EXPEDITION "MATKA 2007"

Union Belge de Spéléologie asbl

La République de Macédoine :

 

Notre petite odyssée macédonienne de l'été dernier faisait suite à une première expédition organisée en 2000. A l'époque, nous avions passé presque un mois sur place et, presque partout, nos explorations ne s'étaient arrêtées que par manque de temps ou de matériel. Le potentiel de découverte supposé était bien au rendez-vous et il était, dès lors, évident qu'un retour dans le pays s'imposait. Malheureusement, quelques mois seulement après cette expé couronnée de succès, les troubles politiques du Kosovo débordèrent en Macédoine ce qui rendit l'organisation d'une nouvelle expédition impossible durant plusieurs années puisque les principales zones karstiques se situaient, souvent, au cœur même des régions les plus troublées.

La Macédoine, dont la capitale est Skopje, est indépendante depuis le 17 novembre 1991. Le pays couvre un territoire de 25 713km², et compte 2 075 196 millions d’habitants. La langue officielle est le macédonien qui utilise l’alphabet cyrillique pour sa forme écrite. L’agriculture et l’exploitation d’importantes ressources minières sont les principales activités économiques du pays. Le tourisme, en plein essor, devrait diversifier ces sources de revenus. Le pays, depuis deux ou trois ans, met les bouchées doubles pour se mettre aux standards politiques, juridiques et économiques européens afin de rejoindre au plus vite la CEE.

Hydrologiquement, la Macédoine est un pays montagneux avec un point culminant à 2764 mètres, la Soluska Glava. Plusieurs zones karstiques parsèment le Sud du pays. Les sources sont nombreuses. Le potentiel d’exploration spéléologique est parmi les plus intéressants en Europe.

Durant les années sombres, malgré moult difficultés, nous avons pu maintenir les contacts avec nos amis du « Speleološko Društo Peoni » de Skopje, club avec lequel nous avions si fructueusement collaboré en 2000. Le calme revenu, du moins en apparence, nous décidons, fin 2006, de tenter notre chance et de retourner, enfin, en Macédoine. Toutefois, vu les nombreuses incertitudes consécutives aux événements politiques récents, nous avons opté pour une expé "légère" permettant de renouer les contacts sur place, de reconnaître de nouveaux objectifs et, bien entendu, de poursuivre l'exploration de plusieurs cavités laissées inachevées lors de notre précédente visite. Ce choix allait d'ailleurs rapidement s'avérer judicieux pour une toute autre raison. Il n'est, en effet, plus très simple de rassembler des spéléos ayant envie de se farcir 2200 km et 2 semaines d'inconfort. Hé oui, en Belgique aussi, l'ambiance est à la consommation sans effort, politique d'ailleurs largement plébiscitée par les commissions plongée souterraine des diverses fédérations et encore aggravée par la disparition des subventions provenant des organismes officiels. Mais ceci est un autre débat. Au fil des mois, il est apparu que nous ne serions que 3 belges, dont 2 spéléonautes seulement, à tenter l'aventure. Heureusement, des contacts avec une équipe française active en Macédoine depuis 2003 nous assurera le renfort de 2 sympathiques spéléos niçois.

Après des mois de préparation, et une route sans encombre, nous débarquons à Skopje avec armes et bagages le 30 juillet. Les retrouvailles avec les membres de Peoni sont chaleureuses. Avec eux, nous mettons au point le calendrier de l'expédition afin d'être le plus efficace possible. Nous décidons de nous concentrer sur deux objectifs:


Coupe de la source de Matka Vrelo après l’expé 2000

- Makta Vrelo, vaste source sous-fluviale située dans le magnifique canyon de la rivière Treska, au sud de la capitale, Skopje. Nous avions exploré cette source en 2000 jusqu’à 425m de l’entrée par 67m de profondeur avec arrêt au sommet d’un vaste puits avec vue à - 90m. L’eau qui résurge à Makta Vrelo provient de pertes de la rivière Patiska situées à 12 km de la source et 500 m plus haut sur le massif! Le réseau à découvrir s’annonce donc gigantesque ! Ces pertes, qui nous étaient restées inaccessibles lors de notre première visite, constituaient un objectif supplémentaire de l’expé 2007. Cette source s'est révélée être, suite à nos travaux de 2000, une ressource potentielle en eau potabilisable de première importance pour la ville de Skopje.


