L'OEIL DE LA DOUE (Martel -Lot)
camp national de la Commission Plongée Souterraine de la FFESSM - 1998/1999

 

par Patrick BOLAGNO (subaqua n°162)
par marc Douchet (subaqua n°167)

 

Le premier siphon est plongé en 1976 par PEJOUT et VERLHAC. Plus tard Claude TOULOUMJIAN sort le S2 et poursuit l'exploration dans le S3 et s'arrête à 700 mètres. Frédéric BERNARD, en 1993, le rallonge jusqu'à 1295 mètres et y découvre le shunt. Puis Patrick JOLIVET y rajoute quelques mètres et moi dans la foulée, je m'arrête sur palier après y avoir déroulé 40 mètres.

En 1998, accompagné de Marc DOUCHET, je sors le S3 : 1380 mètres -50, et y découvre 70 mètres de galerie. Nous plongeons le S4 sur 80 mètres arrêt à -17 mètres.

L'Oeil de la Doux est une très belle résurgence, son débit peut-être considérable mais dans les périodes sèches, la rivière ne coule plus par son ouverture au pied de la falaise. Parfois même le S1 se passe à pied sec jusqu'au S2.

Le S1 (170 m-6), est suivi d'une belle galerie en canyon où coule la rivière. Après le S2 (350 m, -15) nous enchaînons le S3 (1380 m point bas -52).

Il débouche sur une galerie de 70 mètres de long «galerie FRED ». Puis le S4 plongée sur 70 mètres arrêt -17 azimut 30°.

SEMAINE DU 10 AU 19 AVRIL 1999.

Comme d'habitude le groupe à rendez-vous «chez GABY » à Magès à quelques kilomètres de Rocamadour. Cette année, quatre débutants se sont greffés à l'expédition, en suite logique de nos stages.

L'Oeil est un réseau parfaitement adapté à leur première exploration post siphon. Comme en 1998, le niveau de l'eau est très haut ce qui rend les portages plus faciles. Mais bien sur, la pluie accompagne nos portages extérieurs, heureusement elle n'aura pratiquement aucune conséquence sur la turbidité du réseau.

PREMIER JOUR (mise en condition)

La sortie du S1 est toujours délicate surtout pour les scooters, nous avons décidé d'installer un câble au début du canyon, il permettra de les passer en tyrolienne pour éviter les chocs. Tous les relais sont portés devant le S2, pour permettre un premier voyage à 700 mètres dans le S3.

Bernard GAUCHE est venu nous prêter main forte, malheureusement il ne reste qu'un jour.

DEUXIEME JOUR.

Marc Renaud, Jean Christophe, Michel et Kiki partirons les premiers pour étaler le reste des blocs. Avec Marc Douchet, nous attendons leur retour devant le S2 assis sur la dune. A leur arrivée, nous partons en chevauchant nos montures, au bout d'environ 150 mètres j'ai une sensation bizarre : le scooter s'en va sans moi, je comprends immédiatement : Je viens de casser ma «barre à cul ». Tandis que je bricole un système pour pouvoir rentrer, j'entends Marc qui continue.

Il effectuera son portage et à sa sortie après une petite discussion, un arrangement est conclu. Le jour de la pointe nous récupérerons une bouteille chacun au passage et HOP ! C'est réglé, une journée de gagnée.

TROIXIEME JOUR (promenade)

C'est la détente quelques-uns uns iront plonger avec les débutants à «fond DELTRUF » et pour d'autres un petit retour à l'OEIL est nécessaire pour peaufiner le tout, la bonne humeur est là, nous sommes à la limite de ne pas vouloir sortir du trou car dehors le froid et la pluie nous attendent.

Le plus heureux d'entre nous s'est Olivier GASPE car pour lui c'est un retour aux sources.

QUATRIEME JOUR (la pointe)

Nous sommes accompagnés de Kiki et de Michel, ils sont venus pour nous bichonner, le départ est un peu retardé par un détendeur capricieux. Mais ça y est ! Nous nous attendons à chaque passage de relais et quand le ronronnement du deuxième scooter ne se fait plus entendre le premier attend l'autre.

Après quelques longues minutes nous arrivons à la sortie du S3 dans la zone des paliers.

Le froid est avec nous, tous les deux nous avons les mêmes pensées : ou est notre petit poisson fétiche qui avait accompagné pendant nos paliers de l'année précédente, il n'est pas au rendez­ vous.

Avec quelques signes j'explique à Marc qu'il doit être énorme maintenant alors attention ! Je sors le premier il est 12 h 50 je me dépouille de mon gros bi devant le S4 et maintenant il nous reste plus qu'à attendre quelques heures interminables.

Première chose pour passer le temps manger, se désaltérer et préparer les hamacs que nous avons laissés auparavant.

Entre lecture et compétition de GAME.BOY malgré les «branlées » que Marc m'inflige (il doit s'entraîner régulièrement ).

