Le Tindoul

Qui veut plonger au Tindoul doit prévoir sa cagoule, des plans qui se chamboulent et un trou qui refoule !

 

par Frank Vasseur - 2011


Equipe photo, par Frank Vasseur

 

Le Tindoul de la Vayssière est situé dans l'Aveyron, sur le causse Comtal, à proximité de Rodez.

Son exploration débute au XVIII, avec la descente du puits d'entrée par l'abbé Carnus. La première plongée remonte à 1962, avec la première reconnaissance de Maurette et Veyrune. En 1980, Garette et Claustre progressent d'une centaine de mètres, puis Touloumdjian jusqu'à 200m.

En 1982, en trois plongées, J.-C. Chouquet et P.Penez sortent le S.1 (490m ;-26) puis progressent dans le S.2 en deux branches. Un bute sur une trémie à 560m du départ, l'autre à sur des fractures à 200 du départ.
Patrick P. terminait alors son compte-rendu par « à revoir »… Alors, motivés par les spéléos ruthénois, nous voilà partis.

On avait prévu août 2010 pendant le festival et en semaine : manque d'effectif, faux départ.
On reporte à janvier 2011 : pluie ! re-faux départ.
Après ces deux reports successifs, nous voyons sereinement arriver la date suivante. Pensez-vous donc, il n'est pas tombé une goutte depuis deux mois, une aubaine ! L'affaire est dans le sac, la visibilité sera exceptionnelle, on va s'en mettre plein les mirettes et parcourir des kilomètres en première.

Vendredi 17/06 : tout le matériel est descendu en bas du grandiose puits d'entrée de 35m à ciel ouvert, dans lequel s'aventurait l'Abbé Carnus, il y a pratiquement 220 ans. Les charges sont acheminées jusqu'au lac, à 600m de l'entrée. Là, nous déconditionnons le matériel et assemblons recycleurs et bouteilles de sécurité pendant que les copains en sont pour plusieurs aller-retour depuis le bas du puits.

Puis, équipés de combinaisons néoprènes, nous finissons le portage en transportant le tout dans la rivière jusqu'à la vasque du S.1, à 1100m de l'entrée.

Le matériel photographique est conditionné, testé, tout fonctionne sauf la fibre optique qui a souffert, elle sera réparée ce soir. La petite plage est bien remplie, à l'instar de celles du littoral lors des premières chaleurs.

Le ciel, menaçant depuis le matin, se déchaîne et nous remontons le puits d'entrée sous la pluie. L'orage gronde, l'eau dégringole sur les 20km² de l'impluvium du Tindoul.

Nous anticipons la déconvenue du lendemain en noyant notre chagrin redouté dans diverses productions de ratafia locales (merci à Yannick, ainsi que Stéphane et Annelise pour leur hospitalité et leur aligot).

Le lendemain, après une nuit pluvieuse et un petit déjeuner arrosé, nous trouvons des écoulements dans les galeries à sec hier encore. Le lac est monté de 1,5m ; la perte est saturée. En amont, dans l'actif, le débit a au moins triplé et la visibilité dans le siphon évoque plus le pastaga des joueurs de pétanque que l'onde pure et légère de nos fantasmes yucatèques.

Nous décidons de reporter au we suivant, en espérant de meilleures conditions. Seuls les phares, le matériel photo et les combinaisons étanches sont remontés, tout le reste (recycleurs, bouteilles de sécu, dévidoirs) est laissé à poste.

Participants  : Stéphane Alleguède, Frédo Aragon, André Espinasse, Bruno « el senator » Pouget, Bernard Benoit de Coignac, Pierre Solier, Yannick Costes, Mehdi Dighouth, Frank Vasseur.

 

25/06  : Arrivés dans la nuit avec Mehdi, nous bénéficions de la quiétude du Causse Comtal comme chambre à coucher. Réveil avec grand soleil et chant des oiseaux, il n'est plus tombé une goutte d'eau depuis samedi dernier, on (re)commence à y croire !

Yannick, puis Bernard arrivent avec le matériel d'équipement. Rapidement, nous descendons les charges et enchaînons jusqu'au lac. Le niveau est revenu à celui de vendredi dernier. En amont, le débit est sensiblement supérieur mais en rien perturbateur.

Le matériel attend sagement sur la berge. Nous ne traînons pas, car le rendez-vous retour est fixé à 15h, nous avons 4 heures devant nous. En avant dans le S.1 (490m ;-26).