Coupe de la source de la Babuna après l’expé 2000

- La source de la Babuna qui, comme son nom l’indique, est l’exutoire des eaux de cette petite rivière située à 150 km au sud est de Skopje. Lors de notre précédente expédition, nous avions franchi le premier siphon et avions poursuivi l’exploration sur 370m en nous arrêtant devant un second siphon qui était l’objectif de cet été. Le potentiel est, ici aussi, faramineux et tous les espoirs de grandes découvertes sont permis.

 

Petit plus cette année: notre équipe comptait parmi ses membres Jean-Pierre Bartholeyns, président de la Commission Protection de l’Union International de Spéléologie. Ceci rencontrait un désir émis en 2000 par nos hôtes qui désiraient protéger au mieux l’extraordinaire sous-sol de leur pays. Cet aspect « protection » fut donc mis en avant tout au long de l'expédition.

Comme en 2000, nous installons notre camp de base dans le refuge montagnard de Matka House, à grand renfort de portages et de va-et-vient de charrette à bras avec l'aide des membres de Peoni. Tout est en place le soir même de notre arrivée si bien que nous effectuons une première plongée de reconnaissance dans Matka Vrelo dès le lendemain!

Mauvaise nouvelle de ce coté là: comme les spéléos locaux le soupçonnaient, l'entrée de la résurgence est presque entièrement obstruée par d'importants déblais rocheux provenant de la construction, plus haut sur ce versant du canyon, d'une route menant au chantier d'un barrage hydroélectrique qui se bâtit sur le cours supérieur de la Treska. Par souci d'économie, sans doute, l'entrepreneur s'est contenté de pousser au bull les gravats dans le lit de la rivière en contrebas. Du coup, là où nous accédions jadis au réseau par un beau porche de 4 par 3, il ne reste qu'une étroiture triangulaire d'un mètre de cotés! Le débit de 2m³/sec, à l'étiage, n'a, quant à lui, pas changé. Cela promettait… Malgré cela, nous nous attelons sans attendre au rééquipement de la cavité et, en 4 jours seulement, nous parvenons, sans nouvelle difficulté, au bout du fil de l'expé 2000, au dessus du puits "terminal". Cette fois, nous y sommes!

Et il va falloir passer tout ça dans l'étroiture!

Samedi 04/08 : c'est le grand jour! Nous sommes sur le pied de guerre dès 07h. Nous préparons les derniers sacs, faisons notre briefing devant un petit café belge, déjeunons et portons tout le matériel sur le quai. Nicola, notre pilote, est là à 9h tapante comme prévu. Nous chargeons et levons l’ancre peu avant 10h. Trente minutes de navigation et nous sommes au débarcadère de fortune proche de l source. Nous déchargeons le bateau.

