Plongée aux Petites Fleurs Bleues

 

le 24 mai 2003 (Extrait de CARBABELLE N°5 - CLPA - 2006)
par Pascal Mouneyrat

 

 

Je suis devant le siphon, cela fait 8 mois que j'attends, le rêve ce réalise ...

Mais reprenons depuis le début... 1990 à l'occasion d'une sortie spéléo de visite des classiques des "Causses", j'ai eu l'occasion de tremper mes bottes dans la Sorgues souterraine au fond du Mas Raynal, une rivière impressionnante, comme le reste du gouffre, qui me fit rêver à un parcours  souterrain jonché de cascades et de galeries énormes. La plongée à l'époque, je n'y pensais même pas, et le rêve s'estompa mais ne disparu pas totalement.

Août 2002, par le plus grand des hasards sur Internet, alors que je cherche un club sur la région, je trouve le site du CLPA, et par le fait l'adresse de Nathan Boinet pour acheter son bouquin sur  l'Hortus. De fils en aiguilles, après quelques sorties, je me retrouve dans les locaux du CLPA,
Nathan me faisant la visite et me commentant les premières et topos affichés sur les murs. Quelle fut ma surprise de voir la topo du PFB rejoignant la Sorgues en amont du Mas Raynal, le rêve devenait réalité. Nathan me proposa rapidement de continuer ses 95 m de première faite dans le siphon amont du PFB. Il me présente à Serge Nurit, l'un des explorateurs et topographes du  gouffre...  La plongée ne se fera pas en 2002 et l'attente fut longue !

Ce samedi 24 Mai 2003, par une belle journée, je fais route vers le rendez vous. Je suis déjà concentré.  9h30, j'attends au Caylar mais pas au bon endroit !
Nathan me passe un coup de fil "mais qu'est ce que tu fais, on t'attend au café... Nous voici donc, tous dans le pré à coté du trou, déballage de matériel pour la photo avant  l'expédition, le matériel est ensuite rapidement conditionné dans des kits. Les 4 blocs de plongée et  le reste de mon matériel, plus le matériel collectif ainsi que la bouffe, pas moins de 11 kits à se  trimbaler jusqu'à -100 devant le siphon.  Il est 10h45 quand les premiers partent dans le trou, s'ensuit une longue chaîne de portage. La  progression est lente surtout avec mes kits bleus, pas vraiment adaptés à la configuration des lieux.  Il faudra même les déconditionner à l'aller et au retour pour pouvoir les faire passer. Certains pestent, d'autres rigolent, les portages pour un plongeur ça change la spéléo !... Une ambiance
différente se crée, ce n'est pas souvent que l'on se retrouve en inter club, et malgré les difficultés, les spéléos échangent beaucoup et une certaine cordialité s'installe naturellement.
Il est presque 13h30 quand nous arrivons tous dans la rivière. Les porteurs se restaurent pendant  que je commence à m'équiper et à préparer le matériel. Nathan me monte les blocs et les bretelles du Bi 10 litres et m'aide dans les tâches du plongeur qui se prépare. La concentration monte d'un  cran, un léger stress m'envahi, pourvu que je n'ai rien oublié et que la mise à l'eau se passe sans problème, après on verra…


15h15, accompagné de toute l'équipe je suis devant le siphon. Le stress commence à retomber, je sais que c'est le moment ou je vais pouvoir réaliser ce rêve et apprécier la plongée vers l'inconnue. Je suis tel un hippopotame qui a du mal à ce mouvoir hors de l'eau, avec mon Bi-10 gonflé à 245 bars et mes deux relais 6 litres à 235 bars (j'ai un peu perdu par apport a la veille ou je gonflais à 265 bars les blocs, mais je le savais, à froid la pression est moindre).  Avec mon petit "A+" traditionnel quand je plonge, je m'élance et l'hippopotame apprécie la mise à  l'eau… Je progresse lentement pour découvrir ce siphon. Après 2 ou 3 minutes j'émerge dans la première cloche, une diaclase perpendiculaire au siphon. La suite est assez pénible vu la charge que je trimbale. Un ramping de 15 m, détenteur en bouche
sur un des relais... Je m'enfonce dans un mélange de sable et d'argile, je racle le plafond avec les blocs dorsaux, et mes relais, tel une charrue à deux socle qui trace des sillons sur le sol.

