Hommage à Jean-marc Lebel

(11/04/1961-13/09/2001)

 

La disparition de Jean-Marc a marqué toute la communauté.

 

 

" Nombreux sont ceux qui ont reçu la nouvelle " en pleine gueule ", là où ça fait mal.

Nous admirions Jean-Marc pour sa capacité à entreprendre des explorations difficiles.
De celles où les paramètres aggravants se cumulent : eau trouble et froide, étroitesse, distance ou profondeur.
Et ce, en appliquant toujours scrupuleusement les principes de sécurité, en cherchant la configuration idéale pour surmonter sereinement les difficultés.

Admiration surtout pour sa persistance à topographier ses découvertes, puis à publier le résultat de ses explos, des articles qu'on lisait les yeux écarquillés, le souffle court, l'esprit en ébullition.
Jean-Marc était de ceux qui partagent, les " bons " comme les " moins bons " résultats, les beaux souvenirs comme les galères et les incidents.
Pour que les autres sachent et en bénéficient.

Admiration aussi parce qu'il était capable de se sortir de situations difficiles. Là où d'autres auraient paniqué, il trouvait les solutions pour s'en tirer.

Enfin, nous garderons le souvenir d'un grand gaillard humble, devant les autres comme devant les cavernes. Ouvert aux échanges et aux remarques.
Et fidèle en amitié, proche quand il le fallait, dans les coups durs.
Sur une exploration comme sur un secours. Prêt à donner de son temps libre pour l'organisation des sauvetages en plongée.
Il savait rigoler, ne se prenant pas au sérieux une fois le monde extérieur retrouvé.

A plus d'un titre, il avait valeur de modèle.

Nous avons perdu un spéléo curieux de caverne, un explorateur au sens noble du terme, un sacré bonhomme.
Jamais son trou dans l'eau ne se refermera.

Nous aurions voulu éviter le ton " nécro ". Assurément, il n'aurait pas aimé.

Hé ! " Grand couillon " ! Le vide que tu laisses ne se limitera pas aux colonnes de Spelunca et d'Info-Plongée !
On aurait aimé aller encore fouiller avec toi les derniers recoins de Crégols, de Chabannes, arpenter les galeries du Chaland.
Pour continuer à lire régulièrement tes rapports d'explos agrémentés de tes photos " cauchemardesques ", refaire le monde après nos explorations autour d'une bonne table, ou déconner par mail ou au téléphone sur notre pauvre nature humaine.
Et partager encore ces journées " de roche, d'eau et d'argile " comme tu les aimais.

Tu étais surnommé Jean-Marc " Lebel-ge " Outre-Quièvrain et "(Le) Gros", par tes potes de Lorraine et de Franche-Comté.

Ton silence, tu as oublié en partant. Il est maintenant un bruit insupportable.

Sois assuré que nous suivrons tes derniers conseils, nous continuerons la route, celle que nous suivions, malgré les distances et l'éloignement.

Nos pensées vont à Isabelle et Thomas à qui tu manqueras encore plus qu'à nous. "

Thierry BARITAUD, Jean-Pierre BAUDU, Philippe BIGEARD, Damien GRANDCOLAS, Stéphane GUIGNARD, Nadir LASSON, Isabelle LEBEL, Jean-François MANIL, Laurent MESTRE, Laurent Oswald, Frank VASSEUR.


" Les hommes sont ce qu'ils sont, sont tout ce qu'ils font, et tout ce que nous ne comprendrons jamais. Laissons à Jean-Marc ce mérite. Il s'est engagé volontairement dans une plongée que d'aucun ont évité par miracle. J'éprouve, peut-être étonnement, un grand vide. Les explorateurs "humbles" ne sont pas légions. Il en faisait partie. Jamais son trou dans l'eau ne se refermera. Je continuerai à l'appeler Lebel"ge". "
Jean-François Manil