Marc : «Je termine de fixer mes détendeurs sur les 2 bouteilles de trimix quand survient une petite explosion. Coup au cœur ! Heureusement, ce n’est qu’un joint de manomètre qui a giclé bruyamment de son logement. Quelques coups de clé à molette et tout rentre dans l’ordre. Je m’équipe alors lentement aidé par Roger et Jean-Pierre. Il est 11h quand je suis enfin prêt. Je saisis l’embout de la petite bouteille de Nitrox 70[1] qui va me servir à parcourir les 30 mètres de rivière qui me séparent du siphon et à franchir l’étroiture qui en barre l'accès. Je passe le petit porche avec le détendeur qui fuse à cause du fort courant de face. Je force et descends rapidement jusqu’à –12 où je récupère mes bouteilles relais de progression et de décompression posées là la veille. Tout se déroule sans encombre. Je sens que c’est un grand jour. Cette fois ça y est, c’est vraiment parti. Je m’enfile la galerie « Salamander » et suis rapidement dans la salle « Peoni » que je traverse en biais et au pas de charge, en suivant le fil d’un coin de l’œil. Je passe le premier point bas à –35 et remonte le « Puitchépoui ». Au sommet, je croise ma bouteille de secours vers l’étiquette des 200m. Je descends ensuite le très beau puits « Céouladon » et attaque la galerie « Greencard » qui y fait suite. Ici le courant est de nouveau très fort. Je lutte. Vient ensuite la galerie du « Saisi ». C’est à son extrémité amont que je largue mes 2 bouteilles relais. Je passe sur le mélange ternaire[2] qui me permettra de descendre sans problème jusqu’à…nous verrons! Je suis en route depuis déjà 25 minutes. Plus le temps de traîner, le passage de l’étroiture et le fort courant par endroits m’ont fait perdre un peu de temps. Je franchis le balcon de l’immense salle « Twilight Zone », mais reste en hauteur en descendant le long du plafond, largement au-dessus du fil, jusqu’au porche qui s’ouvre au bout de la salle. Là, le fil longe la paroi de droite, au sommet du puits qui constitue mon objectif du jour. J’atteins une nouvelle fois le terminus de l’expédition 2000 à –67m de profondeur. J’y attache le bout du fil de mon dévidoir. Je jette un coup d’œil circulaire et décide de sonder verticalement sous l’amarrage. J’attaque la descente. Je suis rapidement à –80. Je me rends compte que les parois sont de plus en plus éloignées. Le puits est donc en forme de cloche. Je ne peux amarrer. Je continue vers le bas. –90m, je suis maintenant à plus de 10m de la paroi la plus proche. Je poursuis. –100m. Je m’arrête pour faire le point au moment précis où un de mes deux ordinateurs rend l’âme; fin glorieuse! Je pointe mon phare de 100 watts vers le bas : rien ! Tout juste une vague avancée de la paroi vers –120, au minimum ! Je fais un tour sur moi-même et dois me rendre à l’évidence : inutile d’aller plus profonds. Je pourrais aller à –110m, voire un peu plus, mais qu’apprendrai-je d'autre ? La suite est au-delà des possibilités de notre petite expédition. Le fond, il doit bien y en avoir un, est vraisemblablement au-delà de –140m (?). Nous pensions, en nous basant sur le récit de Frank qui avait effectué l'ultime plongée dans la source il y a 7 ans, poursuivre dans une galerie vers –90 et nous voilà confronter à la verticalité absolue… « Matka Vrelo » vient d’entrer dans la cour des tout grands. Je descends encore de quelques mètres. Cela fait 35 minutes que je suis parti et chaque minute de plus à ces profondeurs se paie cash en longs paliers[3] supplémentaires. Après un dernier coup d’œil vers le bas de ce fabuleux puits ovale de 20m de large, j’entame la remontée en rembobinant le fil que je fais le choix de ne pas amarrer en rejoignant une paroi. Celui qui viendra ici après moi n’aura qu’une seule tâche : descendre tout droit et toucher le fonds. Pas la peine de lui imposer une voie: à lui de tracer sa route, verticale, vers le fond de cette chose! Je gonfle mes wings[4] et entame mon long chemin de retour vers la surface. Une minute plus tard, je me rends compte que cette décision est la bonne : des paquets d'argile tombent du plafond et je me retrouve pendu au milieu de rien, à 100 de profondeur, avec juste assez de visibilité pour lire mes instruments Ceci confirme ce que je pensais déjà quelques minutes plus tôt: il faut venir ici avec un recycleur "circuit fermé". Pas de bulles donc pas de touille, peu de bouteilles donc hydrodynamisme et une autonomie laissant tout le temps nécessaire à la digestion de ce puits aux proportions pharaonesques. Arrivé au sommet du puits terminal, je détache mon fil et suis celui, vaguement horizontal, posé en 2000. J’arrive de la sorte à mon premier palier à –60m quelques minutes plus tard. Là, je dois me rendre à l’évidence : le scénario se répètera ici: après seulement 2 ou 3 minutes d’eau claire, le rideau tombe ! Comme je dois effectuer ici tout mes paliers entre –57 et –24m, par pas de 3m, c’est cette fois plus d'une heure de « black out » qui m’attend. Le fil, fidèle compagnon, est manié avec souplesse car il est vertical et en pleine eau de –40 à –25, loin de la paroi que je ne peux distinguer dans ces conditions. Mais, quelques minutes de clarté m’ont permis d’apercevoir une éventuelle suite dans le haut de la salle de la « Twilight Zone ». Il faudra y revenir. Après ce long moment de solitude embrumée, je me lance à tâtons dans la galerie « Greencard ». J’arrive à mes deux relais de Nitrox que je retrouve avec soulagement. A trois, nous nous laissons porter par le courant. Les paliers s’égrainent ainsi lentement car, outre qu’ils sont de plus en plus longs en se rapprochant de la surface, la touille m’a suivi dans le courant. J’arrive alors au carrefour de la galerie profonde. Ouf ! La touille choisit ce chemin pendant que je poursuis vers le haut et le « Puitchépoui ». Au passage, je récupère la bouteille de secours. C’est à nouveau l’aquarium ! Tant mieux car je dois redescendre le puits jusqu’à –35m. C’est en fait la seule chose qui m’ait vraiment angoissé durant cette plongée de rêve car, il faut bien l'admettre, ce passage est un peu expérimental, le genre de chose qui font se dresser les cheveux sur la têtes de vrais pros puisque je dois redescendre et reprendre du mélange "fond" alors que je suis toujours en phase de décompression. Je ne m'attarde donc pas et je refranchis prestement ce point bas pour reprendre plus calmement ma décompression dans l'immense « Salle Peoni ». J'en profite pour la fouiller de fond en comble, sait-on jamais? Le temps commence à me sembler long et je n’aurai pourtant de plongeur de soutien que dans la zone d’entrée, Roger ne pouvant franchir l’étroiture qu’avec de petites bouteilles mises aux cotés. Après 100 minutes, j’arrive à –9, dans la pente de l’entrée. Roger est au rendez-vous. Nous nous congratulons: cette pointe fait de notre expé un franc succès. A trois, avec l'aide de quelques membres de Peoni, nous venons de réaliser une plongée extrême, à 2200 km de chez nous, au cœur de la montagne macédonienne. A cœurs vaillants rien d'impossible! Je repasse au Nitrox 70 et lui refile lâchement mes 3 bouteilles de 11l, mon phare et mon dévidoir qu’il jette négligemment dans l’étroiture. Le courant est si violent que les bouteilles sont aspirées et instantanément éjectées de la source! Nous échangeons quelques messages sur via l’ardoise qu’il a apportée.