Il est maintenant 18h00 c'est l'heure de se remettre à l'eau pour continuer le S4, l'arrivée au terminus se fait sans encombre malgré un détendeur qui avale des cailloux dans le début du passage bas.

Le dévidoir tourne, je scrute l'horizon et je regarde mon profondimètre le siphon remonte régulièrement, ça y est je viens de le sortir 60 mètres de déroulé ce qui nous donne au total, 130 mètres -17 dans le S4.

Marc arrive à ma rencontre après avoir attaché le fil sur tout le parcourt.

Nous sommes maintenant dans une galerie exondée toujours en forme de canyon que nous parcourons harnachés de nos bi 20 litres.


Au bout de 100 mètres le départ du S5 est devant nous, Le siphon est de dimension honorable, dès le départ il descend sur une pente de sable, il mesure environ 4 mètres de large sur 2 de hauteur, il suit la direction générale du réseau, mais descend toujours. Je dois m'arrêter dans la zone des 30 mètres, le profil ne me permet pas de continuer trop profond je n'ai pas prévu de décompression fiable.

A - 30 mètres la pente est toujours aussi régulière, je glisse à -38 mètres ou un petit trou dans la roche me permet d'accrocher mon fil et d'arrêter ma progression.

Un petit coup d'oeil sur mon compas, 340° et cela descend encore. Je rejoins Marc qui attache avec minutie le fil et tout en remontant, nos regards se croisent, il va falloir prévoir pour la prochaine pointe, une autre méthode pour continuer l'exploration du réseau. Au retour au campement, il faut encore attendre avant de rentrer au bercail, déssaturation oblige.

J'en profite pour prendre le maximum de notes et je retourne dans mon lit douillet seul !

Car avec Marc nous avons toujours fait chambre à part, ne vous déplaise. Quand nous sortons la nuit est tombée depuis longtemps et surprise personne ne nous attend, mais, sur le chemin du retour, nous rencontrons quelques membres de l'équipe qui venaient nous attendre à la sortie. Chez GABY le récit de notre exploration est écouté avec attention et cela rend heureux toute une équipe, s'est aussi leur première car sans eux la tache serait impossible.

LE LENDEMAIN CINQUIEME JOUR (déjà la fin)

Il est 9 h 00 tout le monde est devant le compresseur, les véhicules se chargent, le retour à l'OEil est immédiat chacun à une tache pour que tout le matériel soit sorti du trou dans le courant de la journée. Les bouteilles les plus lointaines sont dans le S3 à -20. Marc et moi nous rentrerons dans le S1 les derniers, en fait nous lambinons, je ne sais pas pourquoi mais l'eau est très froide ce matin.

RECAPITULATIF

La distance du S4 est portée à 130 mètres - 17,'puis une galerie de 100 mètres de long, au bout le S5 avec 110 mètres de fil déroulé, arrêt à - 38 avec une direction générale entre 40° et 340 °. A suivre...

Participants à ce camp national de la Commission Plongée Souterraine de la FFESSM
Jean Christophe AGNES, Rémy BARON, Patrick BOLAGNO, Joseph CAMPANELLA, Serge CARRAZ, Hervé CHAUVEZ, Marc DOUCHET, Olivier GASPE, Bernard GAUCHE, Bernard GIAI-CHECA, Michel GUIS, Nadir LASSON, Christian MORE, Marc RENAUD

 

Faute d'autonomie en gaz, Patrick Bolagno et Marc Douchet s'étaient arrêtés, dans le siphon 4 de l'OEil de la Doue, le 9 mai 98 (c f. Subaqua 162 de janvier 1999 Campagne d'exploration en Plongée Souterraine à l'Oeil de la Doue, Lot). Au printemps dernier, une équipe de 14 plongeurs de la commission nationale de plongée souterraine de la FFESSM a poursuivi l'étude de ce fabuleux réseau.

Par Marc Douchet.

Comme de coutume, cette année encore, c'était Pâques au tison et même à certaines heures Pâques sous les flocons dans la cam­ pagne lotoise. Mais, si ce n'est les désagré­ ments des séances-vestiaires en plein air sous unie pluie fine et glaciale, les conditions géné­ rales d'explorations étaient idéales : la rivière coulait claire et son niveau était haut Lorsque c'est le cas, l'eau qui emplit les siphons apla­ nit les reliefs et nous aide à porter nos trop lourds équipements.

En quatre jours, nous avons mis en. place toute l'infrastructure d'une pointe. Nous avons connu quelques aléas mineurs, qui nous ont obligés à de nombreuses séances de bri­ colage sur les Zeeps, les détendeurs ou autres Wings, mais, tout était opérationnel et en parfait état pour le jour de la pointe. Pro­ grammée le mercredi 14 avril, nous avons réussi la gageure, fait rarissime, de respecter le planning prévisionnel.

