Ruisseau des carrières de Caumont


Par Laurent Pouget dit « Laurentbiquet »
Le 22 novembre 1992

 

 

Vers 19H00, Chris et moi repassons la voûte mouillante qui sépare la rivière des robots du S1.
Partis à 15H00 dans le S1, nous avons laissons 2 bi 9L gonflés « à mort" au départ du S2, en vue d' une plongée plus soutenue prévue prochainement ...
Le 23 janvier 1993
Dans l' après midi, après le portage du matos dans la galerie principale de CAUMONT et environ 500 mètres à "quatre pattes" dans le lit de la Rivière des Robots en tirant les kits, nous arrivons dans la dernière salle qui, située juste avant la voûte mouillante, va nous servir à
installer notre bivouac.
Merde ! j' ai mal refermé le bidon étanche et mon duvet a un peu pris l' eau.
Nous avons suffisamment de place pour mettre deux hamacs, (confort quand tu nous tiens), mais avons un mal de chien à trouver de la roche suffisamment saine pour mettre les pitons.
Chris, qui vient de nous rejoindre (commerce oblige), utilise un astucieux système de luge en plastique, qu' il pousse devant lui en prenant appuis dessus et "surfe" rapidement sur les 40cm d'eau qui constituent la rivière.
Une fois le camp installé, l' équipe nous laisse et nous nous donnons RDV le lendemain soir...
Chris, qui a hérité d' un modèle de hamac trop court, ne parvient pas à trouver le sommeil et passe une nuit agitée, les jambes pliées, à écouter les gouttes qui tombent inlassablement et en supportant mes (soit-disant) ronflements.
Le 24 Janvier
Vers 7h30, Chris est déjà levé, à moitié bougon (mauvaise nuit oblige), en train de préparer le p' tit déjeuner (Thé + lait concentré et céréales).
Nous n' avons pas très faim, nous emmenons des sandwiches, Mars, bananes et eau dans des tubes PVC fixés sur les bouteilles. Nous enfilons avec difficultés nos combinaisons mouillées et finissons de préparer nos affaires, sans doute un peu anxieux …
Aux alentours de 9h00 nous partons et passons rapidement le premier obstacle : une voûte mouillante de quelques mètres, qui après un ramping de 50 mètres, mène enfin au S1.
Les hostilités commencent
9H45. Je passe en tête et profite de l' eau claire. Derrière, Chris encombré par le caisson vidéo et les deux phares Subatec, essaie de filmer (avec succès, comme nous pourrons en juger plus tard), car nous sommes bien décidés à ramener des images de ce siphon.
Derrière nous, l'épais tapis de glaise se soulève et la visi. devient nulle pour plusieurs jours, (en raison notamment de l' absence de courant) et laisse présumer du joyeux retour qui nous attend.
Sortie du S1: 10H00: profondeur 3 mètres, longueur 67 mètres. Nous retrouvons des traces de nos prédécesseurs (un petit chariot de bois en décomposition, vestiges de la désobstruction du cône d' éboulis, qui livre maintenant un petit passage sur la gauche entre S1 et S2, que
nous passons en rampant (le matos souffre !) après escalade d' un grand talus de glaise.
10h40 départ S2 et sortie 11h00 profondeur 6 mètres. Longueur 170 mètres.
Le sol de la salle entre le S2 et le S3 est jonché de petits sapins d' argile formés par les gouttes d' eau qui en, tombant du plafond, érodent la matière et forment ces sculptures inattendues.
Petite pause, nous sortons les victuailles des tubes et mangeons sans appétit.
Nous échangeons nos bi 9L, avec ceux laissés là quelques mois auparavant et au terme d' une vérification sommaire, nous nous lançons dans la partie qui nous est inconnue.
12H36 départ S3 et sortie 12H55 profondeur 9 mètres. Longueur 110 mètres.
Il faut ramper pour accéder au S4, par un passage bas et nous retrouvons avec plaisir la portance de l' eau.
12H55 départ S4 et sortie 13H20 profondeur 9 mètres. Longueur 219 mètres.
Le passage entre le S4 et le S5 est simplement formé d' une très grosse cloche d' air.
13H20 départ S5 et sortie 13H29 profondeur 10 mètres. Longueur 27 mètres.
Le S5 présente à son entrée et à sa sortie, deux étroitures qui acceptent notre passage blocs sur le dos (comment sera le retour sans visi ?...).
Le passage entre le S5 et le S6 se fait sans sortir de l' eau. Il est formé d' une salle d' environ 25 mètres de long, l' air y est respirable et le niveau de l' eau arrive à la taille.
13H38 départ S6 et sortie 13H53 profondeur 10 mètres. Longueur 49 mètres.
Nous laissons là nos bi et allons voir le départ du S7.
Il nous faut escalader une énorme dalle tombée du plafond (plusieurs tonnes), surtout ne pas glisser, ici ce serait « la cata. » et cheminer tantôt dans la glaise qui fait ventouse et tente de nous retenir par les pieds, tantôt au milieu des gros silex qui jonchent le sol.
Au bord du S.7, nous savourons notre plaisir d'être tous les deux ici, impression d' isolement très fort (et réel..). Passée la joie, nous dressons un bilan et nous tâtons pour pénétrer dans le S.7.
Nous ne connaissons pas sa longueur, le port du matériel sur la dalle glissante, notre réserve de lumière, comme de nos tiers, étant déjà bien entamés, l' idée du retour dans la touille et la fatigue aidant, nous décidons de nous arrêter là, à 845 mètres de la sortie (enfin, de la salle qui nous sert de camp).
Il nous faudra encore démonter le bivouac, conditionner le matos et ressortir tout ce bazar en le portant jusqu'aux voitures !
Comme prévu le retour se fait dans la boue liquide, les silex qui bordent le conduit lacèrent nos combinaisons et nous nous faisons quelques frayeurs dans des sections piéges où le fil est passé, mais bien trop étroit pour nous. Il faut alors chercher la suite à tâtons, dans cette purée de pois sans perdre le fil.
Nous repassons la voûte mouillante vers 20H00.
A notre sortie, une poignée de "sherphas", tous membres du B.R.E.N, nous attendent pour le transport du matos, Yves est affairé à nous préparer sa spécialité très appréciée: thé bien chaud à la mûre sauvage et beaucoup de lait Nestlé.
Nous aurons passés environ 30 Heures sous terre.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participer de près ou de loin (portage, logistique, bivouac…etc.) à cette explo.
La journée du lendemain est entièrement consacrée au nettoyage du matos qui à beaucoup souffert, combinaisons lacérées, enveloppes de stab. laminées, filets de protection des blocs troués laissant voir que la peinture elle aussi à bien trinqué…etc.
Nous n' avons pas fait de première, mais "simplement" exploré un siphon jusqu' au terminus des PSP en 1977 (chapeau les gars !), cette explo reste néanmoins pour moi, mais je pense que Chris partage également ce sentiment, une expérience inoubliable (je me souviens de tous ces moments 11 ans après si nous les avions vécus le week-end dernier), et nous avons plusieurs fois évoqué l' hypothèse d' y retourner …