Roger fait encore quelques photos avant d’être aspiré à son tour. Quelques minutes de plus et je repasse à mon tour, avec soulagement je l'avoue, le goulet d’entrée. Toutes nos aller et venues n’ont pas manqué de faire s’ébouler un peu plus la pente de blocs et je dois forcer pas mal avec mon bi-20L (j’aurai des hématomes sur les épaules et les bras pendant plusieurs jours). L’heure de palier oxygène à –6m est pénible car je suis dans le courant. En effet, je suis dans l'entrée et non dans le lac comme lors des premières plongées, le niveau du barrage ayant baissé d’un mètre pour cause de canicule et de surconsommation d’électricité sans doute inutilement gaspillée en climatiseurs. Je honnis donc le réchauffement planétaire et « l’American way of live ». Petits réconforts : le thermos de thé bien chaud et le biberon de lait concentré sucré. 165 minutes. Ça sent l’écurie. J’abandonne les lourdes bouteilles d’oxy en acier à Roger qui est de passage et me saisi de la petite 5l en fibres de carbone. Je flâne 10 minutes en rentrant par la rivière à –3 puis remonte vers la surface à 1m par minute comme indiqué dans les manuels qui ornent ma table de chevets depuis quelques années déjà. Je rejoins le monde ensoleillé des hommes après 175 minutes passées dans cet autre univers qui n’est pas fait pour lui. Nikola, Kiro, Nicola, Jean-Pierre et Roger m’attendent sur la berge. Nous échangeons quelques mots et laissons éclater notre joie. C’est sans doute une de mes plongées les plus difficiles, mais, sans aucun doute, une de mes plus belles premières. J’ai rêvé de ce puits pendant 7 ans et j'ai pu, grâce à l'aide de mes amis, aller y faire une plongée d'exception. Peu de plongeurs ont la chance de découvrir, un jour, quelque chose d'aussi grand, d'aussi vertigineux et d'aussi limpide. C'est la récompense pour ces centaines heures passées à s'entraîner dans des eaux souvent glauques et pour tous ces sacrifices consentis pour acquérir ou fabriquer des montagnes de matériel. C'est pour des jours comme celui-ci que je plonge sous la terre. Matka Vrelo ne m’a pas déçue et, mieux encore, elle conserve son envoûtant mystère. Je reviendrai ! "

