La jonction
Pene-Blanque – Goueil di Her.

 

Texte Maurice Duchêne (extrait de « La Coumo d'Hyouernedo – Réseau Félix Trombe – Henne Morte – Massif d'Arbas » G.S.des Pyrénées, Toulouse 1982, 345 p.)

Photographies Joël Endewell.

 

Août 1979.

« Cependant, deux excellents plongeurs français, Patrick Penez et Frédéric Vergier (des groupes spéléos Ragaïe et Darboun du Vaucluse) sont venus tenter l'ultime jonction Pene Blanque – Goueil di Her.

Ces deux plongeurs, aux qualités spéléologiques peu ordinaires auraient réussi si les informations qu'ils avaient collectées s'étaient avérées exactes.

S'étant renseignés auprès d'un spéléologue qui ne connaît rien à la topographie souterraine, ils croiront à tord que le siphon de Pene Blanque correspond en altitude avec celui qui se situe au terminus du Goueil di Her atteint en 1969. Lourde erreur qui leur coûtera la joie de la victoire ; 70 mètres de dénivellation séparent en effet les deux cavités. Ils réussirent toutefois des plongées absolument remarquables et lorsque nous arriverons avec le même but le 24 août, ils nous transmettrons tous les éléments qui favoriseront notre réussite.

Descendant au fond des puits arrosés de Pene Blanque, ils franchiront le siphon terminal où Jean-Claude Frachon avait failli réussir en 1972. Derrière ce beau siphon de 120m de long pour 20m de profondeur, ils déambuleront dans 200 m de rivière pour se voir stoppés et désappointés devant des puits où cascade la rivière.

Ne désarmant pas ils décident, puisqu'ils sont là, d'attaquer par le Goueil di Her, franchissent à nouveau le siphon J.Y.G., réescaladent la cascade du GEPS et plongent le siphon 3 sur près de 180m de longueur et par –28 sans toutefois réapparaître à l'air libre.

Des crues très importantes les gêneront : qu'on en juge, le siphon 1 du Goueil, long habituellement de 20m et du fait que les galeries sont noyées sous 6 m d'eau supplémentaires, s'est allongé et atteint 60m.
Ils perdront également du matériel à cause des crues.

Ce 24 août au soir, nous dînons ensemble à Arbas. L'ambiance est excellente, ils nous transmettent leurs résultats et Xavier leur prête des palmes pour aller chercher leur matériel.
[…]
Le 25 août, Christian Cailhol, Pascal Guirauton et Christiane Thonier ont équipé Pene Blanque.


maurice duchène et emile Bugat

Le 26 août, une forte équipe composée d'éléments du G.S.des Pyrénées et des Plongeurs Spéléos de Paris, porte de lourdes charges dans la grotte.

Pascal Guirauton, Catherine Noël et Yvonne di Nicola nous accompagnent et laissent leurs charges au sommet du dernier puits de 53 mètres;
Nous, c'est à dire Christian Cailhol et moi comme porteurs, plus Xavier Goyet et Daniel Caron, Directeur de l'Ecole Québécoise de Spéléologie en voyage d'études, continuons :

Je descend en équipant et atteins sans encombre la base du puits arrosé. Au tour de Christian,. Tout à coup, un cri suivi de « Tire … tire … ». Les réflexes jouent, je me jette sur la corde et, m'y suspendant, j'arrête la chute amorcée par Christian qui, considérablement alourdi par 45 kg de chargement, s'est laissé emporter par la vitesse sur la corde de 8 mm neuve.

Quelques perles de sueur. Tout va bien ? Nous portons tous les deux les quatre bouteilles de plongée, gonflées à 250 bars.

Les deux autres plongeurs se sont mis en habits adéquats et suivent avec du matériel spéléologique ordinaire. Pascal a dû descendre le puits de 53 m pour réparer un joint qui s'est rétracté au froid, puis est remonté.

Arrivés au siphon, nous remarquons qu'une plaque a été scellée par Jacques Marion et Didier Prédère pour commémorer l'exploit sportif que constitue l'aller-retour Puits de la coquille – fond de Pene Blanque les 13 et 14 juillet en 40 heures après avoir préalablement équipé une grande partie du réseau en cordes fixes.