" Pour les larmes, elles auraient pu être celles de la sueur mais ce sont celles de la tristesse.
Le départ prématuré de Jean Marc Lebel, Immense plongeur spéléo, ouvre un trou béant dans le milieu.
Un trou certainement moins grand que dans le coeur de ceux qu'il laisse.
Je ne l'ai rencontré qu'une fois, mais ces récits, ces actions témoignaient d'un grand caractère.
Demain j'irais me vautrer dans la boue, celle de l'Indre ou d'ailleurs.
Je m'enfoncerais dans les grottes, étroites, touilleuses et merdiques.
Je me farcirais des trous de chiottes, comme tu nous le montrais si bien. Et je penserai à toi. "
Pierre-Eric Deseigne


" Ton silence, tu as oublié en partant
Il est maintenant un bruit insupportable
A toi, Jean-Marc "
Philippe Bigeard


" Nous avons appris avec consternation la mort du plongeur nancéien Jean-Marc Lebel, le 13
septembre dernier. Cet explorateur de grande classe, qui comptait de nombreuses premières à son actif, nous avait donné un article sur le siphon vauclusien de la grotte Sarrazine
(Nans-sous-Ste Anne, Doubs) qui a été publié dans le n° 146 de notre bulletin. "
Spéléo-Club de Paris

" Les siphons longs des bulles d'eau de l'Automne,
Pleurent sur nos coeurs d'une langueur monotone.
Leur trés cher ami spéléonaute au casque d'or,
Qui a quitté les antres vierges en laissant orphelin
Le monde souterrain au goût amer où il dort,
En nous lèguant cet inoubliable héritage d'un seigneur lorrain. "
Thierry Baritaud


" 11 septembre 2001,
l'intégrisme, l'intolérance, l'extrémisme, le racisme, la connerie et les mots me manque frappent le monde.
Bref on se dit que pour un bon moment nous voici vacciné par une bonne dose d'horreur et qu'avant d'en prendre plein la figure une nouvelle fois il va se passer un bon bout de temps.

Nuit du 13 au 14 Septembre,
Une équipe du SSF54 retrouve Jean-Marc LEBEL, la faucheuse a refait une tournée et nous emporte encore un de nos meilleurs spéléo, plongeur et sauveteur.
La dernière fois que j'ai vu Jean-Marc c'était au secours de Goumois, comme à son habitude il a fait dans la discrétion et l'efficacité et nous avions fait des projets sur nos fonctions respectives de CPIR. Il était mon adjoint, j'étais son adjoint, nous avions aussi quelques projets de plongées discrètes en Côte d'Or !
Doté d'un caractère et d'une forte personnalité il savait trouver les mots pour vous dire ce qu'il avait à vous dire. Auteur de nombreux articles relatant ses explorations avec précisions et humour je vous recommande une relecture entre les lignes de ces publications.
Sa convivialité, sa compétence et sa présence nous manquent déjà, toute la direction du SSF s'associe à moi pour une pensée particulière à sa famille et à ses proches. "
Benjamin J. Michel.

Le n° 88-89 (septembre 2002, 63p.) d'Info-Plongée a été consacré à la mémoire de Jean-Marc.
Deux articles n'ont pas été publiés, ils sont reproduits ici.