Ce petit événement sera largement médiatisé: passage au JT, interviews, plateau en prime time dans une émission à succès de la TV nationale. C'est l'occasion de mettre en avant l'excellente collaboration avec les spéléos du cru et de faire passer notre message de protection du milieu karstique, domaine dans lequel tout reste ici à faire.

Pas le temps de souffler, le lendemain, une reconnaissance de "La Babuna" est au programme. Cette fois, autant le dire tout de suite, c'est la nature qui aura le dessus. Nous carbonisons nos rares porteurs dans la difficile marche d'approche et parvenons tous éreintés devant le porche.

"Ça continue!"

Nous soufflons un peu devant le petit porche d'où s'échappe un léger courant d'air frais de bon aloi et nous nous équipons. Nous dévalons le puits incliné de 15m que René et Yvan ont eu tôt fait d'équiper. La vasque est parfaitement limpide et le fil d'Ariane semble intact. Roger commence à s'équiper pendant que je pars avec Jean-Pierre examiner la petite galerie qui sert d'exutoire de crue au siphon. Cette galerie butte sur une trémie où nous avons tôt fait d'ouvrir un passage en déplaçant une vingtaine de blocs de toutes dimensions. Jean-Pierre s'y glisse. L'étroiture est ponctuelle et est tout de suite suivie d'une galerie confortable de 2m de haut. Il avance de quelques mètres et rencontre une laisse d'eau qu'il franchit rapidement après y avoir placé quelques blocs pour ne pas se mouiller. Encore un peu de galerie et c'est le siphon. Il s'agit sans aucun doute d'une galerie aval servant de trop plein au siphon en temps de crue comme en témoignent d'importantes traces de mises en charge. Petite première, mais première quand même! Roger termine de se préparer. Cinq minutes plus tard, il est à l'eau et se rue littéralement dans le siphon sans que nous n'ayons même le temps de prendre une photo. L'attente commence. Elle sera courte car 10 minutes plus tard, nous apercevons déjà ses lampes dont les puissants faisceaux sabrent l'eau restée limpide. Il émerge.

Roger: "J'ai passé le siphon sans problème. Le fil est intact, j'ai juste dû réparer un amarrage qui avait cédé. Je suis sorti de l'eau et ai fait quelques mètres dans la rivière. Je suis allé voir le bas de l'escalade restant à faire immédiatement au dessus de la sortie amont du siphon. Cela reste en effet un objectif intéressant car on aperçoit bien un petit porche au dessus de la coulée de calcite de 15m qu'il faut grimper. Sans doute ne s'agit-il là que d'un shunt du conduit principal dont le fond est occupé par l'actif. La suite est bien dans le S2."

Nous quittons la grotte quand les premières gouttes tombent du ciel. Bientôt c'est le déluge et, du coup, nous arrivons dans la vallée trempés jusqu'aux os. Nous rechargeons le 4x4, nous nous y entassons et nous nous farcissons les 2 heures de mauvaises routes qui ramènent au camp de base.