Aucune visibilité, je suis bien dans le coeur de l'action et le stress à totalement disparu laissant  place à la concentration du plongeur spéléo et à l'effort physique.  Enfin, je progresse dans une belle galerie de 8 à 10 mètres de large et d'environ, entre 1,10 et 1,50  mètre de haut, avec un courant non négligeable et une bonne visibilité de 10 m. Je suis le fil  d'Ariane déposé par Nathan l'année dernière. Il n'a pas bougé. J'arrive en suite au point 95 m de son terminus, une grosse stalactite esseulée prouvant que l'endroit n'a pas été toujours noyé. La progression c'est effectué globalement vers l'est. Je raccorde ce point avec mon dévidoir rempli de
205 m de fil étiqueté tous les 10 mètres et sans m' attarder, car la touille m'envahit, je débute une progression vers l'inconnu.
Je m'efforce de rester au milieu pour éviter les sections piège de la galerie. Il faut éviter que le fil vienne se positionner dans une zone ou le plafond rejoint le sol en mourant petit à petit. Globalement, le siphon garde les mêmes proportions jusqu'au point 140 m où j'émerge dans une seconde cloche, deux fois plus petite que la première. La diaclase n'est plus perpendiculaire mais  tend à être parallèle au siphon. On commence à ce diriger vers le Nord. J'en profite pour déposer
mon premier relais de 6 litres consommé au tiers de sa capacité, et continu la progression en  équipant avec les plombs largables que j'avais pris car les amarrages sont très rares. La profondeur  moyenne du siphon, sur la première partie, jusqu'au point 150, est de -2 à -3 mètres, mais petit à
petit la profondeur s'accroît certainement du au passage plein Nord.  A 220 m, je dépose le second relais à -6 m car il devient pénible à porter. La galerie se rétrécit
sensiblement de 4 mètres sur 2 mètres, le courant me semble important bien que je me sois allégé  sur le parcours des plomb et relais. La suite s'approfondit toujours jusqu'à - 9 mètres au point 300  mètre fin du dévidoir, la galerie continue toujours noyée, et j'ai une visibilité sur 10 à 15 mètres de  plus. Un arrêt de 4 minutes, prise du cap pour confirmer le plein Nord, je décide de faire demi-tour  malgré un autre dévidoir avec 100 mètres de fil.

Pour une première plongée dans ce siphon, je veux  faire le retour dans les meilleures conditions n'ayant consommé qu'un cinquième sur mon Bi 10  litres. Allez plus loin serait une prise de risque inutile et je préfère miser sur une prochaine plongée qui sera plus productive grâce à la connaissance du siphon...
Le retour comme à l'habitude s'effectue dans la touille totale. J'ai soulevé pas mal de limon argileux  à l'aller, et dans une galerie aussi vaste, il ne faut pas lâcher le fil d'Ariane. Je bute sur un premier  relais que j'avais accroché au fil, j'ouvre le bloc, et je ne peux contrôler la pression car je n'y voie  rien. je l'accroche sur moi, et je décide de pomper dessus jusqu'à plus d'air, en continuant vers la  sortie. Je récupère le second relais et l'accroche aussi sur moi... Je ne vois même pas la deuxième
cloche et décide de m'arrêter un instant pour faire le point sur le métrage. Pas possible, je n'arrive  pas à lire les étiquettes, je continue donc, et retrouve la zone étroite avec le ramping.  C'est alors qu'un bruit d'air m'interpelle !... Oui c'est bien une bouteille qui est en train de se vider...
j'émerge dans la première cloche, une des bouteille de mon Bi 10 finit de se vider. Je constate que  mon direct système vient d'être arraché, dans ma progression dans le ramping, j'ai du l'accrocher au  plafond pas totalement lisse à cet endroit.  Ce n'est pas trop grave car il me reste 180 bars dans l'autre bloc et un relais que je n'ai pas utilisé au  retour, et plus que 25 mètres à parcourir. J'émerge du siphon et me dit que cet incident sans gravité  aurait pu ce produire au terminus, et je me félicite pour ma prudence sur la gestion de l'air…  Tps / 59 minutes, Aller 36, Retour 19, Prof Maximale -9, Température 11°.


Personne pour m'accueillir. Je les comprends car ce n'est pas marrant d'attendre un plongeur qui est  parti pour une « explo », sans en connaître la durée, qui pouvait varier suivant le scénario. Sortir le  siphon c'était 4 à 5 heures sinon 1 à 2 heures dans le cas contraire. Les gars sont allés visiter les grandes salles du PFB pour se réchauffer. Je me dés équipe, pour ne pas perdre de temps et je  commence à ranger le matériel en me restaurant et en réfléchissant sur une future plongée plus
optimisé.

En effet avec la connaissance du siphon et quelques détails concernant le matériel (équilibrage des  relais, protection des tuyaux, une planchette pour noter les caps, etc...) on peut aller plus loin, tout  en utilisant les mêmes blocs, pour un portage équivalent. Après cela deviendra plus difficile et plus  lourd, si l'on ne trouve pas un autre accès au siphon, mais pour cela je fais confiance à Serge pour  nous dégoter une voie royale...
17H30, tout le monde est là. Après quelques boisons chaude, et des explications sur la plongée,  nous reconditionnons le matériel pour le retour vers la surface. Nous tractons tous les kits en haut  du P 60 sans trop de problèmes. La zone étroite nous donne un peu plus de mal avec l'obligation de  déconditionner les fameux kits bleus à certains endroits. Je peu en parler car l'équipe avait eu la  gentillesse de m'en laisser un, a sortir... C'est de bonne guerre car le plongeur se doit, au retour de  participer activement au portage de son matériel. Il redevient un spéléo comme les autres. Sortie  vers 23H et retour à la maison pour tout le monde.


Je remercie toute l'équipe de portage et plus particulièrement Serge Nurit pour l'organisation et son  implication sur ce massif, Nathan Boinet pour m'avoir laissé la place du plongeur et le CLPA pour  la confiance accordé a cet effet à un nouveau.


Pascal MOUNEYRAT

Liste des participants :
CLPA :
Eric LABARRE, Serge NURIT, Patrick CANEDO, Dominique LACROIX, Jean-Paul HOULEZ, Nathan BOINET
Philippe KIRN (en surface), Pascal MOUNEYRAT.
INVITES :
Chris -Valéry LEYNAUD (GSG)
Michel CHANTRE (GSUM)
Laurent FESTOR (SCSP)