Il y avait déjà quelques années que les revues fédérales se garnissaient régulièrement de compte-rendus d'exploration en plongée dans l'est de la France. De ces plongées difficiles (si tant est qu'une plongée sous terre puisse être facile) en eaux froides et troubles, en grottes étroites et argileuses.
De ces explorations qui nécessitent la mise en oeuvre de techniques spécifiques, une adaptation et une remise en cause permanente. De ces compte-rendus qui rendent humble le lecteur avisé et amènent à relativiser ses propres "performances".
Tracassé par la configuration "à l'anglaise", j'avais écrit à Jean-Marc en 1995, ne sachant si mes questions seraient traitées par le mépris, avec condescendance ou avec intérêt.
La réponse ne se fit guère attendre, rédigée au retour d'un week-end "de roche, d'eau et d'argile". Le personnage se déclaré flatté, des croquis détaillés agrémentaient sa réponse technique et il évoquait l'éventualité de croiser la palme plutôt que la plume.
J'avais rejoint Jean-Marc dans le Lot, en aout 1996. Nous avions plongé les arcanes de Crégols, un siphon émeraude, un bijou souterrain. La galerie "du silence" ne le resta guère, mêlant accents du sud et de l'est.
Il employait des mélanges trimix pour franchir explorer le second siphon. Il m'avait démystifié l'hélium, rendu envisageable la sécurisation des plongées profondes, ouvert la voie des explos en-dessous de -50 en restant clair comme à -30.
Je n'oublierai cette vision sublime, dans le puits d'entrée du S.2, lors d'un départ en pointe. Quelques flashes à -3, puis Jean-Marc plongeait verticalement à -20m. Et là, entre mes palmes, j'avais vu le halo de ses phares progresser le long de la dune de sable, décroître jusqu'au laminoir puis se dissiper au-delà....visibilité supérieure à 20m...grandiose !
De retour, je le retrouvais à -9 pour apprendre que la fracture remontée ce jour-là n'était pas la bonne.
Plus tard, Jean-Marc allait prononcer une de ces phrases-fétiches lorsque quelque chose n'allait pas comme il l'aurait voulu "là, y'a une couille dans l'pâté", avec cet inimitable accent de l'est.

Il allait cependant poursuivre plusieurs années durant les remontées dans la zone terminale de Crégols, rassemblant chaque année quelques comparses pour l'aider. L'exposition permanente à la mairie de Crégols, puis son article de synthèse dans Spelunca sont des modèles du genre.
Nos routes se sont ensuite croisées au gré d'un camp topo en Ardèche, de projets d'expés à l'étranger, d'une réunion secours.
Jean-Marc m'avait envoyé un dessin à l'humour croustillant, son humour "comparatif" soutenu par la finesse de son coup de crayon, pour illustrer mon inventaire des siphons de l'Hérault.
Géographiquement éloignés, nous avons gardé le contact par déconnades dans Info-Plongée puis par messagerie électronique.
Juin 2001 un gros secours est déclenché dans l'Hérault, dans une cavité où nous plongeons depuis plusieurs années.
Jean-Marc est l'un des premiers à appeler. Il craignait que je sois le disparu, souhaitait bonne chance et bon courage pour les opérations.
Par la suite, une fois le secours (bien) terminé, nous allions être confrontés à un degré de bassesse rarement atteint dans le milieu. Jean-Marc était toujours là, laconique mais efficace "tu as très bien fait de sortir de ta réserve pour démonter un à un les mécanismes de l'incident ( ). C'est très instructif pour les accidents de plongées spél (on a rarement l'enchainement des causes parce que morts en général !) ..( )..continue ton chemin, je partage ton dégout "

Aujourd'hui, j'ai plaisir à constater que nous sommes nombreux à "continuer la route", un peu comme à sa manière.
En pensant à toi, Jean-Marc.
Frank.

LA SOURCE BLEUE DE VILLIERS SUR MARNE.

Je ne suis pas une des personnes et loin de là, qui peu expliquer Jean-MARC et tracer sa carrière spéléologique, mais je suis et je pense être celui avec qui, il a effectué sa dernière grande première. ( Je m'avance peux être un peu vite c'était un rapide qui n'hésitait pas à s'engager sur plusieurs explos dans des temps records.)

C'est lors d'une projection au festival de plongée souterraine de Paris que je l ai rencontré lui Legros, Lebelge pour moi c'était Jean-marc. LE GRAND Jean-marc et il était la devant moi.
J'avais besoin de renseignements, de conseils pour plonger sur son fil dans une des sources de Haute-Saône ou il ne me restait que quelques coup de palme pour être sur son terminus. Et c'est avec une certaine angoisse de me faire envoyer balader que je l'ai abordé. C'est avec un grand intérêt qu'il m'avait écouté, conseillé et était même prêt a m'aidé, moi l'inconnu. Je découvrais là un homme pour qui le mot grosse tête ne faisais pas partie de son vocabulaire, de ses manières, de pensées.