Le soir, nous discutons de la journée. Il faut se rendre à l'évidence: nous ne pourrons pas plonger le S2 cette année. Notre petite équipe est trop légère et c'est maintenant que le désistement, tardif, de Raphaël se fait cruellement sentir. Pour être efficace, il nous faudrait 3 plongeurs et 8 ou 9 porteurs, ce que nous n'avons pas. Ce sera pour l'an prochain, rideau!

Il pleuvra violemment pendant 36h ce qui est exceptionnel pour la saison et qui aura, vous l'avez deviné, une conséquence grave et unique: tout se met en crue. Nous ne pourrons plus pénétrer dans Matka Vrelo durant la seconde semaine d'expé. Exit donc la seconde pointe profonde, oubliée la galerie exondée aperçue au plafond de la "Salle Peoni", fini les espoirs de continuations dans le haut de la "Twilight Zone". Nous consacrons le temps qui nous reste à prospecter de nouveaux objectifs, à aller reconnaître le bassin d'alimentation de la source de Matka et à visiter quelques classiques sous la conduite efficace de nos hôtes macédoniens. Nous parcourons ainsi la vallée de la Patiska Reka dont les eaux disparaissent lentement sous terre dans les environs du village de Patiska. Les traces de mise en charge de la récente crue sont bien visibles, mais le volume d'eau supposé nous semble de loin inférieur à celui qui jaillit violemment de Matka Vrelo depuis 2 jours déjà. Il est clair qu'il faut chercher d'autres sources d'alimentation à notre source! Sans doute une partie de la solution est-elle enfouie sous l'énorme vallée sèche dans laquelle sont sis les villages de Breznica et Jabolci. Des pertes existent d'ailleurs en lisière de la forêt à cet endroit. Tout ceci devrait être préciser par une étude géologique et des traçages qui restent à réaliser.

Le massacre!

Parallèlement aux plongées ou suite à leur arrêt, une dizaine de cavités sèches ont été reconnues, explorées, topographiées, ou simplement visitées par les spéléos de l'expé soit au départ de Matka House, soit lors de raids organisés depuis des camps avancés. Peu de premières en fait, mais quelques encourageantes trouvailles tout de même. Nous avons également participé, avec Marjan, biospéléologue spécialiste des arachnides, à des séances de collecte et d'inventaire d'araignées, de pseudoscorpions ou de coléoptères.

Nous avons aussi donner un petit cours d’initiation à la plongée–spéléo aux membres intéressés de Peoni. L'essentiel, bien sûr, vu le manque de temps: présentation du matériel, détail des règles de bases sur la pose et le suivi du fil d'Ariane, importance de la gestion de l’air, etc. Le tout suivi d'une bonne dose de pratique effectuée dans le lac juste devant le gîte. Le but étant de permettre aux plus motivés de plonger de petits siphons sans prendre de risques. Plus que de formation, c'est de prévention qu'il s'agissait ici.

A noter: l'expé a reçu la visite de Mme Elena Nikodinovska, Consul Honoraire de Belgique en Macédoine qui, ayant eu vent de notre expédition par la télévision, a quitté son lieu de vacances spécialement pour venir nous saluer et nous faire part de ses encouragements vu l’événement que représente notre venue pour la petite communauté belge qui vit ici.

Vous l'avez compris, une expédition est d'ores et déjà programmée pour 2008 et nous en avons jeter les bases avec Peoni avant de quitter Matka House. Elle aura un triple objectif: poursuivre les explorations dans Matka Vrelo, en atteignant, si possible, le bas de la zone profonde; reprendre les explos à la Babuna et, parallèlement, aller reconnaître les gouffres qui ornent le plateau sommital du massif de la Soluska Glava, 1000m au dessus de la source; et enfin, explorer ou au moins reconnaître les cavités repérées cet été.

Enfin, dernière émotion avant de quitter la Treska, alors que je plongeais pour déséquiper l'entrée de Matka Vrelo, j'ai eu la surprise de découvrir ce qui est probablement une ancienne sortie des eaux du réseau réouverte récemment, dans le lit de la rivière, suite à l'obturation partielle de l'exutoire principal. Cette galerie, malgré une visibilité nulle, a été remontée sur une trentaine de m, arrêt à – 12m sur… rien !