Passé la zone turbide de la mise à l'eau, le voile opaque se dissout, mais la visibilité reste médiocre. 3 à 4 m de visibilité horizontale, pas plus. Le conduit est vaste, à l'image de ce qui précède la mise à l'eau : 5m à 6m de large pour 3 à 4 de haut, avec des variations de hauteur ponctuelles et des encaissements en canyon. Malgré nos phares puissants, il est difficile de discerner l'intégralité de la section du conduit. Le fil a tenu depuis les premières plongées, réalisées il y a plus de 30 ans.

Nous prenons tout de même quelques clichés, sans illusions quant au résultat, durant les 300 premiers mètres environ, jusqu'à ce que la batterie du flash-esclave soit vide. Nous abandonnons au premier point bas (-26) tout le matériel de prise de vue et une bouteille de sécurité.

Le conduit demeure copieusement argileux, majoritairement au sol et sur la base des parois d occupée de puissants talus. Parfois, le sol est constitué d'un conglomérat compact de graviers et de sable, autrefois il est onctueux.

Au point bas, une bifurcation correspond à un ancien terminus. La suite est en rive gauche, où la remontée s'amorce. Elle se prolonge de façon quasi régulière jusqu'à la surface. Le fil est parfois enterré sous le sable et les limons, nous le dégageons au passage.

L'émersion, au terme de 490m s'opère dans une puissante galerie (4 x 6m), à la faveur d'un déversoir onctueux qui ne manque pas de diffuser ses volutes argileuses vers l'aval.

Légers, autant que faire se peut, sur les rotules, nous retrouvons la station verticale pour un bref parcours dans la rivière, jusqu'au S.2. L'importante concentration de CO2 nous transforme illico en insuffisants respiratoires. Je trouve le salut en reprenant le recycleur en bouche.

La vasque du S.2 est propre, la roche a nu a abrasé et rompu le fil d'Ariane que nous devons reéquiper, sur quelques mètres seulement.

Rapidement, nous gagnons la bifurcation entre les deux branches du S.2. Peu de chances de la rater, le conduit principal (branche gauche pour reprendre la terminologie des explorateurs précédents) se prolonge avec une section sensiblement réduite mais d'allure et avec des caractéristiques similaires au S.1. Alors qu'en rive gauche, une fracture plus intime plonge sur un lit de galets qui jouxte la voûte. L'eau est limpide, après plus de 500m dans l'eau trouble, la tentation est grande de donner la priorité à cette branche « de droite ».

Mais, stoïques, nous ne succombons pas à la tentation et nous en tenons au plan de plongée établi.
Nous allons d'abord revoir la trémie terminale de la branche principale, puis nous irons revoir la « petite » au retour.

Notre interprétation des résultats des dernières explorations (Jean-Charles Chouquet, Patrick Penez – 1982) situait la trémie terminale à 255m du départ.

Nous l'atteindrons finalement au terme de 37 min de palmage dans le S.2, soit à environ 560m de la vasque. Le profil est particulièrement accidenté et la profondeur y varie continuellement : -13/-7/-19/-10/-13/-8/-21/-16/-23/-9. L'argile domine également cette partie de la cavité. Des traces des plongeurs précédents et des ripple-marks sont visibles sur le sol. Leur amplitude est remarquable, ainsi que leur profondeur. Il y a donc du courant dans cette branche.

Au terminus, le fil est amarré à 9m de profondeur, devant une trémie qui obstrue le conduit. Les blocs appuyés à la paroi semblent avoir été déformés par la masse de ceux qui les dominent, à la manière de pains de pâte à modeler.

Mehdi inspecte la rive droite, moi la gauche, rien à espérer sur les côtés. Je remonte verticalement jusqu'à une étroiture, à –6. Deux blocs contre lesquels je bute ne sont pas stabilisés. L'étroiture est sévère, et il faudrait passer en force. Au-dessus, à environ 2m (soit 4m de profondeur), une autre étroiture, horizontale mais au moins aussi sévère semble livrer l'accès à un élargissement.

J'essaie de passer en finesse, peine perdue. Il faudrait forcer et vu l'instabilité de la trémie, je redescends et nous convenons de retourner vers la sortie.

