque qualifier de chatière tant est pénible l'ascension. Nous montons toujours, puis tout-à-coup, tels deux bouchons, nous surgissons à la surface d'un plan d'eau souterrain. Une salle de dimensions assez vastes s'offre à nos regards (hauteur : 7 à 8 m, diamètre à la hase : 5 à 6 ni). Quelques petites galeries s'ouvrent ça et là, hors de notre portée. Siphon franchi, nous chantons victoire... mais trop tôt ! En effet de fortes émotions nous attendent.

La glaise, déposée dans les anfractuosités et replis de la chatière qui nous a conduits dans cette salle (zone morte : d'où absence de courant) s'est remise en suspension après notre passage, sous les battements violents de nos palmes, tant et si bien que, lorsque nous décidons de rebrousser chemin, l'eau est devenue tellement trouble que, malgré une première tentative, nous ne retrouvons même pas l entrée du boyau d'accès.

" Nous efforçant au calme, nous tirons des plans. Deux solutions s'offrent à nous ou bien essayer de forcer le passage, ou bien attendre quelques heures... un jour, deux jours... que tout redevienne normal (?), miais dans ce cas, que vont penser les collègues à la surface ?... Nous optons pour la première alternative.

" L'un derrière l'autre, nous plongeons à la verticale, plus bas, toujours plus bas. Nos lampes étanches n'éclairent... rien, dans cette boue. La chatière se referme : ça " racle " de tous côtés ; pourvu que ça ne " coince " pas ! Dans cette position, la tête en bas, ce serait dramatique. Il nous est impossible de faire demi-tour. A tâtons, tels des aveugles, nous cherchons notre chemin, palpant avec angoisse le rocher, fouillant dans le noir. Les secondes, les minutes s'écoulent, infiniment longues, pour nous qui nous savons limités dans le temps par le contenu de nos bouteilles.

" Enfin, ô miracle ! les pupilles dilatées à l'extrême, nous croyons distinguer le faisceau de nos lampes ; oui, ça y est : c'est passé. Nous nous retrouvons dans la galerie principale où tout nous parait clair, lumineux, facile.

A 20 mètres, Fourquet est la qui nous attend. Il ne s'est douté de rien. Pour lui, ce fut une plongée sans histoire. Pour nous, elle aurait pu être la dernière, sans la chance dont nous avons bénéficié, et - en toute modestie - le sang-froid dont nous avons fait preuve ".

Il ne nous reste plus qu'à parcourir les derniers mètres et à retrouver le soleil. Comme cette première cigarette nous semble bonne...

Allard et Fourquet déséquipent la cloche artificielle et ramènent le téléphone.

En conclusion, malgré une certaine expérience de la plongée souterraine, nous nous sommes laissés surprendre par un nouveau danger auquel nous n'avions pas pensé. Les galeries principales d'un siphon nettoyées par le courant sont vierges de dépots argileux mais les cheminées et boyaux adjacents remplis d'eau pratiquement stagnante en sont recouverts. L'emploi du dévidoir ou d'un fil d'Ariane est donc impératif dans toute plongée souterraine.

, de changer de détendeur et de bouteille sans avoir à quitter l'embout buccal.