JAUR

RAPPORT SUR L'EXPEDITION 1966 DE LA SECTION DE PLONGEE A SAINT PONS (DEPARTEMENT D L'HERAULT). RESUROMCE DU JAUR

 

Sur invitation du Spéléo-Club de St Pons, la Section de Plongée de la S.S.N. avait décidé d'effectuer une tentative de percée dans la Résurgence du Jaur alimentant en eau potable la ville de St Pons. Quelques délégués du Spéléo-Club ainsi que le "aire de la localité nous réservèrent un excellent accueil" Après avoir été Bis au courant du vaste complexe hydrologique de la région, nous convenons de plonger dès le lendemain matin suivant les indications de nos amis français, c'est-à-dire au "Lac de l'Eguerre", point extrême où notre illustre prédécesseur Robert de Joly s'était jadis aventuré.

Tôt sur place, nous nous équipons dans le cadre splendide de la résurgence ; aidés par plusieurs membres du S.O.S.P. nous passons, qui en canot, qui à la nage, sous le vaste porche d'entrée et sans grande difficulté nous arrivons bientôt à pied d'oeuvre, admirant au passage de nombreuses chauves-souris qui virevoltent dans des salles et des couloirs aux dimensions respectables*

"A Bob de plonger l"

Tout en me préparant, je me fais expliquer les "antécédents subaquatiques11 de l'endroit* Long de 25 m, large de 6 à 8 m mais de profondeur inconnue, ce laC avait déjà eu les honneurs de "plongeurs de mer" (par opposition aux plongeurs en siphon) qui l'avaient décrété insondable (l).

Evitant de frôler les parois recouvertes d'argile, je parcours les 25 premiers mètres entre deux eaux d" façon à déceler une éventuelle entrée de siphon. Un coup de lampe vers le haut m'indique bientôt que la voûte du conduit est maintenant complètement immergée. Après une quarantaine de mètres supplémentaires, le siphon devient plus étroit, accidenté et se subdivise progressivement en plusieurs étroitures pratiquement impénétrables. Selon toutes apparences, un très ancien éboulis aux blocs de grandes dimensions, taraudés au possible, s'oppose désormais à toute continuation. Profondeur à cet endroit t moins cinq mètres.

Par suite des méandres, la corde ne transmet plus les signaux et je reviens au début du siphon tout en la lovant dans une visibilité très atténuée.

Ayant mis mes compagnons au courant de mes constatations, je replonge mais cette fois au pied même du promontoire où se trouvait l'assurance. A moins douze mètres, le fond s'incurve et, en face de moi, le tombant rocheux se creuse soudain d'une ouverture béante. Aucun doute possible, voilà le passage espéré et, sans hésiter, je m'y engage. Je pénètre d'abord dans une petite rotonde aux parois lisses et veinées de blanc. A gauche, un évidement latéral constitue la prolongation du siphon \ le plancher est tapissé d'une fine et onctueuse argile ; assez large, le conduit n'offre que peu de hauteur, aussi j'enregistre soigneusement la topo des lieux car le retour se fera immanquablement dans un épais brouillard. Après environ 65 mètres de remontée lente mais continue, le siphon débouche sur un vaste espace libre aux confins encore indiscernables. La boue, le peu de profondeur et la longueur

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de la corde d'assurance freinent considérablement la progression dans la rivière large de plusieurs mètres et "bordée par des talus argileux parsemés d'éboulis. Je parviens à un éperon rocheux mais la corde ici, sans doute totalement déroulée, ne laisse plus avancer. Par suite des conditions difficiles - boue, absence de lampe de secours, intransmissibilité des signaux - je renonce à poursuivre seul et désencordé.

La turbidité de l'eau est telle qu'elle nous oblige à remettre la poursuite de l'exploration au lendemain.

Nos collègues "saintponnais" s'offrent d'ailleurs à nous montrer un autre réseau parsemé aussi de siphons et autres voûtes mouillantes. En libre, Lucienne Golenvaux (devenue Mme Rossignol depuis) ne peut que constater l'intérêt que présente une incursion dans ces différents points d'eau, mais, sans matériel approprié, force nous est de stopper les recherches.

Le lendemain, comme convenu, c'est à trois que nous franchissons le siphon du lac de l'équerre. Déséquipés, nous gravissons un talus d'éboulis dont les blocs sont soudés par de la calcite. L'écho de nos voix confirme notre première impression de grande cavité, nous effectuons 25 à 30 mètres d'escalade aisée. Devant nous, la paroi s'estompe dans l'obscurité malgré la puissance de nos torches conjuguées. Fous nous séparons pour pénétrer dans deux grandes galeries parallèles très accidentées ; nous nous insinuons entre de grosses masses rocheuses devenues dangereusement instables. Dans sa chute, un bloc me manque de fort peu et j'en deviens extrêmement circonspect car je n'ose pas songer aux conditions d'un sauvetage à "travers le siphon.

Enfiévrés par la découverte, Lucienne et Jean-Marie qui m'ont rejoint entre-temps, me devancent et leurs exclamations enthousiastes se perdent bientôt dans un murmure lointain. De place en place, de jolies concrétions tempèrent la rudesse des lieux.

Sa progression stoppée par une coulée terminale de blocs et d'argile, Jean-Marie revient avec un tibia de bovidé qu'il brandit à bout de bras. Tout en attendant Lucienne, nous percevons à intervalles irréguliers un roulement sourd qui trouble le profond silence de la caverne. Il s'agit probablement du passage de lourds véhicules sur une route dont la proximité en surface sera confirmée lors de la mise en ordre du 1ère topographique.

Après avoir longuement fureté dans une profonde crevasse où elle était handicapée par le manque d'agrès, Lucienne nous rejoint enfin et nous décidons de poursuivre par le chemin de l'eau. Nous cheminons donc dans la rivière au fond très boueux jusqu'à ce que, une centaine de mètres plus loin, un barrage d'éboulis au travers duquel l'eau afflue de toutes parts marque sans appel la fin de nos découvertes. Tandis que Jean-Marie s'efforce néanmoins de plonger dans ce tamis rocheux, Lucienne tente de forcer un éventuel passage aérien. Ils en seront, hélas, pour leurs frais. Voilà d'ailleurs plus de deux heures que nous avons quitté nos amis de Saint-Pons, le froid et la fatigue se font insidieusement sentir et il nous faut encore affronter à nouveau le siphon.

Nonobstant la visibilité presque nulle, notre retour s'effectue sans problème et nos collègues, transis par une longue attente, nous accueillent chaleureusement .

Bob Destreille.