Fidèles à nos habitudes, le camp était installé dans la ferme des "Lasvaux", à quelques kilo­ mètres de Rocamadour. Le deuxième site classé de France était le chemin incontour­ nable des anciens pèlerins qui se rendaient à St jean de Compostelle. Il garde pour nous une notation quasi religieuse, car il est au coeur de la plus grande concentration des grands siphons d'Europe. C'est la "Mecque" des spéléonautes.

Dès 8 heures du matin, et sous la pluie, nous prenons la route de l'OEiI que nous commen­çons à bien connaître mais ceci n'a qu'une in­ cidence mineure sur l'anxiété qui nous ronge lors de tous nos grands rendez-vous. Pendant 15 km, en silence, Bobo et moi anticipons le déroulement de la pointe en vérifiant menta­ lement toutes les phases de plongées. Tout le matériel était sur place à l'exception des vivres de courses et de certains détails comme les "peniflots". Contraints de créer ou d'adopter à tout moment le matériel spé­ cifique qui leur fait défaut, les spéléonautes (mâles) ont tous bricolé desWC sur leur vê­ tement étanche à l'aide d'un étui pénien en latex et d'une valve étanche. Ce qui nous vaut des scènes torrides et curieuses lors de la mise en place de ces préservatifs étrangement troués.

Finalement le départ effectif dans le siphon 2 n'a eu lieu que vers 10 h 30, le temps pour nous de vérifier un détendeur récalcitrant. Dans ce siphon, nous avons pris nos marques pour trouver les points d'équilibre en Zeep. Dix minutes plus tard, nous sortons la tête de l'eau pour faire le point avant la grande traversée du siphon 3. Elle se fait sans encombre. La mésaventure de l'année dernière ne se reproduit pas, nous évitons le piège du "Tourne en rond" dans la zone profonde. Pourtant nous totalisons 60 minutes de plongée avant d'entamer les procédures de dé­compression : nous sommes pénalisés par les mul­ tiples changements de relais. Bref le tarif d'aujour­ d'hui sera de 50 minutes de palier entre -9 et -3 m. Dès que nous sortons, nous investissons le camp laissé en l'état un an plutôt. Nous déplions nos cou­ vertures de survie, vérifions les hamacs, déballons nos petites affaires et enfin, dressons la table.ll est un peu plus de 13 heures, c'est l'heure du déjeuner.Avec beaucoup d'ingéniosité et de patience,,nous avons tué 8 heures pleines, avant de nous réimmerger et d'attaquer l'exploration du siphon 4. Les premières dizaines de mètres sont épiques : un sévère laminoir descend à 45' jusqu'à 15 mètres de profondeur. Au terminus de l'an dernier, nous nous organisons comme à l'accoutumé : Bobo déroule et je peaufine l'installation du fil à coup d'élastique en chambre à air. Déjà nous remontons, la surface n'est pas loin :130 m -15, le S4 est franchi. Patrick mise sur une continuité en plongée et garde son harnache­ ment, moi, je préfère aller en reconnaissance dans cette nouvelle galerie sans le handicap du bi-20 litres. Cent mètres à courir dans une large rivière bruyante... Dans un virage la voûte descend violem­ ment : je suis devant le siphon 5. Je hurle la nou­ velle à Patrick qui poursuit son chemin de croix écrasé par les 65 kg de son équipement. Il est à mi­ chemin lorsque nous nous croisons. Un quart d'heure plus tard nous avons, tous les deux, retrouvé notre aisance et notre souffle dans l'eau salvatrice du siphon 5.

Nous l'attaquons plein d'espoir. Il a un profil très vertical. Nous descendons par une belle et large galerie noyée. Jusqu'où allons-nous descendre ? Le profondimètre indique déjà 22 m, puis 30. Il ne faudrait pas que ça continue sur ce rythme : nous n'avons ni les gaz ni la procédure de décompression pour descendre profond. Maintenant, nous sommes à -35, et ça file toujours. Je dois rattraper Bobo et lui faire signe de remonter. Mais ce n'est pas utile, lui aussi a les mêmes informations et le même conditionnement de sécurité, il sait que l'exploration est finie pour aujourd'hui.A -38, sur un super OEil creusé dans la roche, il stoppe le fil.

Nous avons déroulé 110 m de fil dans le S 5. La pente semble se poursuivre bien au-delà de la portée de nos éclairages et en tout cas bien au-delà des quarante mètres.

Le retour est un long échafaudage de la lourde logistique qu'il faudra mettre en place pour dépasser le terminus de ce jour avec un maximum de sécurité.

Participants à ce camp national de la

Commission Plongée Souterraine de la FFESSM

Jean Christophe Agnès, Rémy Baron, Patrick Bolagno, joseph Campanella, Serge Carraz, Hervé Chauvez, Marc Douchet, Olivier Gaspe, Bernard Gauché, Bernard Giai-Checa, Michel Guis, Nadir Lasson, Christian More, Marc Renaud.