Xavier Goyet plonge en tête avec le matériel Spéléo (100m de cordes, anneaux, spits). Daniel Caron suit. Le fil d'Ariane, fixé par Penez et Vergier, aide nos amis. Sortie du siphon, 120m plus loin, sans problème sur une margelle glissante pour Xavier. Après de longues minutes, toujours pas de Daniel. Enfin il arrive, le visage blanc. Il avait perdu le fil d'Ariane en cours de progression et, dans le noir absolu du siphon, l'eau étant troublée par le passage de Xavier, il lui fallut beaucoup de sang-froid pour retrouver la ficelle de 3mm. Dans la manœuvre, il avait usé un tiers de ses réserves d'air.

La rivière est calme et coule ente des parois verticales très noires, rayées de jaune. Les voûtes sont très hautes.

Terminus de Penez-Vergier – Equipement – Puits de 26 – ressaut de 6 – puits de 20 – ressauts de 2 et 6 mètres. Après 150m de rivière, arrêt sur siphon à –963m.

Xavier et Daniel sont déçus, aucune trace des autres plongeurs qui eux sont entrés dans le Goueil di Her. Les blocs de plongée ayant été laissés en haut des puits, ils rentrent en abandonnant la cordelle de nylon que Daniel porte autour du cou. Autre incident dans le siphon, le sac de portage s'enroule autour du fil d'Ariane, emprisonne Xavier qui à l'aide de son poignard se libère et sort du siphon avec 150m de cordelle dans les bras !

A 1 heure du matin, ils arriveront joyeux chez « Aspa », à Arbas. Toujours, toujours nous serons bien reçus chez Laurent Aspa, Mercédes Alamo et son mari auxquels nous imposerons bien souvent des veilles, des repas imprévus ou des casse-croûte tardifs !

Nous annonçons à Xavier et Daniel que Joël Endewell et Patrick Sautereau ont réussi leur tentative dans le Goueil di Her. En effet, après avoir passé le siphon J.Y.G., qu'ils estimeront à 220m de longueur (au lieu des 140 annoncés en 1968), ils remonteront la cascade du GEPS et là Joël a réussi, après plusieurs tentatives infructueuses, à franchir le siphon 3, long de 200 mètres par –28 environ.

Seul, abandonnant ses bouteilles, il va remonter la rivière, s'arrêtant après 170m de galerie sur un nouveau siphon.

A l'avance, nous fêtons la victoire au champagne. Elle ne fait plus de doute. Mettant bout à bout nos topographies et les estimations des plongeurs, , nous arrivons à la conclusion que le siphon qui a arrêté Xavier à l'aval de Pene Blanque et Joël à l'amont du Goueil est le même et qu'il ne doit pas être long.

Le 28 août, Xavier, Daniel et Christian Cailhol aident Joël Endewell et Patrick Sautereau à porter le matériel de plongée dans le Goueil Di Her.

Joël et Patrick franchissent les trois siphons. Patrick accompagne Joël jusqu'au siphon 4. Quelques minutes plus tard, Joël réapparaît avec une petite cordelle à la main, celle qu'avait abandonné Daniel Caron deux jours plus tôt. L'ultime jonction est réussie.

Joël Enndewell :
«  … ce n'est pas moi qui ai fait la jonction, car avec Sautereau on a toujours fonctionné un siphon chacun.
Comme le siphon suspendu (le second en venant du Goueil) avait l'air plutôt ardos je suis parti le premier, mais le suivant était pour lui.
Il est donc le seul a avoir franchi. La jonction j'aurais pu me le faire aussi, 15 mètres c'est une formalité, mais l'expé était déjà ardos, je préférais assurer la sécurité».

Le réseau Félix Trombe – Henne Morte atteint –1004 m de profondeur et dépasse les soixante kilomètres.


Photo de l'équipe avec félix trombe

Le lendemain, toute l'équipe renforcée par Laurent Maffre, Lionel Prévost, Serge Castaing et Jean-Jacques Monier, récupère tout le matériel.

Au cours de ces 5 jours, Christian Cailhol se sera dépensé sans compter pour la réussite de l'équipe, en assurant toutes les tâches de portage les plus ingrates et mérite, au même titre que les plongeurs, les lauriers de la victoire.

Vite fait, bien fait, en une année, nous aurons réussi les plus belles jonction qui restaient à faire ; nous devons cela à la cohésion de l'équipe et à la qualité des plongeurs.

 

 


derriere le siphon j.y.g. la cascade g.e.p.s.

 


dans la rivière

la voute mouillante



portage dans la rivière

 

:
Progression dans la rivière


Remontée de la cascade geps

 


progression aquatique

 


préparatifs avant la plongée

 


euphorie après la jonction

 


de gauche a droite - J enndewell - d.Caron - felix trombe- X.goyet - p. sautereau