Je le connaissais de nom, dans ses innombrables récits d'explorations, et part les conversations que j'avais avec Didier Finot qui était cadre à l'époque et Jean-Marc stagiaire.


2001 avec mon ami et plongeur de renom dans notre région Yann GUIVARCH j'effectue une plongée dans cette superbe source de la Haute-Marne entre Chaumont et St Dizier non loin de la fontaine dhuyt de Bettaincourt sur Rognon.
La vasque et le plan d'eau d'une limpidité exceptionnelle nous mettent en confiance et les projets réapparaissent. Yann connaît très bien la galerie et certainement mieux que tout le monde, cela fait une vingtaine d'année qu il vient tirer du fil avec comme espoir de traverser l'abominable laminoir comme l'avait baptisé Bertrand Leger lors des toutes premières plongées dans les années 65.
Le téléphone sonne un jour de mai 2001 et Yann m'annonce que Jean-Marc viens de sortir du laminoir à 180m de l'entrée dès sa première plongée. Les dimensions sont peu engageantes, la hauteur est de 0.40m en moyenne et la profondeur se maintient à -18m néanmoins la visibilité y est excellente.
Je me joins aux explos de Jean-Marc, mais pour moi il faudra d'abord me familiariser à la galerie qui pour ne rien cacher n'as rien de bien engageant. Jean-marc pour me motiver, à sa sortie de plongée me laisse des bouteilles à ressortir. Le franchissement à l'anglaise sera réalisé dès ma première plongée. La sensation de pouvoir progresser sur le fil placé en première est excitante et la motivation est plus qu'au rendez-vous.
Les plongées vont bon train et les mètres s'additionnent. A chaque plongée une phrase, un regard de Jean-Marc, me laissait paraître de sa part, une confiance en moi.
En quelques plongées, le développement passe de 110m à 400m et arrêt dans une salle sèche en forme de diaclase. Une barre métallique y a été installée ainsi qu'une sécurité au cas où.
Puis ça se complique, ça replonge dans le bon sens ok, mais, un puits de -38m viens nous rappeler que le surox vas entrer en action Jean-marc sait faire, pas moi. La continuité joue a cache-cache et les stratégies deviennent difficiles à trouver. La suite est là, mais un nouveau puits en conduite forcée avec point bas à -38m aussi. Heureusement cette profondeur ne se maintient pas et après quelques mètres un miroir apparaît, un véritable lac souterrain est là spacieux très spacieux et le mot est faible à 770m de l'entrée.
Il nous faudra chacun pas moins de 2 relais 5L pour le laminoir, 1 relais 9L pour accéder à la première salle et deux blocs 12L montés à l'anglaise le tout bien gonflé.
Un bloc d'oxy est déposé à -6m dans l'étroiture d'entrée en sécurité.
Les dernières plongées annonçaient des temps qui frisaient facilement avec les 3hoo d'immersion.
Si un tel développement en première à été possible, si cette topographie de la SOURCE BLEUE DE VILLIERS SUR MARNE c'est vu prendre une telle ampleur. C'est grâce à toi, à ton savoir, à ta force de réussir dans les réseaux les plus techniques qu'il soient.

Trois phrases seront gravées en moi à tes fins de plongées avant mes départs pour la récupérations des blocs restés dans les entrailles de cette source où, nous nous partagions les secrets, les mystères et nos espoirs.

-Je ne parlerais qu'en présence d'une cigarette bien roulée.
-La topo commence à avoir de la gueule, ça commence à ressembler à quelque chose.
-Que penserais -tu, si on se buvait une petite bière belge ?

Malgré ta disparition, l'aventure continue, la partie ne seras pas facile loin de là, mais mon but à moi c'est simplement de trouver le retour sur l'exutoire, qui se situe à quelques mètres de la source. L'accès serait semble-t-il dans la zone des 800m à ton terminus, qui je suis sùr, n'est pas prêt de changer de main.
PHILIPPE RADET janvier 2002