Revenus au carrefour, nous nous engageons dans la banche « de droite ». Nous y suivons le talus de galets fins (étroiture à –18) pour déboucher dans une galerie qui n'a rien de commun avec ce que nous avons vu jusqu'à présent. Ici, l'eau est limpide, pas un sédiment, ni sable, ni argile ne vient la troubler. Un bonheur, à tel point que je regrette d'avoir laissé l'appareil photo dans le S.1. De modestes fractures (1m x 4 à 5m) se recoupent à angle droit, se rétrécissent ponctuellement, imposant le passage à l'égyptienne, durant environ 150m. Au terminus, après un point bas à –30, la galerie revient sur elle-même à -27. Le conduit se ramifie en hauteur. Nous raccordons le dévidoir et remontons une fracture… qui bute sur un élargissement argileux sans suite à –18. Retour à –27. Une autre semble se prolonger, nous repartons et cette fois, c‘est la bonne, nous émergeons après 89 minutes de plongée dans le S.2.

La vasque est modeste, une galerie exondée s'engage, parcourue par un écoulement dont nous entendons l'écho à la faveur d'une cascatelle. La section est en trou de serrure avec 2,5m de haut pour 1m de large au sol et 2m de large dans la partie supérieure. L'atmosphère y est, comme dans l'inter siphon, gazée. Nous rejetons l'idée de quitter les scaphandres pour respirer. Etant donné la morphologie de la galerie, il n'est pas judicieux d'évoluer avec le recycleur sur le dos en respirant dessus. A regret, nous faisons demi-tour et prenons le chemin de la sortie. Nous nous contenterons des 40m de première réalisés aujourd'hui.

Il nous faudra 18min pour rallier la vasque du S.2, puis 26 min pour franchir le siphon 1.

Nous arrivons avec un peu d'avance, puis retrouvons, dans la rivière, Yannick et Christian, puis Laurent, Frédéric, Pierre et Bernard au niveau du lac.
Pendant que nous conditionnons le matériel pour le portage, les aller-retour s'enchaînent afin de rapporter les 17 sacs au bas du puits. Là, Bernard a confectionné une tyrolienne grâce à laquelle les charges sont hissées par grappes par une voiture, depuis la surface.

Un grand merci à tous les participants, qui se sont investis pour mener à bien cette exploration. Il s n'ont pas ménagé leurs efforts et chacun a réalisé au moins deux aller-retour par jour entre le puits et le lac (1200 aller-retour) voire le siphon (2200m aller-retour).

Nous envisageons d'organiser une autre plongée. Elle aurait pour objectif d'aller sortir à nouveau la branche "de droite" pour poursuivre l'exploration en exondé, si elle n'est pas gazée. Ainsi lors de la même plongée et à l'aller, nous projetons de lever la topo du S.1 (fil métré déroulé à l'aller et rembobiné au retour), de l'inter siphon et de cette branche dont la longueur ne doit pas excéder 200m.

Participants  : Eric Boyer, André Espinasse, Bernard Benoit de Coignac, Yannick Costes, Mehdi Dighouth, Christian Rigal, Paul Rouvier, Pierre Solier, Frank Vasseur, Frédéric Viala, Laurent Wherle.

Température de l'eau : 11.7°

Directions dominantes : entre Nord et Est. Mais comme le conduit sinue, il est difficile d'être plus précis sans lever une topographie.

 

Matériel utilisé :

•  recycleur Megalodon standard version électronique (Apecs) pour Mehdi ;

•  recycleur Megalodon Mini version mécanique (Copis) pour Frank ;

•  diluant externe Nitrox 40 ;

•  6 bouteilles de sécurité de 7L en carbone gonflées au Nitrox (40 et 35%) et à 280 bar;

•  3 dévidoirs de fil d'Ariane de 200m chacun ;

•  combinaison étanche en toile (Ursuit) pour Mehdi ;

•  combinaison étanche en néoprène pré-comprimé (SFTefch) pour Frank avec sous-vêtements Sharkskin.

Photographie :

•  Canon G10

•  caisson Patima

•  flash principal Inon D2000

•  flash-esclave Nikonos SB 104 avec cellule des ateliers de Cardesse (F.Verlaguet)

•   

Un merci spécial à François pour son sauvetage du phare de Mehdi afin d'illuminer les entrailles du Tindoul et ses éclairages de progression et de sécurité.

 

remontée mécanisée du matériel photo, par Frank Vasseur

 

 

par Frank Vasseur

par Frank Vasseur

Mehdi Dighouth, par Frank Vasseur

par Frank Vasseur

par Frank Vasseur

par Frank Vasseur