 

Matka House vu depuis le monastère St-Nicolas

Ce sera l'ultime plongée de la campagne 2007. Grâce à cette modeste mais enthousiasmante première, l'expé se termine sur une bonne nouvelle et un nouveau point d'interrogation. A suivre donc!

Une première semaine couronnée du succès d'une pointe à–101m et une seconde, pénible suite aux manque de porteurs et à la crue, mais qui se termine tout de même sur la découverte inattendue d'une seconde entrée et de la galerie "Back to Belgium". Bilan positif!

Il ne nous reste plus qu'à ranger et charger notre matériel, à faire nos adieux et à nous retaper les 2200 km qui mènent au plat pays qui est le nôtre. Nous sommes de retour à Bruxelles le 15 août. La boucle est bouclée, cette expé est finie, il ne reste qu'à mettre les topos au net, trier les photos, et rédiger le rapport ...

Texte: Marc Vandermeulen

Photos: Yvan Zezovki, Roger Cossemyns, Jean-Pierre Bartholeyns et Marc Vandermeulen

Nos partenaires :

- l’Union Internationale de Spéléologie
- l’Union Belge de Spéléologie

Les participants :

Belgique : Jean-Pierre BARTHOLEYNS (GIPS – SCB Les Stalacs), Roger COSSEMYNS (SSN), Marc VANDERMEULEN (GIPS).

France : René et Britt CARLIN (ASBTP Nice).

Macédoine : « Speleološko Društo Peoni » : Kiro ANGELESKI, Nikola ANGELOV, Borce DANILOVSKI, Nikola GRKOV, Hristijan GROZDANOVSKI, Marjan KOMNENOV, Sead SADRIK, Yvan ZEZOVSKI, Violetta "Vicky" VELNOSKA.

Speleolosko Drutsvo Peoni - Skopje

Groupe Interclub de Perfectionnement par la Spéléologie

Association Sportive du Bâtiment et des Travaux Publics

[1] Nitrox 70 ou Nx70: idem que pour le Nx50, mais avec 70% d'oxygène cette fois.

[2] Mélange ternaire ou Trimix: mélange gazeux constitué d'oxygène, d'azote et d'hélium. Il est utilisé pour les plongées profondes car il annule le risque de narcose à l'azote, plus connue sous le nom "d'ivresse des profondeurs" et parce qu'il empêche aussi tout risque de crise hyperoxique, l'oxygène devenant toxique pour le système nerveux central à partir de 70m de profondeur. On remplace donc "simplement" une partie de l'oxygène et de l'azote par une dose équivalente d'hélium, gaz physiologiquement neutre.

[3] Le plongeur qui remonte doit impérativement respecter une séries d'arrêts, appelés paliers de décompressions, sous peine de s'exposer à de graves accidents. Ces stops permettent aux différents gaz dissous dans l'organisme au cours de la plongée, l'azote et l'hélium dans ce cas, de reprendre des pressions en équilibre avec le milieu ambiant, en évitant ainsi la formation de bulles délétères pour l'organisme.

[4] Poches gonflables portées sur le dos qui permettent de rétablir la flottabilité du plongeur qui, sans cela, a tendance à couler à cause de la pression qui augmente à la descente.

 

 

 

 

 

 

Situation des zones karstiques

 

 

 

L'entrée de Matka Vrelo en 2000

 

Le canyon de la Treska au dessus de la source de Matka Vrelo

 

bivouac en cours de route

 

Accueil et première réunion chez Yvan (de gauche à droite: Kiro, Hritjian, Jean-Pierre, Roger, Marc, Borce et Yvan)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Portage vers la Babuna

 

Repos devant le porche

 

 

 

Ondée macédonienne!

Point d'absorption comblé par le fermier

Matka Vrelo en crue!

René en plein effort!

Nous jouons les invités surprises

Un jeune collègue

La rivière Patiska

Yvan en plein briefing Un peu de tourisme

Vallée sèche entre la Patiska et la Treska

Une des cavités repérées par les spéléos "secs"